Prix Nobel 2005 : Yves Chauvin, chimiste chorégraphe

Le prix Nobel de chimie 2005 a été décerné au Français Yves Chauvin et aux Américains Robert H. Grubbs et Richard R. Schrock, pour leurs travaux sur la métathèse, « danse avec changement de partenaire » selon l'Académie des sciences de Suède.

Par Lise Barnéoud, le 13/10/2005

Un huitième Français reçoit le Nobel de chimie

Yves Chauvin, directeur de recherche à l'Institut français du pétrole (IFP)  et membre de l'Académie des sciences, a été récompensé par le prix Nobel de chimie 2005. C'est le huitième scientifique français à recevoir un Nobel de chimie, 18 ans après Jean-Marie Lehn et 94 ans après Marie Curie. Le chercheur, aujourd'hui à la retraite, partage ce prix avec deux scientifiques américains : Robert H. Grubbs et Richard R. Schrock. Le trio est récompensé pour leurs travaux sur « le développement de la métathèse en synthèse organique ».

« L'ampleur de la récompense me dépasse un peu, a déclaré Yves Chauvin. C'est un thème sur lequel j'ai travaillé il y a 35 ans. On me dit maintenant que c'est intéressant. Pour moi, c'est évident. Mes collègues américains l'ont démontré. Aujourd'hui, je ne vais pas trépigner de joie ».

La biographie de Yves Chauvin

Yves Chauvin

Yves Chauvin, né le 10 octobre 1930, ancien élève de l'École supérieure de chimie de Lyon, a été directeur de recherche à l'Institut français du pétrole et responsable du laboratoire de catalyse moléculaire.

Il a fait preuve d'une créativité scientifique remarquable dans le domaine de la catalyse homogène concrétisée par de nombreux brevets, publications et prix scientifiques nationaux et internationaux.

Auteur de quatre grands procédés industriels, il a également traité avec succès des recherches fondamentales et appliquées.

Il a découvert le mécanisme de la métathèse des oléfines (mécanisme de Chauvin). Il a proposé dans les années 1970 des intermédiaires métallocarbéniques. Il a réalisé des travaux sur l'oligomérisation des oléfines et des dioléines, les réactions de carbonylation, la synthèse d'alpha-amino-acides naturels et non naturels, la catalyse asymétrique, la synthèse organométallique des terres rares et la catalyse biphasique liquide-liquide dans des milieux liquides ioniques non aqueux.

Yves Chauvin a reçu notamment le Prix Clavel-Lespiau de l'Académie des sciences (1990), le prix de l'association française des techniciens du pétrole, la médaille Karl Engler de la German Scientific Society for Coal and Petroleum Research (DGMK) (1994).

Source : Académie des sciences

« Une danse avec changement de partenaire »

Selon la définition de l'Académie des sciences de Suède, la métathèse est « une danse avec changement de partenaire ».

En réalité, il s'agit d'un type de réaction qui permet un réarrangement des liaisons doubles entre les atomes des substances organiques. Grâce à l'action de molécules catalytiques spécifiques, « les liaisons doubles entre les atomes sont rompues et recomposées d'une façon qui provoque le changement de place de groupes d'atomes » (voir animation).

Ce procédé, expliqué pour la première fois par Yves Chauvin en 1971, est aujourd'hui couramment utilisé dans l'industrie chimique, notamment dans la production de médicaments et de nouveaux matériaux plastiques.

Les Français lauréats des prix Nobel scientifiques

Physique :

  • Pierre Curie, Marie Curie et Henri Becquerel (1903)
  • Gabriel Lippmann (1908)
  • Jean Perrin (1926)
  • Louis-Victor de Broglie (1929)
  • Alfred Kastler (1966)
  • Louis Néel (1970, avec le Suédois Hannes Alfvén)
  • Pierre-Gilles de Gennes (1991)
  • Georges Charpak (1992)
  • Claude Cohen-Tannoudji (1997, avec les Américains Steven Chu et William Phillips)


Chimie :

  • Henri Moissan (1906)
  • Marie Curie (1911)
  • Victor Grignard et Paul Sabatier (1912)
  • Frédéric Joliot et Irène Joliot-Curie (1935)
  • Jean-Marie Lehn (1987, avec les Américains Donald Cram et Charles Pedersen)
  • Yves Chauvin (2005, avec les Américains Robert Grubbs et Richard Schrock)


Physiologie / Médecine :

  • Alphonse Laveran (1907)
  • Alexis Carrel (1912)
  • Charles Richet (1913)
  • Charles Nicolle (1928)
  • Jacques Monod, François Jacob et André Lwoff (1965)
  • Jean Dausset (1980, avec les Américains Baruj Benacerraf et George Snell)


Economie :

  • Maurice Allais (1988)

 

Les autres Nobel 2005

Le prix Nobel de physique 2005 a été décerné à deux Américains Roy Glauber et John Hall, et un Allemand, Theodor Hänsch. Ces trois chercheurs ont été nobélisés pour leurs travaux en optique fondamentale. Pour la médecine, deux australiens ont été récompensés : Robin Waren et Barry Marshall, codécouvreurs de la bactérie responsable de l'ulcère de l'estomac. Quant au prix Nobel d'économie, il revient à l'Américain Thomas Schelling et à l'Israélo-Américain Robert Aumann pour leur théorie de « décision interactive » qui permet une meilleure compréhension des conflits et de la coopération dans le commerce et les affaires.

À propos du prix Nobel

Alfred Nobel, né à Stockholm (Suède) le 21 octobre 1833, est l'inventeur de la dynamite, une invention qui fera sa fortune. Lors de sa mort, il demande par son testament à ce qu'une grande partie de son capital serve à la création d'une fondation qui aura pour charge de récompenser chaque année les personnes « qui auront rendu de grands services à l'humanité » dans cinq domaines : la paix, la littérature, la chimie, la physique et la médecine. Le chercheur précise dans son testament que « l'attribution des prix ne doit pas tenir compte de la nationalité des chercheurs ».

En 1969, la banque royale de Suède crée un sixième prix Nobel pour récompenser les recherches dans le domaine des sciences économiques.

Pourquoi n'y a-t-il pas de prix Nobel de mathématiques ?

Selon une première hypothèse, Alfred Nobel était davantage préoccupé par les innovations technologiques que par la recherche abstraite.

Une seconde hypothèse avance qu'il aurait refusé de créer un prix de mathématiques pour se venger de sa maîtresse du moment, une jeune et jolie fleuriste de Vienne, qui lui préférait le grand mathématicien suédois Gosta Magnus Mittag-Leffler. De nombreux historiens contestent cette version des faits tout en reconnaissant qu'il existait bien un différend entre les deux hommes.  

Lise Barnéoud le 13/10/2005