e-CORCE : un Google Earth à la française rafraîchi chaque semaine

Toute la Terre vue du ciel, chaque semaine et avec une résolution d'un mètre. Tel est l'objectif du projet e-CORCE récemment annoncé par le Centre National d'Etudes Spatiales (CNES). Le projet est technologiquement prêt à être lancé. Reste à boucler le tour de table financier...

Par Vahé Ter Minassian, le 27/10/2008

Un projet ambitieux

1 pixel = 1 mètre (avec e-CORSE)

Présenté à la presse le 15 octobre dernier, e-CORCE (« e-Constellation d'Observation Récurrente Cellulaire ») vise à mettre sur orbite une flotte de satellites chargés de fournir aux internautes des images aériennes et en couleurs de l'ensemble de la planète. Grâce à ses treize engins spatiaux et à plusieurs innovations technologiques, le système – qui pourrait être opérationnel en 2014 – devrait être capable non seulement de produire des clichés avec un degré de détail particulièrement fin (les allées d'un parc ou des véhicules dans un désert)... mais également de renouveler ces vues fréquemment !

Une super caméra spatiale pour quoi faire ?

À l'origine de cette proposition, la nouvelle politique du CNES, lequel doit désormais imaginer de nouveaux concepts dans le cadre de ses études prospectives portant sur l'avenir du spatial. Et, assurent ses responsables, une demande en terme d'images disponibles sur le web toujours plus grande de la part d'un public qui, selon eux, serait frustré par les limitations des portails existants. Souvent constitués de clichés fournis par des satellites de types différents ou destinés à d'autres usages, les catalogues comme Google Earth souffriraient d'une couverture inégale selon les régions ou de remises à jour trop espacées dans le temps.

Pourquoi le CNES s'est-il lancé dans ce projet ?

« Si, sur Paris, la résolution des images de Google Earth atteint les 50 centimètres, dans plusieurs zones d'Afrique elle ne dépasse pas les 80 mètres, explique ainsi Jean-Pierre Antikidis, responsable des développements au département Systèmes d'informations spatiaux du CNES. De plus, certaines de ces vues datent de plusieurs mois, voire années ! »

Coût du projet : 400 millions d'euros

13 microsatellites d'observation pour balayer la surface du globe...

Le financement devra être apporté par un consortium restant à constituer. « Le projet a d'ores et déjà donné lieu, précise Jean-Jacques Favier, directeur de la Prospective et de la Stratégie du CNES, à des études technico-économiques visant à s'assurer de sa rentabilité commerciale ». Constitué de 13 microsatellites d'observation (plus 6 de secours) qui balaieront la surface du globe à la manière de moissonneuses-batteuses dans un champ, le système a été conçu pour être le plus simple possible afin d'en diminuer le coût. L'astuce ? « Réduire au maximum le nombre de tâches qu'il est nécessaire d'effectuer en orbite », explique Jean-Pierre Antikidis.

Comment faire face a l'énorme flux de données à traiter ?

Ne disposant que de peu d'intelligence embarquée de façon à limiter leur poids à 300 kilogrammes, les engins spatiaux ne conserveront pas dans leurs mémoires informatiques l'énorme masse de données générée au cours de leurs périples (équivalente, chaque semaine, à celle contenue dans 1,3 million de disques durs) : ils se contenteront de compresser les images selon un procédé « psycho-visuel » ayant fait l'objet d'un brevet du CNES avant de les envoyer en continu vers une cinquantaine de stations terrestres réparties sur le globe. L'énorme puissance de calcul – de l'ordre de celle de 2000 PC travaillant de façon groupée – nécessaire au fonctionnement de e-CORCE sera ainsi produite au sol par ce réseau de supercalculateurs communiquant entre eux via Internet.

Des questions en terme d'éthique

Quels problèmes d'éthique ?

Si le projet séduit les investisseurs, les internautes disposeront d'ici six ans sur le web de vues aériennes de l'ensemble du globe renouvelées chaque semaine. À terme, à partir de 2020, il serait même possible que cette remise à jour soit quotidienne. Mais quels seront les conséquences en terme de sécurité ou de protection de la vie privée du libre accès sur la toile de cette énorme masse d'informations portant sur notre vie quotidienne ? « Le CNES propose une solution technique pour recueillir, dans les meilleures conditions possibles, des images satellitaires, répond Jean-Pierre Antilkidis. Ce sont les diffuseurs qui mettront ces vues en ligne. Et c'est sur eux que repose la responsabilité juridique en cas de problème. Cela dit, je suis convaincu que la résolution d'un mètre, et non de 50 ou de 10 cm que nous avons choisi pour e-CORCE devrait limiter considérablement les risques de détournement de ces clichés à des fins malveillantes ».

Vahé Ter Minassian le 27/10/2008