Hépatite C : quels espoirs ?

Alors qu'une incitation au dépistage se poursuit en France, quels progrès peut-on attendre dans le traitement de l'hépatite C ? L'année 2003 offre quelques raisons d'espérer à moyen terme mais, pour l'heure, cette maladie continue de poser un problème sérieux.

le 13/01/2004

Nouveau médicament en vue ?

Une équipe de chercheurs a publié dans la revue Nature (vol 426, pp129,186-189) en novembre 2003 le résultat de ses travaux sur un composé provisoirement nommé BILN 2061.

Prévalence de l'hépatite C dans le monde

Administré à six hommes infectés par le virus de l'hépatite C, contre deux hommes ayant reçu un placebo, ce produit a permis de faire baisser en deux jours la présence du virus dans leur organisme, dans un rapport allant de 100 à 1 000. Aucun effet indésirable n'a été constaté mais les essais devront être poursuivis pour tester l'efficacité de ce produit à long terme.

En effet, le virus de l'hépatite C est connu pour ses mutations rapides et ses capacités de résistance aux traitements. Le BILN 2061, qui est parvenu à bloquer la multiplication de la souche virale la plus commune, ouvre donc une voie prometteuse mais devra faire la preuve de son efficacité face à d'autres souches et mutations.

Les traitements actuels

Lors de la découverte du virus en 1989, un seul traitement existait : l'interféron alpha, dont l'efficacité était très médiocre. L'association de l'interféron avec l'antiviral ribavirine, en 1998, a permis de guérir 40% des patients.

Courant 2000, une variante de l'interféron (interféron pégylé) est apparue. Associée à la ribavirine, elle est devenue le traitement principal et permet de guérir environ 55% des malades. Mais 45% des patients qui ne répondent pas au traitement, qui par ailleurs est très couteux – plus de15 245 euros par an – et par conséquent inaccessible pour les pays en développement.

Recherches en cours pour un vaccin

Les perspectives vaccinales sont de deux ordres : mettre au point, d'une part, un vaccin préventif pour protéger la population ; et d'autre part un vaccin thérapeutique pour stimuler le système immunitaire du sujet infecté.

Cette deuxième approche a été développée par la société belge Innogenetics. Un essai avec une protéine d'enveloppe de virus réalisé sur 26 patients et 9 volontaires non infectés a donné des résultats encourageants : les lésions du foie ont régressé ou, au pire, sont restées stationnaires. De nouveaux résultats sont attendus courant 2004, qui permettront de disposer d'un recul de trois ans par rapport au début de l'expérience. 

La piste des vaccins préventifs est aussi explorée par Inogenetics qui mène actuellement des essais sur les animaux et la société américaine Chiron.

Procédure d'essais d'un vaccin

Avant de commencer les tests sur l'homme, les essais doivent avoir obtenu l'avis favorable d'un Comité consultatif pour la protection des personnes participant à une recherche biomédicale. Les essais se déroulent en trois temps sur des volontaires.

  • Phase 1 : Mesurer la toxicité du vaccin et sa capacité à induire des réponses immunitaires sur un petit nombre de volontaires sains.
  • Phase 2 : Le produit est évalué sur un plus grand nombre de personnes saines
  • Phase 3 : Produit testé sur plusieurs milliers de volontaires appartenant à des groupes exposés aux risques de contamination. Il faut tester les effets du vaccin pendant au moins trois ans sur une très large population pour voir une différence avec les personnes non vaccinées.

Plus de dépistage

Un programme de dépistage et de prise en charge de la maladie a été initié en France en 1999. Selon l'institut national de veille sanitaire, qui a publié en avril 2003 un numéro spécial de son bulletin épidémiologique consacré à l'hépatite C, environ 10 000 nouveaux cas sont recensés par an en France.
Meme si le nombre de tests de dépistage a augmenté ces dernières années, il n'y a pas eu d'augmentation du nombre de cas dépistés, ce qui laisse penser que les populations les plus exposées n'ont pas bien reçu les messages d'information. Il apparaît pourtant que, sur une période de dix ans, la prise en charge des malades est devenue plus précoce. Quoi qu'il en soit, l'InVS conclut que les efforts de dépistage, prise en charge, surveillance et recherche en santé publique doivent être maintenus, voire amplifiés.

Dans quels cas se faire dépister ?

- si, avant 1992, vous avez reçu des produits sanguins ou une greffe;

 - si, avant 1992, vous avez subi une intervention chirurgicale importante, été hospitalisé en réanimation, eu une hémorragie digestive, un accouchement difficile, reçu des soins en néonatalogie, en pédiatrie pour une maladie grave;

 - si vous avez utilisé, ne serait-ce qu'une seule fois, des drogues par voie intraveineuse ou nasale (partage de la paille associée à l'existence de nombreuses lésions nasales;

 - si vous avez été hémodialysé;

 - si vous avez été ou êtes incarcéré;

 - si vous vivez ou avez vécu avec une personne atteinte par l'hépatite C;

 - si vous avez fait des tatouages, piercing, mésothérapie ou acupuncture sans aiguilles jetables ou personnelles;

 - si vous avez reçu des soins dans les pays du Sud-Est asiatique, du Moyen-Orient, d'Afrique ou d'Amérique du Sud

Quels risques de contamination ?

La contamination se fait presque exclusivement par la mise en contact direct du sang d'un sujet indemne avec le sang d'un sujet infecté : usage de drogue par voie intraveineuse (échange de seringue) et plus rarement par contamination nosocomiale (à l'hôpital) lors d'un geste médical (endoscopie, hémodialyse).

La transfusion de produits sanguins a été la première cause de la diffusion du virus jusqu'en 1991. Aujourd'hui, ce mode de transmission a presque entièrement disparu du fait des mesures d'inactivation du virus dans la préparation des produits dérivés du sang. Le risque résiduel est estimé à 1 pour 400 000 dons, ce qui représente moins de dix nouveaux cas par an.

Selon l'institut de veille sanitaire, près de 40% des nouveaux cas diagnostiqués en 2001 seraient dus à l'usage de drogues par voie intraveineuse, et 30% à des transfusions sanguines. Reste que dans plus de 20% des cas, l'origine de la contamination est inconnu.

Les contaminations à l'hôpital

Restée stable de 1999 à 2001, la proportion de nouveaux cas d'hépatite C dus à une infection acquise à l'hôpital est de l'ordre de 2%. Toutefois, malgré les procédures de signalement aux Centres de coordination de la lutte contre les infections nosocomiales et aux Ddass, cette évaluation est très difficile et dans plus de 20% des cas d'hépatite C, l'origine de la contamination reste inconnu.

En fait, les différentes contaminations dues à des actes médicaux (hémodyalise, anesthésie générale, explorations fonctionnelles, transfusions avant 1992...) ne sont pas toutes clairement établies mais pourraient expliquer jusqu'à 15% des hépatites C.

En cas de signalement d'infection, des études menées par l'Institut national de veille sanitaire peuvent mener à conseiller des changements de pratiques. Cela a été le cas lors d'une transmission potentiellement causée par l'utilisation d'un même flacon de produit anesthésiant pour plusieurs malades, survenue dans l'Eure en 2001. Un autre cas étudié concernait 22 contaminations dans un service d'hémodialyse de Béziers entre 2001 et 2002.

Dans le cas d'une contamination suspectée par transfusion, la loi de mars 2002 sur les droits des malades ouvre des droits à l'indemnisation sans que les malades aient à prouver que cette transfusion est bien à l'origine de l'infection : l'existence de cette transfusion est reconnue comme une raison suffisante.

Quelles menaces pour la santé ?

Risques d'évolution de l'hépatite C

Véhiculé par le sang, le virus de l'hépatite C infecte les cellules du foie et se multiplie en utilisant la machinerie cellulaire. Les nouveaux virus envahissent peu à peu d'autres cellules. Celles-ci se nécrosent progressivement et sont remplacées par un tissu cicatriciel de fibrose.

Les cellules hépatiques saines, de moins en moins nombreuses, ont du mal à assurer les fonctions physiologiques du foie et la maladie progresse vers une cirrhose dans 20% des cas, puis vers un cancer (dans 1 à 4% des cas). Cependant, dans une majorité des cas, l'hépatite ne produit aucun symptômes notables, ce qui complique son diagnostic et justifie les mesures de dépistage.

D’après un rapport de l’Inserm publié en juin 2003, le nombre annuel de décès liés à l’hépatite C en France pourrait se situer entre 4 500 et 6 900 à l’horizon 2020 (contre environ 3 300 aujourd’hui).

En cas de cirrhose très évoluée ou de cancer, la seule possibilité de guérison est la greffe du foie. Mais les organes manquent et les médecins sont confrontés à des choix difficiles.

le 13/01/2004