Un remède miracle contre les hémangiomes infantiles

Des médecins français ont découvert que les bêtabloquants, ces molécules utilisées d'ordinaire pour le traitement de pathologies cardiaques, permettent de soigner les cas les plus graves d'une tumeur bénigne qui affecte 10 % des nouveau-nés.

Par Viviane Thivent, le 29/04/2009

L'histoire d'une découverte

Dès les premiers jours de traitement, l'hémangiome commence à se résorber.

En science, il arrive que l'on trouve... ce que l'on ne cherche pas. C'est ce qui s'est passé en août 2006 à l'hôpital des enfants de Bordeaux. A l'époque, le médecin Alain Taïeb reçoit dans son service un nourrisson présentant une importante grosseur à proximité du nez. Une tache de vin vascularisée qui entrave sa respiration. Il s'agit d'un hémangiome infantile, une tumeur bénigne qui apparaît chez 10% des nouveau-nés. « Pour des raisons encore mal connues, les vaisseaux sanguins se mettent localement à proliférer », explique Christine Labrèze, dermatologue au CHU de Bordeaux et membre de l'équipe.

Le plus souvent, ce problème ne porte pas à conséquence car la grosseur régresse d'elle même dans les six premières années de vie. Mais pour 5% des cas - soit environ 4000 bébés par an en France - les choses ne se passent pas aussi bien. L'hémangiome est mal placé ou trop important. Il menace de défigurer l'enfant ou de gêner ses fonctions vitales. Dans ces situations critiques, les médecins sont contraints d'agir. Ils opèrent ou alors soumettent l'enfant à une chimiothérapie ou à des corticoïdes. Ces derniers, auxquels l'hémangiome ne répond que dans un tiers des cas, peuvent engendrer des retards de croissance ou de l'hypertension artérielle (en tout cas pour les corticoïdes).

Toutefois, à l'époque, le cas du jeune patient est jugé suffisamment sérieux pour le mettre sous corticoïdes. Mais l'enfant réagit mal. Les corticoïdes augmentent sa pression artérielle. Son cœur s'emballe. En urgence, les médecins lui administrent des bêtabloquants. « Et quelques minutes, l'hémangiome s'est mis à dégonfler, se souvient Christine Labrèze. Nous avons alors stoppé les corticoïdes et maintenu l'enfant sous bêtabloquants ». Dans les mois qui suivirent, la tumeur vasculaire s'est résorbée à une vitesse jamais observée.

Bis repetita

Aussi, lorsqu'à l'automne 2006, un autre petit garçon, cette fois atteint au visage et au bras, se présente à l'hôpital, les médecins s'interrogent. L'enfant ne répond pas aux corticoïdes. Ne serait-il pas judicieux de lui prescrire des bêtabloquants ? L'équipe consulte alors le comité d'éthique de l'hôpital et obtient son aval. Et pour cause : les effets à long terme des bêtabloquants (asthme ou hypoglycémie) comme le propanolol, prescrits entre autres aux nourrissons présentant des défaillances cardiaques, sont moins problématiques que ceux des corticoïdes. Autant tenter le coup.

Les résultats ne se font pas attendre : comme dans le cas du premier patient, les hémangiomes se mettent à dégonfler et prennent le chemin de la guérison. Fort de ce constat, l'équipe publie en 2008 son observation dans la revue britannique The New England Journal of Medicine. La découverte fait le tour des hôpitaux du globe et dans les mois qui suivent, un peu partout dans le monde, des bêtabloquants sont administrés à près de 300 bébés présentant des formes graves d'hémangiome. Les résultats sont inespérés : dans 100% des cas, l'hémangiome répond positivement au traitement. Si le propanolol n'a toujours pas reçu d'autorisation de mise sur le marché (AMM) pour cette indication, l'équipe bordelaise vient de publier dans la revue Pedriadrics le protocole thérapeutique qu'elle a utilisé.

Un mécanisme d'action inconnu

Comment expliquer que les bêtabloquants agissent sur l'hémangiome infantile ?« Difficile à dire, répond Christine Labrèze. Les bêtabloquants ont un effet vasoconstricteur, c'est-à-dire qu'ils réduisent le diamètre des veines. Ceci expliquerait le dégonflement quasi instantané de l'hémangiome mais pas le processus de guérison. » Difficile en effet de comprendre la résorption d'un mal dont on connaît si peu l'origine. D'après les hypothèses actuelles, l'hémangiome infantile résulterait de cellules souches qui se mettraient à proliférer et à produire des veines de façon anarchique, après avoir manqué d'oxygène (stress hypoxique). Les bêtabloquants mettraient un peu d'ordre dans tout cela. Comment ? Impossible à dire.

Des études sont en cours à l'hôpital de Bordeaux pour tenter d'expliciter les mécanismes en jeu. Des études qui pourraient dépasser largement le cadre d'une meilleure compréhension de l'hémangiome infantile. « Nous avons en effet relevé dans la bibliographie des cas où les bêtabloquants ont agi, ponctuellement, sur d'autres formes de tumeurs… », explique Christine Labrèze. A noter tout de même que ce traitement ne semble pas efficace pour d'autres types d'hémangiomes, comme ceux de l'adulte.

Viviane Thivent le 29/04/2009