Xénogreffes : un parcours semé d'embûches

Des babouins ont survécu 81 jours après avoir reçu une greffe de reins de porcs génétiquement modifiés. Malgré ce résultat, annoncé en décembre 2003, les xénogreffes à l'usage des humains ne sont pas encore pour demain.

le 08/01/2004

Une idée tentante

Le principal problème que rencontrent les chirurgiens spécialistes des transplantations d'organes est le manque de greffons disponibles. Face à cette situation, l'idée d'utiliser des organes d'animaux est naturellement apparue. D'autant que, depuis plus de trente ans, des valves de cœur de porc sont utilisées chez l'homme.

Traitées de façon à se comporter comme un matériau inerte, ces membranes ne posent pas de problème de rejet car les cellules qui les composent ne sont plus vivantes. Mais, greffer un tissu vivant d'origine animale est bien plus difficile car il est très vite rejeté, avant même la fin de la transplantation.

Le travail accompli sur des babouins par l'équipe de David Sachs (Massachussets General Hospital) en collaboration avec la firme Immerge Biotherapeutics peut donc être vu comme un véritable succès. Sur les huit babouins qui ont reçu cette greffe, le record de survie s'établit donc à 81 jours contre une moyenne de 30 jours lors d'expériences réalisées à partir de porcs non transgéniques.

Ces travaux ont été annoncés lors du congrès international de xéno transplantation qui s'est tenu à Glasgow début octobre 2003. Si ces résultats laissent bon espoir aux chercheurs de résoudre les questions relatives au mécanisme de rejet, ils ne garantissent pas contre les risques de transmission de virus qui pourraient franchir les barrières d'espèce à l'occasion d'une xénogreffe.

Xénogreffes : quelques étapes clés

  •  XVIIIe siècle : des chirurgiens tentent de greffer des cornées de chat ou de chien à des aveugles.
  • 1889 : le physiologiste Adolphe Brown-Séquard annonce qu'il s'est injecté sous la peau un extrait aqueux de testicules broyés de chien et de cobaye pour retrouver des forces physiques et des capacités que l'âge avait atténué.
  • 1906 : à Lyon, le chirurgien Mathieu Jaboulay greffe un rein de porc dans le coude d'un malade atteint d'insuffisance rénale.
  • 1920 : le chirurgien Serge Voronoff pratique la première greffe officielle de testicule de chimpanzé à l'homme, dans l'espoir de lui faire retrouver des fonctions génitales, physiques et intellectuelles.
  • 1930 : ce type de greffe a été pratiqué sur cinq cents hommes en France et sur plusieurs milliers dans le monde. Des femmes ont reçu des ovaires de guenons.

 Toutes ces tentatives se sont soldées par des échecs.

Le porc au service de l'homme ?

Jusqu'à présent, les tentatives de transplantation d'organes animaux chez l'homme se sont toutes soldées par des échecs. Néanmoins, les avancées récentes en biologie, en permettant d'envisager la création d'animaux transgéniques dont les organes ne seraient pas rejetés par l'homme, ont donné un nouvel élan à la xénogreffe.

Les cinq porcelets transgéniques de la société PPL Therapeutics nés en 2001.

L'entreprise écossaise PPL Therapeutics (créatrice de la première brebis clonée Dolly) travaille sur la création de porcs dépourvus de galactoside transférase, une enzyme sans équivalent chez l'homme, responsable du rejet immédiat par le corps humain d'un organe de porc. 

En août 2002, sa filiale américaine de Blacksburg (Virginie) a annoncé la naissance de cinq porcelets – dont quatre ont survécu – totalement dépourvus de ce gène. PPL avait déjà annoncé la création de cinq porcelets clonés en avril 2001; puis, en janvier 2002, la désactivation d'une version du gène de la galactosyl transférase – l'autre restant active ; et, en été 2002, la suppression complète de ce gène.

La société Immerge Biotherapeutics (Cambridge, Massachussets), qui a conçu en 2002 les porcs transgéniques dont les reins ont été greffés à des babouins, a suivi un chemin parallèle en désactivant chez ces animaux le gène GGTA1 qui commande la production d'une molécule de sucre.

De nombreux obstacles à surmonter

La greffe d'organes animaux est-elle une solution réaliste au manque d'organes humains?

Bien que le porc semble être l'animal de choix pour les xénogreffes – en raison de la taille de ses organes, de sa facilité de reproduction et aussi parce qu'il est proche de l'homme de par sa physiologie et son anatomie – on est encore loin de pouvoir greffer ses organes à l'homme.

Selon certains scientifiques, ce n'est pas un gène de porc mais au moins une dizaine qu'il faudrait modifier pour adapter les organes porcins à la greffe humaine. De plus, on connaît chez cet animal des rétrovirus dont on ne peut exclure le risque d'infection chez l'homme. 

Des travaux récents ont montré que certains virus porcins pouvaient franchir la barrière de l'espèce et infecter des cellules de souris.

Les problèmes biologiques à résoudre sont aujourd'hui si grands que les experts sont divisés sur la technologie de la xénogreffe, qui pose également le problème éthique de l'utilisation de l'animal et de la souffrance qu'on lui inflige. La seule justification à ces tentatives, avancent les pro-Xénogreffes, reste pour l'instant le manque d'organes humains.

le 08/01/2004