Sous l'œil de Corot : tremblements d’étoiles et exoplanètes

C'est un instrument original que le CNES vient d'envoyer dans l'espace. Baptisé Corot, ce petit télescope ne va pas chercher à zoomer sur les étoiles, mais plutôt à observer leurs plus infimes variations lumineuses. De quoi révéler la sismologie de ces astres et l'éventuelle présence à leurs côtés d'exoplanètes presque aussi petites que la Terre.

Par Olivier Boulanger, le 14/12/2006

C'est parti !

Le 27 décembre dernier, le satellite français Corot s'est envolé sans encombre du cosmodrome de Baïkonour (Kazakhstan) à bord d'une fusée Soyouz 2-1B afin de rejoindre son orbite polaire située à 896 km d'altitude et commencer ainsi sa mission d'observation prévue pour une durée minimum de deux ans et demi.

Corot (vue d'artiste)

Conçu principalement par le Centre National d'Études spatiales (Cnes), ce nouvel instrument n'entend pas concurrencer Hubble ou les autres observatoires spatiaux actuellement en service. Équipé d'un petit télescope de « seulement » 27 cm de diamètre, Corot a été conçu pour mesurer les plus infimes variations lumineuses de plusieurs dizaines de milliers d'étoiles. Ces données – impossibles à recueillir depuis la Terre – devraient permettre de révéler la structure interne des étoiles ainsi que de nouvelles exoplanètes à peine plus grosses que la Terre.

Connaître les étoiles : une nécessité

Pourquoi est-il intéressant de connaître la physique interne des étoiles ?

On mesure mal à quel point la connaissance des étoiles est primordiale en astrophysique. Les étoiles représentent en effet un constituant essentiel de l'Univers et, à ce titre, elles interviennent au sein de la plupart des modèles astronomiques. Le problème est que notre savoir en la matière est bien imparfait. Et que, par voie de conséquence, de nombreuses théories en astrophysique souffrent de cette méconnaissance. À titre d'exemple, l'âge des plus vieux amas globulaires n'est connu qu'à un facteur 2 près : entre 11 et 21 milliards d'années ! Une incertitude bien peu satisfaisante que Corot devrait aider à réduire.

Au rythme des étoiles...

Modélisation de quatre types d'oscillations présentes dans les étoiles

Parmi les points particulièrement mal connus figure la physique interne des étoiles. Que se passe-t-il réellement dans leur cœur ? Comment s'y organise la matière en mouvement ? Malgré la distance qui nous sépare des étoiles, il existe un moyen de plonger au cœur des astres : la sismologie stellaire.

C'est un fait peu connu, mais les étoiles vibrent ! Comme des cloches – ou comme n'importe quel instrument de musique –, elles ondulent en fonction de leurs caractéristiques physiques. Décrypter ces ondulations de surface, c'est donc comprendre un peu mieux ce qui se passe à l'intérieur. Dans ce domaine, les scientifiques n'en sont pas à leurs débuts. C'est en usant du même principe que la structure interne de la Terre, de la Lune, et plus récemment du Soleil, ont pu être connues.

Que peut-on concrètement attendre de cette étude ?

Dans le cas des étoiles cependant, une difficulté vient s'ajouter : même avec de gros instruments, elles n'apparaissent jamais que comme d'infimes points plus ou moins lumineux. Malgré tout, les ondulations de surface se traduisent par de très faibles variations lumineuses qu'il est possible de mesurer… à condition d'être dans l'espace : sur Terre, les étoiles scintillent en raison des mouvements de l'atmosphère.

À 895 km d'altitude, loin de toute turbulence atmosphérique, Corot va observer durant des périodes continues allant de un à cinq mois environ 150 étoiles aux caractéristiques différentes, et mesurer leurs plus infimes variations lumineuses (de l'ordre du millionième de leur valeur nominale).

En quête d’une autre « Terre »

La méthode des vitesses radiales

Autre volet de la mission : la recherche de planètes gravitant autour d'autres étoiles que le Soleil. En onze ans, plus de 200 de ces « exoplanètes » ont pu être découvertes depuis la Terre. La plupart d'entre elles l'ont été grâce à une méthode indirecte – dite des vitesses radiales – qui consiste à détecter par spectrométrie les mouvements très particuliers d'une étoile lorsqu'une ou plusieurs planètes gravitent autour d'elle.

La méthode des transits

Dans le cas de Corot, c'est une autre méthode – tout aussi indirecte – qui va être mise en œuvre. Baptisée méthode des transits, elle consiste à détecter et à mesurer la baisse de luminosité chronique d'une étoile lorsqu'une planète passe devant son disque (un phénomène appelé transit). Une méthode éprouvée puisque, sur Terre, quatorze exoplanètes ont pu être identifiées de cette manière.

Si la méthode des vitesses radiales permet d'obtenir la masse d'une exoplanète, celle des transits apporte une information particulièrement importante : son diamètre. Et dans ce domaine, la sensibilité de Corot devrait permettre d'identifier pour la première fois des planètes à peine plus grosses que la Terre (1,5 fois). Avec près de 150 000 étoiles au programme, il y a fort à parier que cet objectif sera bientôt atteint.

Olivier Boulanger le 14/12/2006