Cassini découvre une étendue liquide sur Titan

Grâce à son spectromètre infrarouge, la sonde Cassini a pu clairement identifier un lac d'éthane liquide de près de 20 000 km² à la surface de Titan. La plus grande lune de Saturne devient ainsi le seul corps du Système solaire à posséder, avec la Terre, une étendue liquide à sa surface.

Par Olivier Boulanger, le 05/08/2008

Un lac d'hydrocarbures de 20 000 km²

Un lac d'éthane liquide sur Titan

La Terre ne peut plus se prévaloir d'être le seul corps du Système solaire à posséder des étendues liquides. Dans la revue Nature du 31 juillet 2008, des chercheurs du Jet Propulsion Laboratory (JPL) affirment – pour la première fois avec certitude – que Titan, le plus grand des satellites de Saturne, abrite tout près du pôle sud un gigantesque lac de 20 000 km². Des dimensions très semblables au lac Ontario d'Amérique du Nord qui lui ont d'ailleurs valu d'être baptisé « Ontario Lacus ».

Il ne faut cependant pas s'attendre à y trouver de l'eau : étant donné les conditions de température et de pression qui règnent à ces latitudes sur Titan (-184°C pour 1,5 bar), l'eau n'existe en surface que sous forme de glace. En revanche, certains hydrocarbures habituellement gazeux sur Terre, comme le méthane (CH4) ou l'éthane (C2H6), peuvent prendre une forme liquide. C'est ce dernier composé qui a été formellement identifié dans Ontario Lacus.

Pas d’océan, mais vraisemblablement de nombreux lacs

Le 14 janvier 2005, la sonde européenne Huygens dévoile un paysage aride et glacé.

Cachée derrière une éternelle couverture nuageuse, la surface de Titan agite les chercheurs depuis bien longtemps. Il y a plus de vingt ans, avant même que la sonde Cassini-Huygens survole Titan, ceux-ci estimaient déjà qu'il pouvait exister un océan de méthane à la surface de cette lune géante.

Pourtant, le 14 janvier 2005, lors de l'atterrissage du module européen Huygens, rien de tout ça. Les toutes premières images prises depuis Titan ne révèlent qu'une surface aride et froide parsemée de blocs de glace. Mais aucune étendue liquide visible à l'horizon !

Sans doute qu'en atterrissant dans cette région, Huygens a joué de malchance. Car le 22 juillet 2006, lors d'un survol de Titan, le radar de la sonde Cassini identifie d'étranges tâches opaques tout près du pôle nord. « Lorsqu'une surface ne renvoie pas d'écho radar, c'est que celle-ci est extrêmement lisse, note Bruno Bézard, chercheur à l'Observatoire de Paris et membre de la mission Cassini-Huygens. Nous en avons alors déduit qu'il s'agissait d'étendues liquides, des lacs de méthane probablement. Mais sans en avoir une certitude absolue. »

Ontario Lacus avait déjà été photographié par Cassini en 2005, mais il n'était pas possible alors de savoir de quoi était faite cette « tache sombre ».

Lors du 38° survol de Titan, Cassini a pu procéder à une mesure spectrométrique infrarouge de la surface de Titan. Les taches identifiées dans l'hémisphère nord n'ont cependant pas pu être analysées. Tout comme la Terre, Titan est en effet incliné par rapport au Soleil et présente donc des saisons. Or, actuellement, la région polaire nord est plongée dans une obscurité hivernale qui rend toute analyse spectrale impossible.

C'est donc dans l'hémisphère sud, tout près du pôle, que l'une des rares taches photographiées dans cette région en 2005 a pu faire l'objet d'une mesure. Une analyse difficile car le présupposé lac n'était que partiellement visible. Mais la signature spectrale est sans appel : Ontario Lacus contient principalement de l'éthane liquide mélangé à un peu de méthane.

Un cycle du méthane en guise de cycle de l’eau

Le cycle du méthane sur Titan

Cette nouvelle observation conforte les chercheurs sur le fait qu'il existe bien sur Titan un « cycle du méthane » jouant un rôle très similaire au cycle de l'eau sur Terre.

En raison des conditions de température et de pression, le méthane peut en effet exister sur Titan sous forme liquide ou gazeuse, et former des nuages, des aérosols, de la pluie. Sous l'effet du rayonnement solaire, il peut se dissocier pour former de l'éthane qui peut à son tour se précipiter et former des lacs, des rivières…

Qu'attend-on encore de la mission Cassini concernant Titan ?

Reste à savoir d'où vient ce méthane. « Sur Terre, le méthane est essentiellement d'origine biologique, note Bruno Bézard. Mais sur Titan, il provient certainement du cryovolcanisme. C'est-à-dire qu'il est sans doute piégé en profondeur dans de la glace d'eau et rejeté dans l'atmosphère par des volcans froids. » Ce qui n'a encore jamais pu être observé ! La mission Cassini ayant été prolongée jusqu'en 2010, d'autres survols devraient permettre d'observer de tels phénomènes, ou d'analyser – quand la saison s'y prêtera – les nombreux autres lacs supposés de l'hémisphère nord.

Olivier Boulanger le 05/08/2008