Génome humain : à l'heure du séquençage

Le séquençage du génome est achevé à 95%. Résultat: les hommes ne posséderaient que 30 000 gènes. Mais ce résultat est déjà remis en question par des scientifiques anglais qui estimeraient à 80 000 le nombre de gènes. Le séquençage, loin d'être une fin en soi, n'est que le début d'une longue série.

Par Isabelle Huau, le 11/11/2001

L'annonce

Annonce du séquençage du génome par Nature et Science

Le 12 février 2001 restera marqué par l'annonce officielle du séquençage de 95% du génome humain.

Annonce commune après de rudes années de concurrence acharnée par les deux équipes en course : d'un côté le Consortium international de recherche publique (Human Genomic Program; HGP) qui publie ses résultats dans la revue Nature, de l'autre la société privée Celera Genomic dirigée par Craig Venter m2 qui publie les siens dans Science.

Que nous apporte la connaissance du génome? Axel Khan, Institut Cochin

Les deux équipes ont utilisé des méthodes différentes, avec des objectifs parfois contradictoires, mais sont parvenues à des résultats similaires.

Le séquençage du génome correspond à la lecture, lettre par lettre, des 3 milliards de caractères (les paires de bases chimiques) qui composent la longue molécule d'ADN qui constitue nos 23 paires de chromosomes. On connaît donc à 95% leur ordre d'enchaînement. Que nous apporte cette connaissance ?

Le mystère de la complexité de l’homme

Nous possédons beaucoup moins de gènes que ne le pensaient certains chercheurs (les estimations atteignaient jusqu'à 120 000 gènes) : de 30 000 à 35 000. Seulement deux fois plus que la mouche du vinaigre (13 600 gènes) et bien moins qu'un petit grain de riz (50 000 gènes) ! Alors, d'où vient la complexité de l'homme?

A priori, pas de son nombre de gènes fort modeste. Dans les années 70, on a découvert qu'un seul gène pouvait permettre la synthèse de plusieurs protéines, ces molécules essentielles du vivant. Mais les mécanismes qui gouvernent la synthèse des protéines ainsi que les interactions entre ces macromolécules demeurent mystérieux. Un travail titanesque pour les généticiens que de percer ces secrets…

Un travail plus complexe qu’on ne le dit...

Le fouillis de l’ADN

Une autre énigme à résoudre est l'extrême hétérogénéité de la molécule d'ADN. Aucune répartition régulière des gènes n'a pu être décelée. De longues zones, tels des déserts, ne portent aucun message, aucun gène, et présentent des séquences répétitives. Quelles sont les fonctions réelles de ces zones, appelées «ADN de pacotille» par les chercheurs? S'agit-il de «résidus» dus à l'évolution des espèces, ce qui pourrait nous éclairer sur le chemin suivi pendant des millions d'années?

Tous différents

Un autre résultat de ce séquençage porte sur la différence entre le génome de deux individus. Alors que le Consortium public n'a pas accordé d'importance au choix des multiples donneurs, la société privée Celera a séquencé l'ADN de cinq personnes choisies en fonction de leur origine : africaine, asiatique, caucasienne et latino-américaine. Il apparaît qu'il y a globalement plus de différences entre l'ADN des deux Caucasiens qu'entre celui d'un Africain et d'un Caucasien.

Ces variations entre l'ADN de deux individus, outre le fait de nier un fondement génétique au racisme, sont à l'origine des différences entre individus. Elles ont été baptisées SNPs (prononcer «snip») ou Simple Nucleitide Polymorphisms et se trouvent au rythme de 1 différence toutes les 1 000 lettres (soit 0,1% de différence entre deux génomes). Ces SNPs intéressent au plus haut point la médecine et l'industrie pharmaceutique. Leur étude pourra sans doute expliquer l'origine de nombreuses maladies et permettre de développer des tests de prédisposition aux maladies ainsi que de créer des médicaments sur mesure en fonction de la sensibilité génétique de chacun.

Beaucoup d'espoir

Le séquençage pose finalement plus de questions qu'il n'en résout. Il apparaît comme une gigantesque base de travail. Le décor est mis en place mais le rôle des acteurs reste à être défini. Une mise en scène qui, même si elle promet d'être longue et laborieuse, est porteuse de beaucoup d'espoir.

Isabelle Huau le 11/11/2001