Myopathies : quels progrès ?

Avec 95 millions d'euros, le Téléthon 2003 a à nouveau battu son propre record de dons. Les sommes collectées sont destinées à financer la recherche sur les maladies génétiques neuromusculaires. Celles-ci, souvent très graves, n'affectent qu'un nombre restreint de personnes et les laboratoires pharmaceutiques ont peu d'intérêt à investir des sommes importantes dans ce domaine.

Par Isabelle Huau, le 08/01/2004

Lutter contre un fléau

Des parents d'enfants malades et des malades qui se regroupent au sein d'une association, ainsi commence l'histoire de l'Association française contre les myopathies (AFM) en 1958. Leur but : lutter contre un fléau, la myopathie, une maladie qui tue “muscle après muscle“.

Le Téléthon

Recettes du Téléthon de 1987 à 2003

Pour se doter de moyens financiers, l’AFM organise en 1987 le premier Téléthon français. Le Généthon, laboratoire de recherche financé par l'AFM grâce aux dons recueillis lors du Téléthon, s'engage dans le combat contre les maladies génétiques.

D'abord consacré à l'élaboration des premières cartes du génome et à la découverte des gènes responsables des maladies génétiques, le Généthon s'attelle en particulier à la mise au point de vecteurs capables de transporter le gène-médicament au cœur de la cellule malade.

La myopathie de Duchenne

Les maladies neuromusculaires non acquises concernent aujourd'hui près de 30 000 malades. Parmi elles, la myopathie de Duchenne qui touche environ 2 000 malades en France est la plus sévère des myopathies de l'enfant. Celle-ci est transmise par les femmes (par le chromosome X) et atteint seulement les garçons (un garçon sur 3 500 chaque année).

La maladie se traduit par un déficit en dystrophine, une protéine normalement présente dans le muscle strié, le cœur et le système digestif. Cette protéine se trouve sous la membrane cellulaire de la fibre musculaire, et elle est indispensable au maintien de l'architecture cellulaire. Sans elle, la fibre musculaire ne peut plus résister aux forces exercées par la contraction et finit par dégénérer.

Le gène qui code la protéine a été identifié en 1986. Il n'existe toujours pas de traitement, mais on peut ralentir l'évolution de la maladie grâce à une prise en charge permanente à la fois respiratoire, cardiaque, orthopédique et nutritionnelle.

Les maladies génétiques

Il y a environ 5 000 maladies génétiques. Elles touchent de 6 à 8% de la population, soit 4 millions de Français et de 25 à 30 millions d'Européens.

Celles-ci peuvent avoir des actions très différentes:
Empêcher 

  • de bouger (les myopathies)
  • de voir (les rétinites)
  • d'entendre (les surdités)
  • de comprendre (syndrome de l'X fragile)
  • de résister aux infections (déficits immunitaires…)

La recherche

Des modèles animaux – souris, chiens – atteints de la myopathie de Duchenne ont permis de réaliser les premiers essais de thérapie génique en 1997. Le gène de la dystrophine est un gène énorme (2 millions de bases) qu’il n’est pas possible d’insérer dans tous les vecteurs.

Les chercheurs ont élaboré un ''mini-gène'' (produisant une mini-dystrophine qui reste fonctionnelle), ce qui permet son inclusion dans un vecteur type AAV (adénovirus associé). Les essais d’injection intra-musculaire du vecteur ont été prometteurs sur la souris. Les travaux continuent pour tester ces constructions sur l’homme.

Depuis septembre 2000, le premier essai de [qactu:2027]thérapie génique[/qactu] sur l’homme (essai de phase 1) est en cours pour la myopathie de Duchenne ainsi que pour une variante bénigne : la dystrophie de Becker (hôpital de la Pitié-Salpêtrière). Il s'agit dans un premier temps d'étudier uniquement la tolérance au produit. Cet essai consiste à faire parvenir aux cellules musculaires malades un fragment du gène normal de la dystrophine pour remplacer la partie équivalente du gène défectueux. Neuf personnes ont reçu en injection le ''plasmide'' contenant l'ADN de la dystrophine, selon trois protocoles différents.

Quels sont les principaux obstacles rencontrés dans la thérapie génique? Olivier Danos, CNRS

Une autre piste pour cette maladie consiste à développer les moyens de surexprimer l'utrophine qui est une protéine semblable à 80% à la dystrophine. L'utrophine est principalement présente sous la membrane cellulaire de la fibre musculaire du fœtus. En la surexprimant, on espère qu'elle pourrait prendre la place de la dystrophine déficiente.

La route est ouverte… et l'espoir de guérir certaines de ces maladies se profile à l'horizon. Les résultats obtenus sur quelques maladies doivent être reproduits sur d'autres. Thérapie génique, greffes de cellules souches, les voies se multiplient et attendent d'être explorées.

Isabelle Huau le 08/01/2004