AMP : ces embryons venus du froid

Abandonnés par leur couple géniteur – qui s’est séparé depuis ou qui a déjà satisfait son désir d’enfant –, des milliers d’embryons remplissent les congélateurs des laboratoires de fécondation in vitro. Leur vie est suspendue dans le temps, dans l’attente d’un “devenir”.

le 18/02/2003

Un complément quasi indispensable de la fécondation “in vitro'”

Les embryons conçus au laboratoire par les techniques d’assistance médicale à la procréation (AMP) ne sont pas tous transférés dans la cavité utérine de la future mère. En général, trois embryons au maximum sont transférés afin de limiter les risques de grossesses multiples. Ceux qui restent sont congelés en vue d'un transfert ultérieur.

Paillettes d'embryons congelés conservés dans l'azote liquide à -193°C.



C’est en 1984, en Australie, que naquit le premier être humain après avoir été congelé au tout début de sa vie embryonnaire. Depuis, des dizaines de milliers d’enfants issus d’embryons congelés sont nés dans le monde.

Nombre d'embryons congelés (en 1990 et en 2001) en France.

Il est obligatoire d’utiliser les embryons congelés avant toute nouvelle tentative de fécondation in vitro. Aussi, 90% des embryons conservés au froid sont décongelés et font l’objet d’un projet parental.

Mais quel sort est-il réservé aux 10% d’embryons congelés abandonnés par leur couple géniteur (embryons dits surnuméraires) ? Leur nombre est en augmentation constante : 1 000 de plus par mois en France.

Une destruction interdite

Il est actuellement interdit en France de détruire les embryons congelés. La loi limite à cinq ans la durée maximale de leur conservation sans pour autant en préciser les modalités : notamment, on ne sait pas à qui revient de procéder à l’arrêt de leur conservation.

Aussi, des milliers d’embryons congelés attendent-ils depuis 1999 le réexamen de la loi de bioéthique qui décidera de leur sort. Une première étape vient d'être franchie avec l'adoption par l'Assemblée nationale en 2002 et le Sénat en 2003 du projet de loi sur la bioéthique qui interdit le clonage thérapeutique mais autorise des recherches sur les embryons surnuméraires.

Un accueil possible

Aujourd'hui, que peut-on faire des embryons surnuméraires ? Joëlle Belaïsch-Allart, CHI Jean-Rostand, Sèvres...

Jusqu'à maintenant, les embryons congelés pour lesquels il n’y a plus de projet parental peuvent être donnés à un autre couple stérile. Encore faut-il qu’ils remplissent les critères du don, basé sur les mêmes grands principes de volontariat, d’anonymat et de gratuité que le don de gamètes.

Mais l’examen de passage, fixé par les règles du décret du 2 novembre 1999, n’est pas si simple. Un certain nombre d’obstacles sont à surmonter (multiples entretiens, analyses médicales, possible convocation du couple par le président du tribunal de grande instance suite à l’envoi de leur consentement écrit…). Les couples doivent donc être extrêmement motivés pour donner leurs embryons.

Un objet de recherche ?

L’autre devenir possible des embryons congelés qui ne font plus l’objet d’un “projet parental”, c’est d’être utilisés pour des travaux de recherche, que ce soit pour tenter d’améliorer les techniques d’assistance médicale à la procréation ou à des fins thérapeutiques : les embryons abritent en effet des cellules souches* capables de donner naissance à tous les types de cellules existants et qui pourraient peut-être permettre de réparer toutes sortes de tissus.  Mais l’embryon peut-il servir de matériel de laboratoire?

La protection de l’embryon vous semble-t-elle légitime? Joëlle Belaïsch-Allart, CHI Jean Rostand, Sèvres...

L’Europe est partagée sur cette question.

Certains pays comme l’Allemagne, l’Autriche, la Norvège et la Suisse interdisent toute recherche sur l’embryon alors que d’autres comme l’Espagne, le Danemark, la Suède et le Royaume-Uni l’autorisent, à condition que l’embryon soit âgé de moins de quatorze jours, que le couple y ait consenti et que le projet de recherche ait fait l’objet d’un agrément.

Le Royaume-Uni va encore plus loin en autorisant la création d’embryons à des fins de recherche. Aux États-Unis, George Bush, quant à lui, s’est montré favorable au financement sur fonds publics des recherches sur des lignées de cellules souches embryonnaires déjà existantes.

En France, la justice vient de valider, fin janvier 2003, l'importation des cellules souches embryonnaires permettant par la même aux biologistes français de mener des recherches sur ces cellules. De plus, lors de la révision des lois de bioéthique de 1994, le Sénat a autorisé la recherche sur les embryons surnuméraires issus de la fécondation in vitro et ne faisant plus l'objet d'un projet parental.

L'Académie de médecine, quant à elle, qui réclamait un statut de patient pour l'embryon conçu in vitro n'a pas été entendue... Le ministre de la santé Jean-François Mattéi, lors de la révision du projet de loi sur la bioéthique, a notamment souhaité que le législateur procède ''en ne déterminant pas ce qu'est l'embryon, mais en disant comment on doit le traiter''.

le 18/02/2003