Clonage thérapeutique : absence de consensus

En France, l'interdiction par le Sénat du clonage thérapeutique a soulevé une vive polémique parmi les scientifiques. Quel avenir pour la recherche française face à celle des autres pays européens, comme la Grande-Bretagne ? Le clonage comme solution thérapeutique pour les uns, instrumentalisation inadmissible de la vie humaine pour les autres...

le 10/02/2003

La France interdit toute forme de clonage

Fin janvier 2003, lors de la révision des lois de bioéthique, le Sénat a interdit le clonage* reproductif qualifié de ''crime contre l'espèce humaine''mais aussi le clonage thérapeutique. Selon le ministre de la santé Jean-François Mattéi, ''le clonage thérapeutique constitue la porte ouverte au clonage reproductif''. Les sénateurs ont donc suivi le vote des députés qui n'avaient pas autorisé le clonage thérapeutique en première lecture du texte à l'Assemblée nationale en janvier 2002.

*Clonage : La reproduction sexuée nécessite deux parents : un père et une mère.
Le clonage est une manipulation génétique qui, à partir d'une seule cellule, d'un seul individu, en produit une copie génétiquement identique, appelée clone.
Il existe deux types de clonage. Le clonage reproductif qui consisterait à implanter un embryon cloné dans un utérus afin d'obtenir un bébé qui s'y développerait normalement. Et le clonage thérapeutique, pour lequel on produirait un “clone-médicament”, qui servirait de réservoir de pièces de rechange humaines. Les Britanniques sont favorables à ce type de manipulation génétique à visée thérapeutique. Le Parlement européen a sollicité la proclamation par les Nations unies d'une interdiction universelle du clonage reproductif d'êtres humains.

Serait-il possible de créer des embryons pour des usages thérapeutiques précis ?Jacques Samarut( CNRS)...

Et pourtant, la plupart des scientifiques sont favorables au clonage thérapeutique.

L'Académie des Sciences a affirmé sa volonté de voir légaliser le clonage thérapeutique, dans un rapport rendu public le 23 janvier 2003 intitulé ''De la transgénèse animale à la biothérapie chez l'homme''. Elle souhaitait, pour ne pas retarder la recherche sur les cellules souches embryonnaires, un cadre légal ''autorisant un nombre limité de laboratoires français à procéder à des transferts de noyaux dans les ovocytes humains et à cultiver ces cellules in vitro avec des objectifs strictement limités à la recherche thérapeutique''.

Le Comité consultatif national d'éthique avait déjà expliqué au gouvernement Jospin en quoi un refus du clonage thérapeutique pourrait affecter la recherche française et favoriser l'émigration des chercheurs dans d'autres pays...

Néanmoins, l'Assemblée nationale en 2002 puis le Sénat en 2003 autorisent la recherche sur les embryons surnuméraires issus de la fécondation in vitro* et ne faisant plus l'objet d'un projet parental, dans le seul but d'isoler des cellules souches* susceptibles de donner naissance aux différents tissus qui constituent l'organisme. Cette autorisation arrive après une décision de justice validant l'importation des cellules souches embryonnaires, autorisant par la même les biologistes français à mener des recherches sur ces cellules...

Création de Dolly

La brebis Dolly, premier clone de mammifère obtenu à partir d’une cellule adulte, a vu le jour le 5 juillet 1996. Pour la créer, les chercheurs écossais Ian Wilmut et Keith Campbell ont remplacé le noyau d’un ovocyte par celui d’une cellule de brebis adulte. L’œuf ainsi formé a commencé à se diviser en 2, 4, 8… cellules, toutes identiques, comme un œuf issu d’une fécondation. L’embryon a ensuite été placé dans l’utérus d’une autre brebis, qui a joué le rôle de mère porteuse. Ainsi, Dolly a hérité de la totalité du patrimoine génétique d’un seul individu -la brebis d’origine- et non des chromosomes amenés pour moitié par un spermatozoïde et pour l’autre par un ovocyte, comme une cellule résultant d’une fécondation. La technique du clonage permet donc de créer des animaux sans rencontre de gamètes : c’est une reproduction asexuée.

L'Angleterre autorise le clonage thérapeutique

Un embryon humain (blastocyste) six jours après la fécondation

En janvier 2001, le Parlement britannique a voté une loi qui permet le financement sur fonds publics du clonage humain à des fins thérapeutiques et le gouvernement Blair a déjà investi d'importants crédits dans cette recherche.
L'ambition de la Grande-Bretagne est de devenir le royaume de l'embryologie. Parmi ses projets, la création, à Londres, d'une institution destinée à stocker toutes les lignées de cellules souches* embryonnaires du monde entier.
Par sa législation plus ouverte, ce pays attire déjà des scientifiques américains pénalisés par la décision de l'administration Bush de ne financer les recherches que sur les cellules souches embryonnaires déjà existantes.

Quelques premières au Royaume-Uni

1978 : premier bébé-éprouvette
1981 : découverte de cellules souches de souris
1990 : loi autorisant la recherche sur les embryons jusqu’au quatorzième jour de développement
1997 : naissance du premier animal créé par clonage d’une cellule adulte (brebis Dolly)

L’Allemagne cherche un point d’équilibre

Les enjeux économiques et la pression de la recherche provoquent parfois des changements rapides de mentalités. Ainsi, l'Allemagne, hier farouchement opposée à toute recherche sur l'embryon, laisse entendre qu'elle pourrait l'envisager. Ce pays tente de trouver un juste milieu entre la non-entrave aux progrès de la science et la protection des droits de la personne. Le chancelier Gerhard Schröder, favorable à la recherche génétique, a ainsi décidé de créer un conseil d'éthique pour encadrer l'activité des biologistes. Et tenter de faire bouger une classe politique divisée sur les questions de bioéthique.
La loi allemande de 1990 autorise en effet la création d'embryons à des fins de procréation et leur congélation mais interdit tout diagnostic pré-implantatoire ainsi que toute recherche (extraction de cellules souches, clonage...). Néanmoins, il n'est pas interdit d'importer des cellules souches embryonnaires à des fins de recherche !

le 10/02/2003