Surdité et implant cochléaire : toujours sur les lèvres...

Les personnes sourdes portant un implant cochléaire – localisé dans le conduit de l'oreille interne appelé cochlée – conservent une lecture labiale active : 35% continuent de lire sur les lèvres contre 9% chez les personnes « normo-entendantes ».

Par Méline Le Gourriérec, le 11/04/2007

De la nouveauté dans la surdité

L'implant cochléaire fête ses 50 ans...

Une étude, réalisée sur plus d'une centaine de patients ayant pu bénéficier d'une implantation cochléaire – et publiée dans la revue PNAS du 2 avril* –, a tenté de savoir si la lecture sur les lèvres dite labiale, très utilisée par les personnes sourdes, était conservée après la rééducation et quelle part elle tenait dans la compréhension de la parole.

Chez ces personnes, l'étude a révélé que l'interaction de la vision et de l'audition permet d'acquérir une bonne compréhension de la parole alors qu'elles n'ont eu accès, pendant de longues années, qu'aux seules informations visuelles. Ce résultat a montré que le cerveau, même chez l'adulte, est capable de se réorganiser pour associer de façon optimale les fonctions auditives et visuelles.

*« Evidence that cochlear implanted deaf patients are better multisensory integrators. » J.Rouger, S.Lagleyre, B.Fraysse, S.Deneve, O.Deguine and P.Barone.

Les indications de l'implant cochléaire

6,6% de la population française, soit plus de 4 millions de personnes, ont une déficience auditive. Parmi celles-ci plus de 100 000 sont atteintes de surdité profonde, dont 80 000 pratiquent la langue des signes, et près de 400 000 ont une surdité sévère*.

Ces personnes constituent des candidats potentiels à une implantation cochléaire. Toutefois tous n'y ont pas accès. Pour qu'une personne puisse bénéficier d'un tel implant, elle doit remplir certains critères :

  • Son bilan auditif doit montrer que la perte d'audition est importante au point qu'une prothèse amplificatrice habituelle n'est pas suffisante – moins de 30% de compréhension de la parole avec prothèse et sans lecture labiale.
  • Un test de stimulation électrique dans l'oreille interne, pour mesurer la quantité de courant nécessaire afin de provoquer une sensation sonore chez le patient, est réalisé. Il fournit des informations utiles pour présager la réussite, ou non, de l'implantation éventuelle.
  • Son examen radiologique (scanner ou IRM) doit vérifier la faisabilité de l'opération, choisir le côté à implanter et préparer l'acte chirurgical.
  • Le patient doit aussi être suivi psychologiquement pour s'assurer de sa motivation et de sa bonne compréhension de l'opération.

Le cas de l'implantation chez un enfant suppose d'autres critères de sélection notamment la capacité de son entourage à le faire évoluer dans ce nouveau monde sonore qui s'ouvre à lui.

*Source : Union Nationale des Associations de Parents d'Enfants Déficients Auditifs.

Une étude sans précédent

Quel est le résultat le plus spectaculaire de votre étude ? Pascal Barone (CERCO)

Menée par Pascal Barone et Olivier Deguine du Centre de recherche cerveau et cognition (CERCO, CNRS/Université Toulouse 3), l'étude a suivi des patients du service ORL de l'hôpital Purpan (Toulouse) pendant plus d'une dizaine d'années après l'opération. Des tests permettant d'étudier les capacités à reconnaître des mots par la vision, l'audition et la visio-audition ont été réalisés à la fois sur des personnes implantées qui sont post-linguaux – devenues sourdes après avoir appris à parler – et sur des personnes « normo-entendantes ».

Quelles sont les applications possibles ? Pascal Barone (CERCO)

Pour que les conditions d'écoute se rapprochent, les informations entendues par les « normo-entendants » ont été transformées afin d'obtenir une qualité identique à celle produite par l'implant. C'est la première fois qu'un tel échantillon de données est ainsi obtenu permettant aux chercheurs de comparer la compréhension de la parole chez les personnes implantées et les « normo-entendantes ».

Cette étude a permis d'apporter des précisions sur le processus de récupération qui restait jusqu'alors méconnu. Les résultats obtenus devraient influencer les orthophonistes. En effet un travail interactif de la vision et de l'audition permettrait une récupération auditive plus rapide du patient.

Enfin, l'étude suggère que l'association de la lecture labiale à l'audition permet aux personnes implantées d'acquérir une compréhension de la parole quasi parfaite.

Méline Le Gourriérec le 11/04/2007