Les droits du malade

Promis par Lionel Jospin depuis deux ans, le projet de loi sur la modernisation du système de santé a été présenté par Bernard Kouchner le 5 septembre 2001 au Conseil des ministres. Outre la création d'un fonds d'indemnisation pour les victimes d'accidents médicaux en l'absence de faute médicale, le projet de loi permet aux malades d'avoir un accès direct à leur dossier médical.

Par Isabelle Huau, le 12/11/2001

De grandes avancées : accès direct au dossier médical

Consultation du dossier médical.

Le projet de loi reconnaît et affirme les droits du malade :

  • Droit au respect de sa dignité notamment dans les situations de fin de vie ou de certaines consultations médicales ;
  • non-discrimination en raison de caractéristiques génétiques ou d'orientations sexuelles;
  • droit au respect du secret médical ;
  • droit d'accéder aux soins les plus appropriés à son état…

Mais surtout le projet reconnaît un nouveau rôle au malade : “Il ne peut plus être regardé comme passif et soumis aux décision médicales.
Celui-ci pourra avoir accès à son dossier médical.

Jusqu'à ce jour, le patient devait passer par l'intermédiaire d'un médecin. Désormais, il pourra accéder aux informations médicales le concernant : comptes rendus divers, résultats d'examens, feuilles de surveillances, correspondances entre professionnels à l'exception des informations émanant de tiers ou concernant un tiers… La personne choisit d'avoir accès à ces informations directement ou par l'intermédiaire d'un médecin.

Accès au dossier médical dans d'autres pays

En Europe, l'accès direct au dossier se traite différemment, selon le support juridique déterminé soit par jurisprudence (Allemagne, Belgique) soit par la loi (Danemark, G.-B., Pays-Bas). Mais commençons par le Canada.

Canada

Les patients ont le droit de consulter leur dossier et d'obtenir une copie. Cependant, si le praticien estime que l'information pourrait avoir des effets néfastes sur la santé physique, mentale ou sur l'état émotionnel, il peut en refuser l'accès.

Allemagne

La jurisprudence établit un droit d'accès aux éléments objectifs du dossier, la Cour fédérale suprême conseillant aux médecins d'ouvrir deux dossiers : l'un pour la consultation des patients, l'autre pour leur usage professionnel.

Belgique

Loi en débat actuellement. Le médecin n'est pas tenu d'autoriser la consultation du dossier. Le projet Colla envisage un accès direct ou par l'intermédiaire d'une personne de confiance, en excluant les notes personnelles du médecin. Si celui-ci émet des réserves à l'accès direct, la personne de confiance examine avec le médecin les capacités du patient à prendre connaissance de son dossier.

Pays-Bas

Depuis 1995, accès illimité au dossier (pas aux notes personnelles du médecin). Il peut s'opposer à la divulgation d'informations mettant en cause la vie privée d'un tiers. Une tierce personne peut être désignée par écrit par le patient. Le refus de communication du dossier est susceptible de recours devant des commissions régionales ou hospitalières, dont les décisions sont impératives.

Danemark

Depuis juillet 1998, lettres entre médecins, notes… tout est accessible. Le médecin peut limiter ce droit pour éviter des conséquences psychologiques néfastes ou lorsque des tiers sont en cause. Un pouvoir peut être donné à une autre personne pour consulter le dossier. Grande-Bretagne Le droit d'accès exclut les données susceptibles de nuire à la santé physique ou mentale.

Place reconnue pour les associations et usagers

Le projet de loi donne aux usagers du système de santé et aux associations une place plus grande dans les différentes instances nationales et régionales. Des associations agréées pourront représenter les personnes malades et exercer les droits de la partie civile.

Procédure d’indemnisation facilitée

Quelles sont les limites du projet de loi pour les usagers de santé ? Réponse de Claire Compagnon.

La dernière partie, la plus délicate, est consacrée aux accidents médicaux non fautifs. Certains actes médicaux, même s'ils sont parfaitement exécutés, peuvent provoquer des dommages. Des commissions régionales de conciliation et d'indemnisation, présidées par un magistrat, pourront être saisies directement par toute victime.

La commission devra émettre un avis sur les causes de l'accident ainsi que sur le régime d'indemnisation applicable. Les critères de gravité des dommages subis seront définis par le Conseil d'Etat, qui devra ainsi déterminer à partir de quelles conséquences les personnes seront indemnisées.

Cet acte de solidarité nationale aura un coût, aussi seuls les cas les plus graves devraient être pris en compte. Puis dans un délai de quatre mois suivant la réception de l'avis, une offre d'indemnisation sera faite, visant à la réparation intégrale des préjudices. L'indemnisation sera versée par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (financé par l'assurance maladie). Cette procédure n'exclut pas les poursuites judiciaires, si le patient le désire.

Applicable à partir du 1er janvier 2002, qu'en est-il des accidents antérieurs et en particulier des personnes estimant avoir été contaminées par le virus de l'hépatite C lors d'une transfusion ? Le projet de loi prévoit de faciliter leur recours judiciaire. C'est l'organisme de soins responsable de la transfusion qui devra prouver que la transfusion n'a pas été à l'origine de la contamination. Le doute profitera donc au demandeur.

Ce projet de loi marque un grand changement en responsabilisant tous les partenaires, aussi bien les patients que les médecins. Pour la première fois les malades sont présents à tous les niveaux. Les aléas thérapeutiques sont pris en compte. L'objectif est de ne plus voir les personnes victimes de ce type d'accidents être découragées par le coût ou la durée des procédures et d'obtenir réparations. Le monde médical y est officiellement favorable mais les moyens financiers suivront-ils ?

Isabelle Huau le 12/11/2001