Paroles d'experts : quelle part donner aux énergies renouvelables ?

Des experts français nous livrent leurs points de vue sur la place qu’il faut donner aux énergies renouvelables, en France comme dans le monde.

le 13/10/2003

Bernard Laponche
ICE Consultants

Bernard Laponche

 « C'est forcément la solution sur le long terme et le très long terme. Si on arrive à un système où effectivement l'énergie est produite par des moyens renouvelables, on sort de cette espèce de problématique permanente des réserves et de gaspiller le patrimoine mondial, etc. Donc objectif clair. Deuxièmement : objectif clair qui n'est atteignable et qui n'a de sens que s'il est couplé avec la maîtrise des consommations d'énergie. Ca veut dire que si je développe les énergies renouvelables au milieu d'un système productiviste qui explose ça n'a aucun sens. Si je les développe avec une sobriété énergétique qui fait que la consommation d'énergie diminue pour les pays riches et augmente plus lentement pour les pays en développement, ça c'est une bonne stratégie. Troisième idée dans les énergies renouvelables, on parle essentiellement de la production d'électricité pour des tas de raisons et je pense que là-dedans effectivement l'éolien a une place à court terme et à moyen terme très intéressante. Mais, y compris au niveau des objectifs européens, le plus important c'est le développement de la biomasse pour la production de chaleur et pour la production de carburants de substitution. Au niveau mondial la première ressource est probablement la biomasse donc le message qu'il faut faire passer sur les énergies renouvelables, c'est que on s'intéresse plus à la chaleur qui est toujours le parent pauvre et que en particulier en France on mette le paquet sur le développement de l'utilisation du bois avec des moyens modernes, c'est-à-dire des chaudières à haut rendement voir la gazéification de la biomasse de façon à petit à petit faire que l'utilisation de la biomasse qui est très importante au niveau mondial, c'est un milliard d'équivalent en pétrole, non pas forcément augmente en quantité mais augmente en qualité. »

Jean-Marie Chevalier
directeur du Centre de géopolitique de l'énergie et des matières premières

Jean-Marie Chevalier

« Il y a une énergie renouvelable dont on parle peu mais qui pourtant a un avenir important, c'est la géothermie, il y a des potentiels de géothermie un peu partout et ce serait bon de pousser au développement de cette source d'énergie. Je pense que la part des énergies renouvelables devra augmenter à plus long terme mais il y a un problème de correction à faire, aujourd'hui les grandes énergies, on est à 90 % sur pétrole, gaz et charbon or on sait que ces énergies produisent du C02 et des émissions de gaz à effet de serre, on peut pas continuer comme ça, il faut qu'on arrête. Il faudrait donc que ces énergies sales payent les nuisances qu'elles entraînent et à ce moment-là ça redonne une chance nouvelle aux énergies renouvelables que l'on pourrait pousser davantage à ce moment là. Le bilan énergétique du futur, il sera plus diversifié, mais il ne faut pas se leurrer, pétrole, gaz et charbon continueront à occuper une place importante dans notre bilan. »

Bernard Spinner
Directeur du programme Énergie du CNRS

Bernard Spinner

« Je suis absolument pour l'introduction de ces énergies renouvelables mais au niveau décentralisé. Alors décentralisé, je veux dire production et utilisation de cette énergie soit au niveau d'une ville soit au niveau d'un arrondissement et il est clair pour moi que s'il y a une source locale les demandes doivent aussi être revues et par exemple interconnecter les quartiers, les besoins des quartiers et en production de chaleur et en production de froid, parce que on a besoin dans nos maisons de plus en plus de production de froid. Et donc arriver à bien gérer localement cela. Bien sûr avec le support centralisé de la production électrique qui assure quand même tous nos besoins en énergie mécanique. »

Christian Stoffaes
directeur de la prospective et des relations internationales, EDF

Christian Stoffaes

« Les énergies renouvelables dans l'état actuel des coûts économiques, des connaissances technologiques n'a de place que sur des créneaux restreints en particulier dans les zones isolées, ça pourrait être une réponse dans les zones isolées des pays en développement mais en aucun cas sauf excepté des coûts prohibitifs pour la production de masse. La situation peut peut être changer dans 20 ou 30 ans, il est possible que ces énergies soient arrivées à un degré de compétitivité on a vu des progrès assez importants sur les éoliennes depuis 20 ans mais qui ne sont pas encore à la compétitivité. En ce qui concerne la France, nous sommes assez largement équipés en matière énergétique donc il n'y a pas beaucoup de place et en particulier ça coûte plus cher. »

Jean-François Giannesini
Ingénieur en chef à l’institut français du pétrole

Jean-François Giannesini

« Le problème de ces énergies c'est effectivement leur coût et en même temps leurs possibilités. Prenons l'éolien, et bien vous ne pouvez pas mettre des éoliennes partout parce qu'il n'y a pas suffisamment de vent partout. Il faut savoir où sont les gisements de vent, les gisements de vents on le sait très bien ils sont du côté de Perpignan, il y a un très beau gisement de vent, dans le nord de la France il y a un très beau gisement de vent. Mais ailleurs le vent est trop irrégulier, vous ne pouvez pas mettre des éoliennes partout. Si vous en mettez par exemple dans la vallée du Rhône pour exploiter le mistral, vous n'avez du mistral que quelques jours par an. Vos éoliennes ne vont marcher que quelques jours par an. Donc c'est ça qu'il faut bien voir, il faut voir que de même qu'il y a des gisements de pétrole, de gaz ou de charbon, il y a des gisements éoliens, il y a des gisements hydrauliques aussi dans les montagnes et ces gisements ils sont limités. »

Patrice Bernard
Directeur du développement et de l’innovation nucléaire, CEA

Patrice Bernard

« Je crois clairement qu'il sera difficile de voir à la fois la population de la planète croître, puisque nous devrions être huit à neuf milliards d'habitants en 2050 et nourrir toute cette population. Nous aurons besoin de toute la surface au sol pour les terres agricoles et il sera important aussi de préserver ces surfaces et si on a des formes d'énergie renouvelable qui sont très consommatrices de surfaces on tombera sur une difficulté. Donc, il y aura une place pour les énergies renouvelables à mes yeux c'est tout à fait important de les développer. Certains pays s'y prêteront plus que d'autres, des pays où il y a du vent de façon régulière s'y prêteront de façon plus importante mais on a quand même cette limitation qui est liée à la surface, on a aussi une limitation qui est liée au coût : le photovoltaïque c'est dix fois plus cher que l'électricité que nous produisons aujourd'hui, l'électricité éolienne c'est trois fois plus cher et pour les pays en voie de développement cette limitation au coût est aussi un obstacle parce qu'il faut de l'énergie durable et pas chère. »

Jean-Louis Bal
Directeur adjoint du bâtiment et des énergies renouvelables, Ademe

Jean-Louis Bal

« Les énergies renouvelables, il faut bien se rendre compte qu'elles ont un potentiel physique qui est considérable, qui est bien supérieur à notre consommation d'énergie.L'énergie solaire qui nous arrive chaque jour sur la Terre ça représente à peu près 12 000 fois la consommation d'énergie de l'ensemble de la planète. »