Maladie de Crohn : la découverte d'un gène de prédisposition

La maladie de Crohn est l'une des deux maladies inflammatoires chroniques de l'intestin (MICI), l'autre étant la rectocolite hémorragique Si les causes de ces maladies demeurent encore mystérieuses, un espoir se profile avec la découverte d'un gène de prédisposition pour la maladie de Crohn.

Par Isabelle Bousquet Maniguet, le 12/11/2001

Des mystères trop nombreux

Deux équipes de chercheurs, l'une française dirigée par le Dr Gilles Thomas (Inserm, Fondation Jean-Dausset), l'autre américaine menée par le Dr Numez (Université de médecine du Michigan), annoncent dans la revue Nature (vol.411, p.599-603, 603-606), qu'ils viennent de découvrir un gène responsable de la maladie de Crohn.

Cette maladie, la plus fréquente des maladies inflammatoires chroniques de l'intestin (MICI), en augmentation dans les pays industrialisés, est entourée de mystères :

- Pour quelles raisons touche-t-elle moins les pays du Sud (1 habitant sur 100 000) que ceux du Nord (5 sur 100 000 habitants) ?

- Pourquoi la fréquence de cette maladie augmente-t-elle depuis vingt ans et pourquoi atteint-elle de plus en plus les enfants (20% des cas) ?

- Les changements dans le mode de vie, les modifications de notre environnement sont-ils les principaux coupables ? Quelle est l'influence de la génétique ?…

Des lésions intestinales

La maladie, qui touche environ 60 000 personnes en France, peut atteindre n'importe quel segment du tube digestif, de la bouche à l'anus mais elle affecte le plus souvent l'iléon et le colon.

Deux maladies qui touchent le système digestif.

La muqueuse malade est atteinte dans son épaisseur, se fissure et s'ulcère, ce qui provoque des saignements. L'étude des lésions montre que cette maladie provient d'une réponse inappropriée du système immunitaire - système qui permet à notre organisme de se défendre contre les agressions extérieures. En réponse à des agents microbiens pathogènes présents dans l'intestin, le système immunitaire réagirait anormalement en attaquant les parois de l'intestin, provoquant ainsi une inflammation.

Facteurs déclenchants

Rectite au cours de la maladie de Crohn

Le tabac est le seul facteur de l'environnement dont le rôle est démontré actuellement : il augmente le risque de maladie et aggrave son évolution.

L'existence de prédispositions héréditaires avait été suggérée et une collaboration européenne animée par l'équipe française avait localisé un gène de susceptibilité sur le chromosome 16 en 1996. Le gène identifié par les deux équipes conforte cette hypothèse. Il s'agit du gène Nod 2, qui code une protéine qui aide le système immunitaire à détecter les bactéries présentes dans le tube digestif et à contrôler la réponse inflammatoire dirigée contre elles. Ses mutations pourraient entraîner un déséquilibre responsable d'une réaction inflammatoire.

Les variations d’un gène

De nombreuses variations de ce gène existent et parmi elles, trois ont été observées plus fréquemment chez les personnes atteintes de la maladie de Crohn. Lorsque les deux parents possèdent ces variations, le risque que l'enfant soit atteint de la maladie est multiplié par quarante.
Nod 2 n'est vraisemblablement pas le seul gène impliqué dans la maladie de Crohn. Déjà cinq autres régions chromosomiques ont été identifiées.

Le traitement de toutes les MICI permet souvent de calmer les symptômes (douleurs, saignements…) mais pas de guérir la maladie. Dans plus de 50 % des cas, il fait recourir à la chirurgie pour l'ablation des zones les plus touchées. La découverte du gène constitue néanmoins une avancée décisive qui devrait conduire à élaborer des cibles thérapeutiques précises. Elle suggère un premier axe de recherche : restaurer la fonction de la protéine codée par ce gène. Un nouvel espoir ?

Isabelle Bousquet Maniguet le 12/11/2001