Quels progrès dans le diagnostic ?

Conséquence de l'allongement de l'espérance de vie, le nombre de cas de démences séniles est en constante augmentation. Souvent incurables, elles sont aussi particulièrement difficiles à identifier avec précision.

Par Philippe Dorison, le 25/09/2005

Quelques pistes expérimentales

Lors de la conférence internationale Prevention of Dementia en juin 2005, une nouvelle méthode de détection à l'aide d'une scintigraphie cérébrale a été présentée. Elle offrirait la possibilité de prévoir, dans 85% des cas, le développement de la maladie d'Alzheimer chez des personnes ne présentant encore aucun symptôme.

Cette méthode repose sur le fait que l'activité métabolique de l'hippocampe, une région du cerveau associée à la mémoire, diminue au fur et à mesure que la maladie progresse. « Cette recherche montre pour la première fois qu'une réduction de l'activité du métabolisme dans l'hippocampe pourrait être utilisée pour prédire qui a le plus de risque de développer la maladie d'Alzheimer », a annoncé le Dr Lisa Mosconi, de l'école de Médecine de l'Université de New York, qui a mené cette étude.

Autre piste : le dosage de deux composés présents dans le liquide céphalo-rachidien. Ce liquide, obtenu par ponction lombaire, contient à la fois des protéines phospho-tau et le peptide A-Bêta 42, deux substances fréquemment associées aux processus de démence et qui sont souvent étudiées séparément. En mesurant le rapport des concentrations de ces deux composés, des équipes suisses et allemandes ont obtenu, en 2003, des profils différents selon les sujets : cent personnes ont participé à cette étude, dont 51 avaient un profil probable de "patient Alzheimer". Une autre approche, bien différente, consiste à déterminer un profil génétique connu pour être facteur de risque de la maladie d'Alzheimer, notamment par l'étude des mutations des 3 gènes APP et présénilline 1 et 2. Proposée depuis 2002 dans certains hôpitaux d'Europe, cette démarche est loin de faire l'unanimité tant qu'aucun traitement efficace n'est disponible.

L'étude de l'écriture au secours du diagnostic ?

Un test a été mis en route en 2003 à l'Université de Munich pour tenter de différencier divers troubles neurologiques tels que la sclérose en plaques, les dépressions, les maladies d'Alzheimer, de Parkinson ou la schizophrénie.

Il utilise une tablette graphique, avec laquelle il est demandé au patient d'écrire quelques dizaines de lignes. Les mouvements de la main sont enregistrés par ordinateur et étudiés selon de nombreux paramètres (taille des caractères, vitesse d'écriture, régularité des mouvements).

Cet outil pourrait aussi servir à mesurer les progrès de certains patients en cours de traitement et à dépister des signes avant-coureurs de maladie avant l'apparition de symptômes plus lourds.

Comment s'établit un diagnostic ?

Les psychiatres et neuropsychiatres se basent en général sur les symptômes cliniques pour reconnaître la forme de démence dont souffrent leurs patients.

Pourtant, malgré toute leur expérience, ils ne peuvent aboutir qu'à un diagnostic probable ou très probable. André Delacourte, neurobiologiste spécialisé dans l'étude de la maladie d'Alzheimer, nous explique que les certitudes ne peuvent être acquises que par une autopsie : ''On parle de diagnostic possible ou probable en fonction de manifestations cliniques. Mais on ne parlera de maladie d'Alzheimer certaine que lorsqu'on aura vu les lésions cérébrales sur l'ensemble du cortex.''

Toujours selon André Delacourte, dans un cas sur six, la maladie d'Alzheimer pourrait être confondue avec une démence fronto-temporale. Si l'on en croit d'autres études réalisées aux Etats-Unis, de 5 à 13% des patients diagnostiqués Alzheimer auraient en fait été atteints d'une maladie de Creutzfeldt-Jakob.

Les pièges du diagnostic

Parmi les difficultés rencontrées, l'une d'elles est la variété des manifestations cliniques qui peuvent apparaître dans le cas d'une maladie d'Alzheimer. Selon les patients, les symptômes pourront être différents et n'interviendront pas forcément selon la même séquence. En fait, la dégénérescence ne touche pas toujours les différentes zones du cerveau dans le même ordre. Par ailleurs, la complexité du diagnostic est encore augmentée par l'existence d'autres formes de démences bien différentes au plan physiologique mais dont les manifestations cliniques peuvent être voisines.

Une autre difficulté tient au fait que les maladies neuro-dégénératives ne produisent leurs dégâts qu'à l'intérieur du cerveau. En général, elles ne provoquent pas de réactions du système immunitaire susceptibles d'être détectées dans le sang ou dans d'autres parties du corps plus faciles à explorer.

Quel est l'enjeu d'un diagnostic fiable et précoce ?

Toujours dans l'espoir d'un traitement efficace de la maladie, la précocité du diagnostic pourrait permettre d'intervenir chez les patients avant même les premiers signes cliniques.

Quel est l'intérêt d'un diagnostic précoce pour la maladie d'Alzheimer ?

Cette possibilité apparaît dans les travaux d'André Delacourte qui, au cours de ses recherches sur plus de 130 cerveaux de personnes décédées a mis en évidence des traces de dégénérescence imputables à la maladie d'Alzheimer chez des personnes qui n'en avaient jamais manifesté le moindre signe. Reste encore à trouver le moyen de détecter ces premières manifestations par des techniques applicables du vivant du patient.

Utilisant un procédé basé sur l'IRM, des scientifiques anglais ont publié en juillet 2001 des travaux prometteurs dans ce domaine. Ils ont réussi à observer de subtils changements dans les tissus cérébraux de patients chez lesquels la maladie était en cours de développement. Certaines de ces altérations ont même pu être mises en évidence jusqu'à trois ans avant l'apparition des premiers symptômes cliniques.

Quelles avancées attendre de la recherche ?

Les pistes sont multiples et si, de son côté, André Delacourte travaille sur la détection des protéines tau pathologiques en tant que marqueur de la maladie, de nombreuses recherches avancent dans d'autres directions, notamment l'imagerie du cerveau.

“Sans faire trop de science-fiction, je crois qu'un jour on arrivera à marquer les deux lésions cérébrales...

Dans ce sens, la TEP (Tomographie à émission de positons) a permis d'obtenir des résultats intéressants en prédisant dans la majorité des cas la survenue d'une maladie d'Alzheimer avant les premiers symptômes cliniques. L'étude, menée à l'université de Californie, a estimé à 75% la fiabilité de cet outil et il a aussi été remarqué que les personnes chez lesquelles ce procédé ne détecte aucune anomalie sont presque assurées de ne développer aucun trouble cognitif dans les trois années à venir. Mais cette technique reste très onéreuse et lourde à mettre en oeuvre, ce qui limite actuellement son utilisation à des protocoles de recherche.

Si la maladie d'Alzheimer est la plus souvent évoquée à propos des efforts de dépistage précoce des maladies neuro-dégénératives, c'est probablement à cause du très grand nombre de personnes qu'elle touche et de son énorme retentissement socio-économique sur les familles des patients et l'ensemble de la société.

Mais la problématique de ces recherches est beaucoup plus vaste et elle concerne aussi, par exemple, le dépistage de la maladie de Creutzfeldt-Jakob au cours de sa longue période d'incubation.

Philippe Dorison le 25/09/2005