Hémophilie : les premiers pas de la thérapie génique

Pour tenter d’enrayer l’hémophilie*, un groupe de médecins et généticiens américains ont élaboré un traitement qui agirait directement sur le gène déficient. Eviter les produits dérivés du sang serait un soulagement pour tous les malades qui ont été marqués par le scandale du sang contaminé.

Par Isabelle Huau, le 07/12/2001

Un produit de substitution

L’hémophilie ne peut être traitée qu’en administrant aux patients des facteurs de coagulation produits à partir de dons de sang ou issus des techniques de manipulation génétique.

Hémophilie

Transmise par les femmes, développée par les hommes

L’hémophilie est une maladie génétique qui se rencontre presque exclusivement chez les sujets mâles (environ 5 000 hommes touchés en France). Le gène défectueux se situe sur l’extrémité du chromosome X. Chez l’homme (XY) le gène défectueux n’a pas de vis-à-vis car le chromosome Y est plus court que le X. Les mutations s’expriment car elles ne peuvent pas être contrées par un gène homologue sain. En revanche, chez la femme, il est très rare que leur deuxième chromosome X porte la même mutation et le “gène sain“ l’emporte. Elles ne développent donc pas la maladie, mais en sont porteuses.

Une plaie qui ne coagule pas

Les mutations dans le gène entraînent une fabrication en quantité insuffisante ou nulle de protéines indispensables à la coagulation: le facteur VIII pour l’hémophile A (85% des cas). C’est le facteur IX qui est absent ou insuffisant pour l’hémophilie B. Cette insuffisance de facteur de coagulation entraîne un retard ou une absence de coagulation du sang en cas de chocs ou de plaies. Dans les cas les plus sévères, des saignements spontanés peuvent se produire dans les articulations, les organes vitaux …

Le clonage du facteur VIII par génie génétique a permis de développer un produit de substitution fiable.

Transfusions à risque?

Ya-t-il encore des risques aujourd’hui à être transfusés ?

De plus en plus réduits…

1/1 600 000 pour le virus du sida
1/180 000 pour l’hépatite B
1/400 000 pour l’hépatite C
Les personnes transfusées sont surveillées : on leur propose de faire un test de dépistage avant et surtout trois mois après la transfusion.

Le traitement par la chaleur des produits plasmatiques, développé à partir de 1983 et adopté en France en 85, ne permettait pas l’inactivation du virus de l’hépatite C. Le chauffage est remplacé depuis 1987 par des techniques utilisant un détergent (tri-n-butyl phosphate TNBP), ce qui permet la destruction de l’enveloppe des virus. Ces traitements ont considérablement réduit les risques de transmission de ces maladies hépatite B et C, HIV).

Source : Association française du sang
http://www.afs.fr

*Source : New England Journal of Medicine du 7 juin 2001.

Un nouveau procédé

- L’expérience

Une autre technique verra certainement bientôt le jour grâce à la thérapie génique. Le but : introduire dans les cellules une copie opérationnelle du gène. Opération tentée par une équipe de chercheurs et six patients atteint d’hémophilie A sévère. Dans un premier temps, des cellules de la peau ont été prélevées sur les patients. Puis les chercheurs y ont injecté un plasmide – un ADN non humain – portant le gène du facteur VIII qui permet la synthèse de la protéine indispensable à la coagulation. Les cellules génétiquement modifiées ont été injectées dans les tissus graisseux de l’abdomen des patients.

- Le bilan

Les résultats ont été publiés un an après l’administration de ce traitement. Pour ce premier essai, l’étude ne porte que sur la sûreté de la technique. Aucune réponse immunitaire ne s’est déclenchée chez les malades et aucun n’a présenté d’effets secondaires après avoir reçu les cellules modifiées génétiquement. Le traitement semble donc sûr. Egalement, chez quatre des six patients, les concentrations sanguines de facteur VIII se sont élevées, s’accompagnant d’une diminution des saignements spontanés. Des études supplémentaires devront être réalisées pour évaluer l’efficacité du traitement mais les chercheurs américains se disent optimistes.

L’augmentation du taux de facteur VIII grâce à la thérapie génique pourrait constituer un gros progrès. Même une augmentation de 1% à 5 % ferait passer la maladie de grave à modérée ou légère. Si des travaux ultérieurs prouvent un réel bénéfice thérapeutique, cette technique paraît porteuse d’avenir.

Isabelle Huau le 07/12/2001