Pneumopathie atypique : le début de la fin ?

Quelques mois après son entrée sur la scène publique, l’épidémie de pneumopathie atypique ou syndrome respiratoire aigu sévère (Sras ou Sars en anglais) est sur le point d’être maîtrisée. Néanmoins, cette nouvelle maladie reste une menace pour la santé mondiale.

Par Vincent Colas, le 07/04/2003

Une étrange épidémie

A Hong Kong, au plus fort de l'épidémie, plus personne ne sortait sans son masque de peur de contracter le virus de la pneumopathie atypique.

Entre le 16 novembre 2002 – date à laquelle est apparu le premier cas de pneumopathie atypique à Foshan City dans la province du Guangdong – et le 26 juin 2003, 8 456 cas de SRAS ont été répertoriés et 809 personnes en sont décédées. Le pays le plus touché est la Chine (Hong Kong et Taiwan compris), suivi du Canada, de Singapour et du Vietnam. Dans une vingtaine d’autres pays, dont la France, on comptabilise quelques cas isolés (voir le tableau dans “Les derniers chiffres “et la carte de l’OMS pour la Chine ).

Les derniers chiffres

Au 26 juin, l'OMS a compté 8 456cas de pneumopathie atypique et 809 décès

Pays Nombre de cas Nombre de morts
Chine 5327 348
Hong Kong 1755 296
Taiwan 682 84
Canada 251 37
Singapour 206 32
Vietnam 63 5
Philippines 14 2
Malaisie 5 2
Thaïlande 9 2
Etats-Unis 74 0
Allemagne 10 0
Italie 9 0
Mongolie 9 0
France 7 0
Australie 5 0
Royaume-Uni 4 0
Inde 3 0
Suède 3 0
Rép. de Corée 3 0
Brésil 3 0
Indonésie 2 0



Pays n'enregistrant qu'un seul cas : Afrique du Sud, Colombie, Espagne, Finlande, Japon, Koweït, Macao, Nouvelle-Zélande, République d'Irlande, Roumanie, Russie et Suisse.

Source : OMS

Au 27 juin, l’OMS a levé tous ces avertissements aux voyageurs. A Pékin, Toronto, Taiwan et Hong Kong le recul de la maladie est toujours considéré avec prudence. De nouveaux cas enregistrés récemment suggèrent que le SRAS n’a toujours pas été éradiqué. L’OMS craint d’ailleurs qu’il ne s’agisse que d’une rémission liée à une météo plus clémente avec un risque de retour en force du virus à l’hiver.

Pr Gilles Brücker, directeur de l'Institut de Veille Sanitaire

 

 

“Je ne connais pas à ce jour de maladie qui ait déclenché sur le plan mondial un ensemble de mesures aussi important.“

Les symptômes

En l’absence d’examen radiologique et biologique, toute personne présentant l’ENSEMBLE des signes suivants est potentiellement atteinte du SRAS: poussée de fièvre supérieure à 38°C, toux et un ou plusieurs signes d’atteinte respiratoire basse (gêne respiratoire, dyspnée…) ET un ou plusieurs des éléments suivants : voyage en Chine du Sud (province de Guangdong, capitale Canton), à Hong Kong, Taïwan ou Singapour dans les dix jours précédant le début des signes cliniques et le contact avec un cas probable.

Si vous comptez vous rendre en Asie, appelez le numéro vert mis en place pour les voyageurs par la direction générale de la Santé au 0 800 150 160.

L'agent infectieux

Le coronavirus, responsable de l'épidémie de pneumopathie atypique, a été traqué par treize laboratoires dans le monde entier.

C’est d’abord un paramyxovirus, responsable de maladies comme la rougeole ou les oreillons, qui a été soupçonné. Mais après le CDC d’Atlanta, l’Institut Pasteur a annoncé le 1er avril avoir retrouvé dans les prélèvements de sept patients la trace d’un coronavirus, généralement responsable de rhumes. Il ne ressemble pas à ceux qui circulent habituellement chez l’homme. Ce qui laisse supposer qu’il pourrait provenir d’une espèce animale, peut-être la civette chez qui on a retrouvé un coronavirus analogue.

A ce sujet le Dr Isabelle Nuttall de l’OMS a déclaré : « Les connaissances sont insuffisantes sur les réservoirs potentiels du virus. Certes, un virus voisin de celui su SRAS a été isolé chez la civette », animal dont sont friands les Chinois, et « des anticorps ont également été retrouvés chez le chien riverain et le blaireau, sans que l’on puisse en dire grand chose. Des études rigoureuses sur les animaux sont nécessaires pour en savoir plus. » Concernant la détection du virus, elle a affirmé : « On ne dispose toujours pas de tests simples, rapides et fiables (par détection directe du virus ou d’anticorps) qui permettraient de dire dans les deux jours après l’apparition des premiers symptômes (fièvre, toux) si la personne est ou non atteinte du SRAS. »

Le 8 avril, une étude parue sur le site du journal médical The Lancet et effectuée sur 50 patients confirme la piste du coronavirus.

Le coronavirus

Les coronavirus ont une forme de couronne - d’où leur nom - et un génome constitué d’ARN. Ils sont responsables d’infections aussi bien chez l’homme (rhumes, gastro-entérites…) que chez les animaux.

Le coronavirus impliqué dans l’épidémie de pneumopathie atypique a été identifié grâce à différentes méthodes. Le CDC d’Atlanta a isolé le virus à partir de prélèvements de sécrétions respiratoires de deux patients, l’un en Thaïlande, l’autre à Hong-Kong. L’examen des prélèvements au microscope électronique a permis de reconnaître les caractéristiques structurelles d’un coronavirus. Le résultat a été confirmé par l’étude en immunofluorescence et grâce à la technique de PCR (Polymerase Chain Reaction) à l’Institut Pasteur qui permet d’amplifier certaines parties du génome viral.

Les chercheurs pensent que le SRAS se transmet essentiellement par les postillons des malades, c’est-à-dire seulement par des contacts étroits et directs. Toutefois, l'extension de l’épidémie ces dernières semaines a fait craindre l’existence d’autres voies de transmission.
D’où les mises en quarantaine et les masques de protection dont il faut malgré tout souligner l'absurdité dans le cas, par exemple, d'un simple retour de Chine en France sans signe évocateur de SRAS (voir plus haut “Les symptômes“).

La période d’incubation du virus semble être comprise entre 6 et 10 jours, mais il n’existe pour l’instant aucun traitement spécifique pour guérir le SRAS. Pour soigner les malades, on leur administre une combinaison de rétroantiviraux et de stéroïdes comme palliatif. Les cas mortels, de l’ordre de 4%, touchent surtout les personnes âgées ou déjà affaiblies par une autre maladie. Or, 85% des patients guérissent spontanément. On ne sait donc pas si le cocktail utilisé pour soigner les malades est vraiment efficace.

La mortalité du SRAS est en moyenne de 14%. Elle monte à plus de 50% chez les plus de 65 ans. En comparaison, le taux de mortalité de la grippe est nettement inférieur – moins d’une personne sur mille en décède- mais comme elle touche plus de gens, elle est plus meurtrière. Une simple grippe tue quelque 20 000 personnes chaque année rien qu’aux États-Unis et environ 2 000 en France.

L’épidémie au jour le jour (d’après OMS, AFP, Reuters, AP)

16 novembre 2002

Le premier cas connu de pneumopathie atypique apparaît à Foshan City, Province du Guangdong, Chine.

Février 2003

11 : L’OMS reçoit un rapport des autorités chinoises faisant état, dans la Province du Guangdong, d’une flambée de syndrome respiratoire sévère affectant 305 personnes et ayant provoqué 5 décès.
12 : L’OMS est informée que la flambée dans la province du Guangdong touche six villes. Les résultats des analyses de laboratoires sont négatifs pour les différents virus de la grippe.
14 : Le ministre de la Santé chinois informe l’OMS que les patients appartenant à la flambée du Guangdong correspondent bien à des cas de pneumopathie atypique.
15 : Un médecin chinois quitte la ville de Canton pour rejoindre Hong Kong où il séjourne à l’hôtel Metropole. Le médecin tousse et a une forte fièvre. Selon les centres américains de prévention et de contrôle des maladies (CDC), il contamine treize personnes avant de décéder à l’hôpital Prince of Whales à Hong Kong. 20 : Les autorités sanitaires de Hong Kong déclarent à l’OMS une recrudescence de grippe aviaire – le virus A(H5N1) ayant été isolé – dans une famille qui s’était récemment rendue dans la Province de Fujian, Chine (2 cas dont un décès).
28 : Le Dr Carlo Urbani, un spécialiste de l’OMS basé au Vietnam, est alerté par le nombre de cas de pneumopathie atypique qu’il trouve dans l’hôpital français de Hanoï où on lui a demandé d’intervenir. Il notifie ces cas au Bureau OMS du Pacifique occidental. L’état d’alerte est accru au Siège de l’OMS.

Mars 2003

1er : Une hôtesse est admise à l’hôpital de Singapour. Elle était aussi restée au 9e étage de l’hôtel Metropole de Hong Kong.
4 : Un résident de Hong Kong qui avait rendu visite à une connaissance dans l’hôtel pendant que le médecin y était aussi, est admis à l’Hôpital Prince of Whales pour problèmes respiratoires.
8 : A Hanoï, 14 membres du personnel hospitalier sont atteints du SRAS. Une équipe de l’OMS se rend sur place pour les aider.
10 : Au moins 22 des membres du personnel de l’hôpital d’Hanoï présentent des signes respiratoires. Le ministre de la Santé chinois demande à l’OMS un support technique et de laboratoire afin de clarifier l’origine de la flambée de Guangdong.
11 : Le Dr Urbani embarque pour Bangkok où il doit se rendre à une réunion sur les maladies infectieuses. Il tombe malade à son arrivée et est immédiatement hospitalisé.
12 : L’OMS émet une alerte internationale à propos de cas de pneumopathie atypique sévère, suite au nombre de cas notifiés par les hôpitaux de Hanoï et de Hong Kong.
13 : L’OMS envoie une alerte d’urgence à ses partenaires du GOARN(Global Outbreak Alert and Response Network).
14 : Le ministre de la Santé de Singapour notifie trois cas de pneumonie atypique, y compris l’hôtesse qui était restée dans l’hôtel de Hong Kong. Le traçage de ce cas a révélé des liens avec plus de 100 autres à Singapour.
15 : L’OMS intervient pour que le médecin de Singapour qui avait traité des patients atteints de SRAS soit mis en isolement lors de l’escale de Francfort. L’OMS émet une alerte sur le fait se propagerait par les vols internationaux. Le SRAS est déclaré « menace sanitaire mondiale ». L’OMS décrit des protocoles de réponse, des définitions de cas et des recommandations de contrôle de l’infection dans les hôpitaux ; elle mobilise aussi ses partenaires du GOARN.
17 : L’OMS met sur pieds trois réseaux virtuels de façon à faire accélérer la recherche sur l’agent causal du SRAS, à mieux comprendre son épidémiologie et à faire des recommandations cliniques.
24 : A Hanoï, l’OMS signale que 63 % des cas de SRAS affectent le personnel médical. Tous les nouveaux cas ont un lien avec le cas de l’Hôpital français de Hanoï.
26 : La Chine notifie un total cumulé de 792 cas et 31 décès qui seraient survenus dans la province du Guangdong entre le 16 novembre 2002 et le 28 février 2003. Avec les nouveaux chiffres rapportés par la Chine, le total mondial cumulé atteint 1323 cas et 49 décès.
27 : Les scientifiques du réseau de laboratoires de l’OMS progressent sur l’identification de l’agent causal du SRAS et tendent à désigner un nouveau coronavirus.
28 : La Chine se joint au réseau OMS. 29 : Le Dr Carlo Urbani meurt en Thaïlande.
30 : Les autorités sanitaires de Hong Kong annoncent une importante flambée parmi les résidents d’un immeuble dans le quartier de Amoy Gardens. Le total mondial cumulé s’élève à 1622 cas et 58 décès.

Avril 2003

2 : L’OMS recommande d’annuler tout voyage (non essentiel) pour Hong Kong ou la Province du Guangdong. Les autorités chinoises autorisent enfin une équipe de l’OMS à se rendre dans la province du Guangdong.
Le total cumulé des cas dépasse la barrière des 2 000.
4 : La Chine se met à notifier quotidiennement le nombre de cas et de décès du SRAS et ce, par province.
9 : L’équipe de l’OMS en mission dans la province du Guangdong présente un rapport au ministre de la Santé qui dénonce les difficultés qu’ont certaines provinces au système de santé peu développé, à faire face au défi posé par le SRAS.
15 : Une équipe de l’OMS à Pékin (Beijing) est autorisée à se rendre dans les hôpitaux militaires où de nombreux patients du SRAS sont censés être traités.
16 : Un mois après sa mise en place, le réseau OMS de laboratoires annonce que c’est un nouveau coronavirus, inconnu chez l’homme et chez l’animal, qui est l’agent responsable du SRAS.
L’OMS estime que le nombre de cas probables de SRAS à Pékin pourrait atteindre les 200. Les rapports officiels font mention de 37 cas.
20 : Le ministre chinois de la Santé et le maire de Pékin sont limogés pour leur incapacité à gérer la crise liée à l’épidémie de pneumopathie atypique.
Les autorités chinoises annoncent 339 cas probables de SRAS jusque là non mentionnés, ce qui porte le total en Chine à 1 959.
23 : L’OMS recommande d’éviter tout voyage non essentiel vers Pékin et vers la Province de Shanxi, en Chine, ou vers Toronto au Canada.
25 : Les flambées épidémiques de Hong Kong, Singapour et Toronto montrent des signes de fléchissement.
28 : Le Vietnam, qui n’a pas enregistré de nouveaux cas depuis le 8 avril, est retiré de la liste des pays présentant des cas de transmission locale. C’est le premier pays à maîtriser l’épidémie.
Le total cumulé des cas dans le monde dépasse la barre des 5 000.
30 : Les Instituts nationaux de santé américains(NIH) lancent un vaste programme afin de mettre au point d’ici un à trois ans un vaccin contre le SRAS.
La Chine, qui représente 3 460 des 5 663 cas probables dans le monde, est le seul pays à avoir plus de cas que tous les autres réunis.
L’OMS enlève Toronto de sa liste des pays à éviter.

Mai 2003

2 : Le total cumulé des cas de SRAS dans le monde dépasse la barre des 6 000.
3 : L’OMS envoie une équipe à Taïwan qui notifie un total cumulé de 100 cas probables.
7 : L’OMS estime que le taux de mortalité du SRAS se situe entre 0 et 50 % selon le groupe affecté, avec une moyenne estimée entre 14 et 15%.
8 : L’OMS étend ses restrictions de voyage à Tianjin et à la Mongolie intérieure, en Chine et à Taipei, Taiwan.
Trente pays notifient un total qui dépasse les 7 000 cas.
13 : Les flambées sur les sites initiaux montrent qu’elles peuvent être contrôlées et que le SRAS peut donc être contenu.
17 : La première réunion mondiale sur l’épidémiologie du SRAS termine ses travaux. Elle confirme que les mesures mises en place par l’OMS sont effectives. Les experts confirment la pertinence et le bien-fondé de ces mesures qui comprennent le dépistage et l’isolement des patients, une recherche et un suivi actif des contacts, ainsi qu’une large diffusion de l’information au public pour indiquer les procédures à suivre dès les premiers symptômes.
29 : Une école de la banlieue de Toronto est fermée. Ses 1 700 étudiants et employées sont placés en quarantaine après qu’un élève a montré les symptômes du SRAS. Les autorités sanitaires canadiennes conseillent à plus de 5 000 personnes de rester chez elles pendant 10 jours.

Juin 2003

1er : Le SRAS fait une nouvelle victime à Toronto. Le nombre de décès dû au SRAS atteint 31 au Canada.
5 : Le pic de l’épidémie « est passé » dans le monde y compris en Chine, le pays le plus touché, mais la réapparition du virus à Toronto montre que les autorités sanitaires doivent rester sur leurs gardes.
12 : En France, la Direction générale de la Santé et l’Institut national de Veille Sanitaire (InVS) annoncent un nouveau cas possible de SRASalors qu’aucun cas probable n’a été identifié depuis le 7 mai. Parmi les sept cas classés probables par l’InVS depuis le début de l’alerte, un seul reste hospitalisé au CHU de Tourcoing.
17-18 : Conférence de l’OMS à Kuala Lumpur sur le SRAS. Un millier de scientifiques, médecins et responsables gouvernementaux sont présents. Les recherches vont s’orienter sur la production d’un vaccin et de traitements ainsi que sur la mise au point de tests diagnostic plus sensibles.

Vincent Colas le 07/04/2003