AMP et lois : embryons sans frontières ?

En Europe et dans le monde, les législations et les réglementations juridiques diffèrent en matière de bioéthique. Comment dès lors assurer l’encadrement des pratiques d’assistance médicale à la procréation ? Certains évènements récents – le cas d’une mère de 62 ans accouchant de l’enfant de son frère…montrent que tout est possible. Il suffit de se déplacer.

Par Isabelle Bousquet Maniguet, le 14/02/2003

Diversité des cultures, diversité des lois

Loi bioéthique en Europe...

Culture, tradition, contexte socioéconomique pèsent sur les dispositions prises par chaque pays pour encadrer les pratiques d’assistance médicale à la procréation (AMP). Aussi constate-t-on des divergences sensibles, ne serait-ce qu’en Europe.

Certains pays (Royaume-Uni, Espagne) envisagent l’AMP comme une alternative à la procréation naturelle et vont jusqu’à étendre son accès à la femme seule et non plus uniquement au couple hétérosexuel stérile. À l’opposé, d’autres, comme l’Allemagne ou la Pologne, souhaiteraient proscrire les techniques d’AMP.

Qu’est-ce que vous attendez de la révision des lois bioéthiques de 1994?

Entre les deux, des pays comme la France considèrent l’AMP comme un simple traitement de l’infertilité. D'ailleurs, cette prise de position a été confirmée lors de la révision en première lecture du projet de loi sur la bioéthique de 1994 par l'Assemblée Nationale et récemment par le Sénat : ''elle a pour objet de remédier à l’infertilité dont le caractère pathologique a été médicalement diagnostiqué ou d’éviter la transmission à l’enfant ou à un membre du couple d’une maladie d’une particulière gravité.''

Le “tourisme procréatif”

Face à la variété des mesures législatives et réglementaires dans le monde, ce qui est interdit là est possible ailleurs. Dès lors, il est tentant pour des couples vivant dans des pays où la législation est particulièrement restrictive (comme en Allemagne, où tout est fait pour réduire l’activité de fécondation in vitro) de se déplacer vers des pays à la législation plus souple et où les taux de succès des pratiques d’AMP sont plus élevés.

En France, par exemple, la pénurie dramatique de donneuses d’ovocytes et les contraintes imposées par la loi ont conduit bon nombre de couples à se rendre en Belgique où le don d’ovocytes est plus facile, plus rapide et aboutit à des meilleurs taux de grossesse. La loi française impose en effet que les embryons obtenus après un don d’ovocytes soient congelés pendant six mois avant leur transfert dans l’utérus : cela permet de vérifier que six mois après le don, la donneuse est toujours séronégative pour la syphilis, le sida, les hépatites B, C et le cytomégalovirus, condition sine qua non au transfert des embryons. Or la congélation fait chuter le taux de succès des dons d’ovocytes car d’une part, tous les embryons ne survivent pas à cette étape ; d’autre part, le taux d’implantation des embryons congelés est inférieur à celui des embryons frais.

Des risques de dérives

Est-ce qu’une loi internationale doit encadrer les pratiques d’assistance médicale à la procréation?

On arrive parfois (rarement, heureusement, mais cela existe quand même !) à des cas extrêmes, comme ces mères de plus de 60 ans, voire à une situation des plus abracadabrantes avec la récente histoire de Jeanine et Robert.

La loi française interdisant aux femmes ménopausées d’avoir recours aux techniques d’AMP, Jeanine et son frère Robert s’envolèrent pour les États-Unis où ils se firent passer pour mari et femme auprès du Centre de fertilité du Pacifique (Californie). Là, les médecins réalisèrent une fécondation in vitro* avec les ovocytes d’une donneuse (car Jeanine, vu son âge, ne pouvait plus fabriquer d’ovocytes) et le sperme de Robert. Neuf mois plus tard, Jeanine accouchait en France du fils de son frère et… la donneuse d’ovocyte accouchait aux États-Unis de la sœur de ce petit garçon que Robert ramenait en France.

Une histoire caricaturale, certes, mais qui montre qu’il vaut mieux être très vigilant sur la façon dont les techniques d’AMP sont utilisées. Si ce qui est interdit là est possible ailleurs, jusqu’où peut-on aller ? Ne faudrait-il pas harmoniser, à l’échelle planétaire, les diverses pratiques d’assistance médicale à la procréation ? 

Isabelle Bousquet Maniguet le 14/02/2003