Une diversité de marqueurs et de techniques d'imagerie

Marqueurs prédictifs : au-delà de l’ADN…

Si les tests ADN se multiplient, d'autres types de tests permettent aussi de prédire l'apparition de maladies. Ils représentent même l'essentiel des marqueurs utilisés en médecine prédictive.

Prédire un risque de mort subite chez l’adulte

De la simple mesure du cholestérol, révélateur d'un risque accru de maladies cardiovasculaires, jusqu'au repérage de certains anticorps circulant dans le sang bien avant le développement des maladies auto-immunes, en passant par le dosage du PSA pour dépister le cancer de la prostate, la panoplie des tests annonciateurs de notre futur est large. Pour certains experts, ces marqueurs biologiques possèdent une valeur prédictive bien supérieure à l'analyse directe de l'ADN. En effet, une altération génétique peut rester silencieuse et n'avoir aucun effet (l'expression d'un gène n'est pas automatique, elle dépend d'autres gènes et de l'environnement). En revanche, si le produit de ce gène (protéine, enzyme, hormone…) est anormal, cela signe réellement le démarrage d'un processus pathologique.

Toutefois, le problème réside ici dans la spécificité des tests. Par exemple, les deux principaux paramètres surveillés pour prédire l'apparition d'une maladie cardiovasculaire sont la pression artérielle et le taux de cholestérol. Problème : 20% environ des hommes d'âge moyen sont atteints d'hypertension artérielle ou d'hypercholestérolémie ; ces facteurs de risque sont donc extrêmement fréquents. Or, seulement 6 à 12% d'entre eux seront victimes d'un infarctus du myocarde.

Quand les bactéries jouent les « indics »

Bactéries

Les milliards de bactéries présentes dans le tube digestif (plus de 1 kg !) vont-elles devenir les prochains marqueurs privilégiés de la médecine prédictive ? De plus en plus d'études font en effet état du rôle crucial de certaines d'entre elles (comme les bactéroïdes et les firmicutes) dans le développement de maladies telles que l'obésité, le diabète ou le cancer du côlon (1). Un projet européen vient d'être lancé dont l'objectif est d'étudier le génome de l'ensemble de ces bactéries afin de caractériser leurs fonctions et leurs implications sur la santé (2).

1. W. Jia et al, Nature Review, vol 7, février 2008. / 2. Metagenomics of the Human Intestinal Tract, voir www.metahit.eu.

Cancer de la prostate : des tests controversés

Le dosage de l'antigène spécifique de la prostate (PSA) dans le sang est proposé pour dépister précocement le cancer de la prostate. Au-delà de 4 ng/ml, on considère que la personne est à risque (1). Problème : à ce seuil, la probabilité que le patient soit porteur du cancer lorsque le test est positif, n'est que de 30%. D'où un surdiagnostic et le risque de traitements inadaptés aux conséquences parfois néfastes (risque d'impuissance et d'incontinence). Récemment, des marqueurs génétiques associés à un risque accru de cancer de la prostate ont été mis en évidence (2) et un test de prédisposition est désormais proposé sur Internet (3). Une démarche jugée prématurée par la communauté scientifique.

1. Source : Canadian Journal of Public Health, Mai-Juin 2007. / 2. Source : New England Journal of Medicine (NEJM), 16 janvier 2008. / 3. La société privée islandaise « deCODE Genetics » commercialise ce test au prix de 690 euros.

Imagerie médicale : de la (pré)vision à la prédiction

TEP : check-up d’un nouveau genre

L'imagerie est un des moyens d'investigation privilégiés de la médecine prédictive. Les premières images cliniques, nées à la fin du XIXe siècle, étaient uniquement morphologiques. Mais dès les années 80, des imageries dites fonctionnelles permettent de visualiser l'activité des organes, telles que l'activation cérébrale ou le métabolisme des tissus. Une révolution dans le domaine de la prédiction puisque la plupart des pathologies entraînent d'abord un changement de fonction avant d'altérer la forme des structures. Dès lors, on cherche à remonter toujours plus en amont dans le développement des processus pathologiques.

Ainsi, en suivant à la trace un certain nombre de molécules (récepteurs, neuro-transmetteurs, enzymes…), l'imagerie moléculaire permet de repérer des anomalies avant même qu'elles puissent avoir un impact sur la fonction de l'organe. Autre défi : en visualisant non plus les protéines mais les ARN messagers à l'origine de leur production, l'imagerie génique permet d'aller encore plus en amont dans la prédiction. Pour l'heure balbutiante (1), cette technique d'imagerie de l'expression des gènes pourrait, par exemple, permettre de visualiser les anomalies génétiques qui finissent par aboutir à une cellule cancéreuse et d'intervenir ainsi au tout début du processus cancéreux.

1. Cette technique d'imagerie est essentiellement utilisée en recherche fondamentale chez l'animal. Elle permet d'identifier les déterminants moléculaires précoces impliqués dans le développement des maladies. Chez l'homme, on s'en sert déjà pour prédire le potentiel évolutif des tumeurs.

Maladie d'Alzheimer : du dépistage précoce à la prédiction

Dépister la maladie d'Alzheimer

La maladie d'Alzheimer se caractérise par des dépôts excessifs de plaques amyloïdes dans le cerveau. Visibles chez la souris (grande photo en couleur), il est désormais possible de les visualiser chez l'homme (petites photos en couleur). Ces dépôts peuvent débuter parfois dix ans avant les premiers symptômes. Mais ils ne sont pas spécifiques de la maladie d'Alzheimer, on les retrouve dans d'autres maladies neurodégénératives. Autre approche envisagée : la mesure du volume de l'hippocampe, une structure atrophiée dès les premiers stades de la maladie (1) (en rouge sur la photo noir et blanc). Cependant, aucun traitement de la maladie d'Alzheimer n'existant à ce jour, certains médecins se refusent à utiliser l'imagerie cérébrale comme indice prédictif de cette pathologie.

1. Un logiciel de traitement d'images mesurant automatiquement le volume de l'hippocampe vient d'être mis au point par des chercheurs français, afin de faciliter ce type de détection, aujourd'hui longue et délicate et donc pratiquement jamais réalisée en clinique. Source : Radiology, juillet 2008.

Repérer le cerveau « déconnecté »

Dans notre cerveau, les 100 milliards de neurones (principales cellules du système nerveux) sont connectés entre eux, formant ainsi un vaste réseau de « câbles ». Cette technique d'imagerie, basée sur le mouvement des molécules d'eau, permet de redessiner la cartographie des connexions entre circuits neuronaux à l'intérieur du cerveau. Et donc de révéler d'éventuelles anomalies de connexions. Or, des découvertes récentes montrent que de telles anomalies existent dans certaines pathologies comme l'autisme et la schizophrénie. Attention malgré tout à ne pas croire que ces maladies complexes et multifactorielles peuvent être diagnostiquées, voire prédites, avec ce type d'imagerie.

Source : Denis Le Bihan et al, NeuroSpin, CEA.

Des échographies toujours plus performantes

Deux tiers d’anomalies congénitales détectées

La médecine prédictive ne se limite pas à l'annonce d'un risque de survenue d'une maladie. Elle permet également le dépistage d'un certain nombre d'anomalies avant la naissance. À ce titre, l'échographie fœtale occupe une place de choix et ce, d'autant plus que des progrès fulgurants ont été constatés avec ce type d'imagerie au cours des vingt dernières années.

Par exemple, le couplage avec une sonde doppler permet, au-delà du dépistage des malformations, de repérer chez le fœtus d'éventuelles anomalies vasculaires. En outre, l'apparition récente des échographies 3D améliore encore la précision de l'image, offrant la possibilité de visualiser des anomalies de la colonne vertébrale, des membres ou encore des becs de lièvre jusqu'alors invisibles avec la technique 2D classique. L'enjeu de ce dépistage est double : d'une part, éviter par des interruptions de grossesse la naissance d'enfants gravement malades ou handicapés ; d'autre part, s'ouvrir les portes d'une prise en charge précoce de l'enfant dès la naissance – le plus souvent par une intervention chirurgicale – , voire un jour peut-être par une intervention directe sur le fœtus avant la fin de la grossesse.

Du préjudice d’être né…

Peut-on demander réparation pour être né avec un handicap non diagnostiqué lors de la grossesse ? Oui, a d'abord répondu la Cour de cassation en 2000, suite au procès intenté par Mme Perruche pour la naissance de son enfant lourdement handicapé à cause d'une rubéole non détectée pendant sa grossesse. Devant le tollé général provoqué par cette décision, une nouvelle loi a été promulguée en 2002 qui exclut « tout préjudice du seul fait de sa naissance ». En juillet 2008, un nouvel arrêt de la Cour de cassation estime que cette loi ne s'applique pas aux enfants nés avant 2002.

Prédire un risque d’accident cardiovasculaire

Ici, une obstruction de l’ordre de 80% de l’artère carotidienne...

On sait que les plaques d'athérome dans les vaisseaux révèlent un risque accru d'accident vasculaire cérébral et d'infarctus du myocarde (1). Il est donc important de pouvoir les détecter car il est ensuite possible d'intervenir pour enlever ces plaques ou de prendre des médicaments pour freiner leur évolution. Au niveau de la carotide, une échographie-doppler permet de repérer une diminution du flux sanguin. Une IRM peut ensuite préciser la zone atteinte et évaluer le degré d'obstruction des vaisseaux.

1. Environ la moitié des décès par accident cardiovasculaire sont liés à ces plaques d'athérome (dépôts de cholestérol) qui obstruent les vaisseaux et peuvent se rompre à tout moment.

Suivre les cellules à la trace

Prédire une fracture de l’os

Les traceurs radioactifs sont l'un des éléments importants de l'imagerie prédictive. Il s'agit de molécules auxquelles est ajouté ou substitué un atome radioactif, qui viennent se fixer de façon spécifique sur une cible (cellule ou molécule). Lorsque leur atome radioactif se désintègre, elles émettent un rayonnement que l'on peut suivre à l'aide de détecteurs externes. Un des enjeux majeurs de l'imagerie prédictive est de trouver puis de synthétiser des traceurs toujours plus spécifiques d'un paramètre biologique donné.

Amiante : indemnisation d’un risque

Par exemple, l'utilisation du glucose marqué au fluor 18 repose sur un principe physiologique simple : les cellules cancéreuses consomment plus de glucose que les cellules non cancéreuses. Ce traceur permet donc de visualiser des cellules malignes avant l'apparition des premiers symptômes. Problème : non seulement toutes les tumeurs n'agissent pas de la sorte, mais certains processus infectieux banals peuvent également entraîner un emballement du métabolisme du glucose. D'autres traceurs plus spécifiques sont donc en cours de développement. Certains pourraient se passer de radioactivité, comme les traceurs fluorescents ou paramagnétiques (qui modifient la susceptibilité magnétique des molécules).

Une évaluation psychologique « prédictive » ?

Loin des maladies ciblées par la médecine prédictive et à mille lieux des tests habituels, une approche basée sur l'évaluation psychologique a été proposée par un groupe d'experts de l'Inserm en 2005 pour repérer des troubles du comportement chez l'enfant dès l'âge de trois ans.

Destinée à améliorer la prise en charge thérapeutique des enfants hyperactifs, cette démarche a soulevé une vive polémique – certains s'inquiétant de la médicalisation des « écarts du comportement » de l'enfant qui, selon eux, relèvent bien souvent de problèmes socio-éducatifs. Ce « dépistage précoce » avait été suggéré dans un rapport parlementaire comme outil de prédiction de la délinquance. Face à une forte contestation et à un avis négatif du Comité consultatif national d'éthique, le gouvernement retire en juin 2006 cette disposition du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance.

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