Alliage : pourquoi les microprocesseurs lâchent-ils ?

En filmant le comportement d'un alliage d'aluminium et de silice à haute température, une équipe française explique le vieillissement précoce des microprocesseurs.

Par Viviane Thivent, le 01/04/2008

Vieux avant l'âge

Un microprocesseur

Le casse-tête est aussi vieux que les ordinateurs eux-mêmes : pourquoi certains microprocesseurs, ces composants qui calculent pour le compte de nos machines, tombent-ils subitement en panne alors d'autres fonctionnent encore pendant des années ? Parce que l'alliage qui relie les différents éléments du microprocesseur - les transistors - vieillit parfois précocement. C'est du moins ce que l'on affirmait, sans grande conviction, ni preuve tangible, dans les laboratoires de recherche depuis une cinquantaine d'années. Cette théorie vient pour la première fois d'être explicitée (Science, 21 mars 2008). Une équipe du centre d'élaboration de matériaux et d'études structurales de Toulouse est en effet parvenue à décrire et filmer le vieillissement prématuré d'un alliage.

Qu'est-ce qu'un transistor ?

Découverts en 1947 par des chercheurs américains (Prix Nobel de physique en 1956) travaillant pour Bell Téléphone, les transistors sont autant d'interrupteurs qui permettent au microprocesseur de calculer. C'est, entre autres, grâce à leur multiplication que les ordinateurs ont gagné en puissance et en rapidité. En effet, si dans les années 1970, un microprocesseur portait environ 3 000 transistors, aujourd'hui, il en contient plusieurs dizaines de milliards.

Problèmes d’affinité

On utilise l'aluminium pour connecter les différents transistors du microprocesseur. Et pour résoudre certains problèmes de diffusion de matière, on lui ajoute un peu de silice. Or, ces deux éléments ne font guère bon ménage. « Dans cet alliage en effet, les atomes de silice ne se mélangent pas à l'aluminium. Ils s'agglutinent et forment une myriade de minuscules billes piégées dans une matrice cristalline d'aluminium », explique Marc Legros, co-auteur de l'étude.

Pour étudier le comportement de ces nanobilles de silice dans l'aluminium, l'équipe a observé une fine lamelle de cet alliage au microscope électronique. « Les inclusions de silice sont alors apparues nettement, continue-t-il. Nous avons ensuite chauffé l'alliage pour reproduire les conditions de fonctionnement du microprocesseur et nous avons filmé le comportement de la matrice d'aluminium et des nanobilles de silice. »

Un toboggan plutôt que l’isolement

Le mouvement des particules de silice dans l'aluminium

Les chercheurs ont ainsi observé qu'à cause de l'élévation de température, la matrice d'aluminium commençait à se déformer, créant de petits plis. Des défauts irréversibles dans le réseau cristallin d'aluminium qui se sont ensuite propagés dans la matière. « Nous avons alors constaté que ces plissements permettaient le déplacement rapide des atomes de silice dans l'alliage, souligne Marc Legros. En fait, chaque fois qu'un de ces plis passe par deux inclusions de silice, il se transforme en toboggan à atomes ! »

En empruntant ces plis, les atomes de la plus petite particule de silice glissent en effet vers la plus grosse inclusion. Résultat : avec le temps, les inclusions de silice deviennent de moins en moins nombreuses et de plus en plus grosses. « D'après nos calculs, ces plissements de la matrice d'aluminium multiplient par mille la vitesse de déplacement des atomes de silice dans l'alliage », s'enthousiasme Marc Legros. Avec quelles conséquences ? La perte du microprocesseur. Car, à l'inverse de l'aluminium, la silice ne conduit pas l'électricité. Aussi, si une inclusion de silice devient trop grosse, elle peut gêner et même empêcher la propagation du signal électrique entre deux transistors. En attendant qu'une solution concrète vienne résoudre ce problème technique, ce résultat devrait permettre de mieux modéliser le vieillissement des alliages.

Viviane Thivent le 01/04/2008