Les drogues à 17 ans : entre prudence et optimisme

Consommation en baisse de tabac, d'alcool, de cannabis et d'ecstasy. Essor de la cocaïne, des amphétamines et des poppers. L'enquête réalisée par l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies dresse un panorama contrasté des goûts et des couleurs en matière de drogues chez les jeunes Français de 17 ans.

Par Paloma Bertrand, le 07/07/2009

L’âge des expérimentations

En 2008, 92,6% des jeunes de 17 ans ont déjà bu de l'alcool, 70,7% ont déjà fumé du tabac, 42,2% du cannabis, 13,7% ont inhalé des poppers, et 3% ont testé la cocaïne, l'ecstasy, les amphétamines ou les champignons hallucinogènes. Première cigarette à moins de 14 ans, premier joint et première ivresse à 15 ans, essai de stimulants aux alentours de 16 ans… L'adolescence est l'âge de l'expérimentation. Pour les enquêteurs, l'expérimentation désigne le fait « d'avoir déjà consommé un produit au moins une fois au cours de sa vie ».

L’enquête Escapad

Depuis l'abandon du service militaire en 1998, l'État a institué pour tous les jeunes Français, garçons et filles, une « journée d'appel de préparation à la défense », obligatoire. Tous les deux ans, l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) profite de cette journée pour interroger les jeunes sur leurs habitudes en matière de toxicomanie. Intitulée Escapad, cette enquête, qui a débuté en 2000, analyse l'évolution des habitudes de consommation sur un échantillon représentatif de la population métropolitaine. En 2008, 39 542 personnes âgées de 16 à 18 ans, se sont prêtées à l'exercice. Sous couvert d'anonymat, 96% d'entre elles ont accepté de répondre aux questions portant sur leur consommation de drogues.

Derrière ces données brutes, voire brutales, se cachent des réalités variées. Certains constats sont même plutôt rassurants. Ainsi, l'enquête révèle que depuis 2005, l'âge des premières initiations aux substances toxiques est de plus en plus tardif. Les expérimentations de cannabis sont en baisse (-15%), celles de l'alcool et du tabac restent stables.

Les faits saillants de l'enquête 2008

En revanche, si les expérimentations d'ecstasy ont diminué de 18%, celles de cocaïne et d'amphétamines ont augmenté respectivement de 29% et 24% depuis 2005. Ces consommations restent toutefois marginales et ne concernent que 3% des 39 542 personnes interrogées, soit 1186 jeunes.

De l’expérimentation à l’usage régulier, les tendances se confirment

Pour les trois substances les plus consommées – tabac, alcool, cannabis – les indicateurs sont à la baisse. En trois ans, le nombre de fumeurs intensifs de tabac (plus de 10 cigarettes par jour) et de cannabis (plus de 10 joints par mois) a baissé respectivement de 24 % et 32%. Le nombre de consommateurs réguliers d'alcool a baissé, quant à lui, de 26%. Seule ombre au tableau, la hausse des épisodes de consommation sévère d'alcool due au phénomène en vogue du « binge drinking » ou « biture express ». Quant aux usages réguliers de cocaïne, d'amphétamines et d'héroine, difficile de se prononcer car l'âge des personnes interrogées dans l'enquête Escapad est très proche de celui de l'expérimentation de ces produits.

Effets de mode ou reflets du marché ?

Illustration

« Le tabac, et sans doute aussi le cannabis, semble être un peu passé de mode. L'augmentation du prix du tabac et une certaine dénormalisation de son usage commencent à porter leurs fruits », souligne Jean-Michel Costes, directeur de l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies.

« En revanche, la cocaïne bénéficie actuellement d'une très bonne image et semble remplacer l'ecstasy qui, elle, est en forte baisse. Toujours connotée jet-set, milieux artistiques et intellectuels, la consommation de cocaïne touche aujourd'hui toutes les couches sociales. L'autre raison pouvant expliquer sa popularité grandissante est son accessibilité en terme d'offre : les producteurs sud-américains cherchent de nouveaux débouchés à un marché américain saturé, nombre de petits dealers de cannabis se sont reconvertis vers la cocaïne et les prix baissent. » Quant aux poppers, « leur expérimentation s'est généralisée depuis sept ou huit ans à l'ensemble du mouvement festif et il est désormais très facile de s'en procurer via Internet. En 2008,13% des jeunes de 17 ans ont expérimenté cette substance soit une hausse de 148% par rapport à 2005. Mais pour ce produit, l'expérimentation n'est que très rarement suivie d'une consommation régulière. »

Les tendances française et européenne

Les Français, de bons élèves européens ?

Pour Jean-Michel Costes, « l'enquête 2008, globalement, donne une image assez positive des jeunes Français. La consommation régulière des trois principaux produits diminue. Et, comparé aux autres pays européens, les niveaux restent modérés. Cependant, la vigilance s'impose car les tendances peuvent s'inverser ». La prochaine édition de l'étude est prévue en 2011 et de nouveaux résultats portant sur l'usage des psychotropes (tranquillisants, somnifères, antidépresseurs…) sont attendus.

Paloma Bertrand le 07/07/2009