Après un voyage de cinq mois dans l'espace, la sonde européenne Venus Express a pu se placer avec succès en orbite autour de Vénus. Durant plus de 550 jours, elle va tenter de comprendre pourquoi la « sœur » de la Terre n'a pas connu la même destinée que notre planète.
Mise en orbite réussie
Lancée le 9 novembre 2005 depuis le cosmodrome de Baïkonour, au Kazakhstan, la sonde européenne Venus Express n'aura mis que cinq mois – 163 jours exactement – pour rejoindre son objectif final : la planète Vénus, qui n'avait pas reçu de visite depuis plus de dix ans avec le passage, en 1994, de la sonde américaine Magellan.
Le 11 avril 2006, Venus Express a donc amorcé avec succès sa mise en orbite, une manœuvre délicate s'étalant sur plusieurs semaines qui doit l'amener sur une trajectoire stable lui permettant de mener à bien sa mission. Ce qui ne lui a pas empêché de produire sa première image dès le 12 avril. Venus Express ne se posera pas sur Vénus. Elle restera quelque 550 jours en orbite autour de la planète, soit l'équivalent de deux années vénusiennes. De quoi étudier en détail l'épaisse et mystérieuse atmosphère qui masque en permanence la surface de Vénus et qui fait de cette planète l'une des plus inhospitalières de tout le système solaire.
Planète Sœur ?
Même taille que la Terre, même masse, même âge… Vénus a souvent été qualifiée de sœur de la Terre. En vérité, l'épais manteau nuageux de Vénus cache un véritable enfer bien incapable d'abriter la moindre forme de vie. Des vents violents, des pluies d'acide sulfurique, une température avoisinant les 465°C (de quoi faire fondre le plomb ou le zinc)… les rares sondes à avoir atterri dans cet univers dantesque n'ont pas survécu plus de quelques minutes. Curieusement, il fait plus chaud sur Vénus que sur Mercure, une planète située pourtant plus près du Soleil.
Ce paradoxe s'explique par l'épaisse atmosphère constituée à 96% de CO2 qui entoure « l'étoile du berger » : un gaz qui, comme sur Terre, participe activement à l'effet de serre. Mais sur Vénus, où le taux de CO2 est 250 000 fois plus important que sur notre planète, le processus est poussé à l'extrême. Sans effet de serre, la température de Vénus n'excèderait d'ailleurs pas les 25°C. Comment deux planètes aussi semblables que la Terre et Vénus ont-elles pu évoluer vers des destinées aussi différentes ? C'est l'une des questions auxquelles va tenter de répondre Venus Express.
Comparaison Vénus-Terre
|
Vénus |
La Terre |
Distance au Soleil (en km) |
108 200 000 |
149 600 000 |
Diamètre (en km) |
12 103 |
12 756 |
Masse (en kg) |
4869 x 10E24 |
5972 x 10E24 |
Densité (en kg/m3) |
5.24 |
5.52 |
Durée du jour |
243 jours terrestres |
23h56 |
Durée d'une année |
224,7 jours terrestres |
365,25 jours |
Atmosphère |
CO2 (96%) ; N (3%) |
N (77%) ; O (21%) |
Gravité |
8,87 |
9,81 |
Inclinaison de l'axe |
177,36° |
23,5° |
D’autres énigmes à résoudre
Mais Vénus cache d'autres mystères. La planète tourne ainsi extrêmement lentement sur elle-même : près de 243 jours terrestres. Par conséquent, une journée sur Vénus dure plus longtemps qu'une année !
De surcroit, Vénus est la seule planète dans tout le système solaire à tourner dans le sens des aiguilles d'une montre (le Soleil se levant à l'Ouest et se couchant à l'Est).
Curieusement, vue de la Terre, Vénus semble tourner sur elle-même beaucoup plus rapidement. Cette impression est due à la vitesse des nuages de haute altitude évoluant à près de 400 km/h, ceux-ci effectuant un tour de la planète en seulement 4 jours. Grâce à ses nombreux instruments, Venus Express devrait être en mesure d'apporter des réponses sur cette étrange circulation atmosphérique qualifiée de « super-rotation », que l'on observe d'ailleurs également sur Titan.
90 kg de matériel scientifique
Entre 1989 et 1994, la sonde américaine Magellan a pu répondre à de nombreuses interrogations sur la topographie et l'altimétrie de Vénus. Grâce à son radar, elle a notamment pu dresser une cartographie très détaillée de la planète. En s'intéressant spécifiquement à l'atmosphère vénusienne, Venus Express comble donc une lacune laissée par les missions précédentes. À cet effet, la sonde transporte 90 kg de matériel scientifique regroupant sept instruments.
Recyclage...
Derrière cette « débauche » de matériel scientifique, Venus Express se révèle être en fait une mission très peu coûteuse. Certes, ses 220 millions d'euros (lancement compris) feraient rêver plus d'un laboratoire de recherche. Mais cette somme est dérisoire comparée aux 800 millions de dollars des rovers martiens américains ou aux 3,26 milliards de dollars de Cassini-Huygens actuellement en orbite autour de Saturne. Venus Express fait ainsi partie de ces nouvelles missions européennes volontairement peu coûteuses et rapidement mises en œuvre (d'où son qualificatif « Express »).
Comment parvenir à cet objectif ? En recyclant des matériels déjà éprouvés sur d'autres missions. Venus Express bénéficie ainsi de nombreux modules utilisés sur Mars Express (actuellement en orbite autour de la planète rouge), sonde qui, elle-même, avait profité d'éléments développés pour Rosetta qui doit se placer en orbite autour d'une comète en 2014. Principale difficulté de ce recyclage : passer du froid au chaud. Avec Mars Express, les ingénieurs devaient adapter leur matériel à un milieu froid et peu lumineux. C'est l'inverse qu'ils ont dû résoudre avec Venus Express : les panneaux solaires sont plus petits, des systèmes d'évacuation de chaleur ont été installés… Reste maintenant à vérifier que toutes ces économies et astuces n'auront pas d'incidences sur le déroulement de la mission. Réponse durant les prochains mois.