Une peinture...qui cicatrise toute seule ?

Avis à tous les amoureux de belles voitures... et à tous les conducteurs maladroits. Deux Américains viennent de mettre au point une peinture de voiture qui cicatrise grâce à la seule intervention de la lumière U.V.

Par Viviane Thivent, le 03/03/2009

Auto-réparation

Des chercheurs du Mississipi ont mis au point une peinture capable de cicatriser.

Un créneau mal géré ? Un arbre, un muret, surgi de nulle part ? Et c'est le drame. Un crissement, plus lancinant qu'une plainte, plus aigu qu'une craie écorchée par l'ardoise d'un tableau, vient vous décoller le poil. Penaud, vous sortez du véhicule pour constater qu'évidemment, une rayure franche et régulière s'est ajoutée au design épuré de votre portière. De ce genre de rayure à vous transformer illico en « ornitho-calculator », individu capable de réciter un chapelet de noms d'oiseaux tout en calculant, à une vitesse insoupçonnée, le montant des dépenses à prévoir.

C'est le problème quand on déplace un objet inorganique. Une machine qui, à l'inverse des êtres vivants, ne peut pas cicatriser toute seule. Cicatriser... L'idée mérite de s'y arrêter. Serait-il en effet possible de copier la nature pour créer des revêtements capables de s'auto-réparer ? La piste est en tout cas suffisamment intéressante pour que des chimistes se soient mis à étudier les stratégies de cicatrisation des êtres vivants, histoire d'y puiser quelques sources d'inspiration.

Une peau de crustacés

Et leur premier constat est bête comme chou : lorsque la surface d'une plante est altérée, ce n'est pas une mais toute une batterie de molécules (subérine, tanins, ou phénols) qui sont localement libérées. L'un des maîtres-mots de la cicatrisation semble donc être l'hétérogénéité du composé de surface. À partir de là, dès 2001, des chercheurs se sont mis à imaginer des matrices mixtes, contenant par exemple des microcapsules gorgées de petites molécules, des billes qui éclatent sous l'effet d'un choc en libérant leur contenu. Résultat : à l'échelle microscopique, la rayure « saigne » et finit par se résorber.

Mais ce n'est pas la seule stratégie possible : chez l'homme par exemple, en cas de coupure cutanée, la cicatrisation passe par la mise en place d'un réseau de fibrines dont la fonction est de stopper le saignement. C'est cette solution, plus humaine, qu'ont examiné des chercheurs de l'université du Mississipi : aux composés d'ores et déjà présents dans les peintures de voiture (les polyuréthanes), ils ont ajouté un dérivé de la chitine, cette substance que l'on trouve aussi dans la carapace des crustacés (B. Ghosh & M. Urban, Science, 323, 1458, 2009). Ce mélange a en effet l'intéressante propriété de se reformer lorsqu'il est activé par une lumière ultraviolette.

Une rayure qui disparaît comme neige au soleil

Comment ça marche ? Très simple. À l'état de repos, les molécules de ce revêtement forment un réseau très dense. Un filet moléculaire qui, à l'instar d'une peinture classique, se déchire sous l'effet d'un frottement ou d'un impact violent. La nouveauté, c'est que si cette rayure est exposée à une lumière U.V., les composés réagissent en reformant des liaisons moléculaires : l'accroc, le « poke », la rayure disparaissent alors comme neige au soleil.

Et il s'agirait là bien plus que d'une image. Car quiconque a déjà eu à soigner un coup de soleil le sait, la lumière du jour contient une part non négligeable d'ultra-violets. Une part qui, d'après les chercheurs, serait suffisamment importante pour permettre la cicatrisation de cette peinture d'un nouveau genre. Autre point fort : le processus d'auto-réparation n'est pas affecté par l'eau. Ce revêtement pourrait donc être adapté à tous les climats... pour peu qu'il y ait un peu de soleil. Un brevet a d'ores et déjà été déposé mais l'histoire ne dit pas encore si la lumineuse idée américaine sera exploitée par les industriels.

Viviane Thivent le 03/03/2009