Légionellose : toujours plus d'épidémies ?

Une importante épidémie a sévi au début de l'année 2004 dans le nord de la France : le point sur les connaissances et les incertitudes d'une maladie apparue il y a moins de trente ans aux Etats-Unis.

le 20/04/2004

L'épidémie dans le Pas-de-Calais

Radio pulmonaire d’un patient de la région de Lens atteint de légionellose lors de l'épidémie de décembre 2003 - janvier 2004

Fin 2003-début 2004, la région de Lens (Pas-de-Calais) est frappée par une épidémie d'infections respiratoires dues à la bactérie ''Legionella pneumophila''. Bilan : 86 cas dont 17 personnes décédées.

L'origine de la contamination était bien la tour aéroréfrigérante de l'usine pétrochimique Noroxo située sur la commune de Harnes. D'autres sources de contamination avaient en effet été évoquées au plus fort de l'épidémie, puis écartées par l'enquête qui a rendu ses conclusions le 16 avril.

Malgré le fort écho médiatique, et si l'on se réfère aux données recueillies par l'Institut de veille sanitaire (INVS), il apparaît que cette épidémie ne reflète que partiellement la réalité de la légionellose sur le territoire français. Selon l'INVS, le nombre de cas déclarés serait en effet de plus d’un millier en 2002 contre moins d’une centaine par an dans les années 80-90. Une augmentation qui aurait deux causes : une meilleure surveillance épidémiologique mais aussi un mauvais entretien des tours aéroréfrigérantes, considérées partout comme les principales sources de contamination.

Légionellose : maladie, symptômes et traitement

La maladie des légionnaires
Après inhalation de gouttelettes infectées par les légionelles, la durée d’incubation varie de deux à dix jours. Les symptômes ressemblent à ceux de la grippe dans un premier temps : fièvre élevée, toux sèche, fatigue, douleurs musculaires, maux de tête, troubles digestifs. Mais en quelques jours, la fièvre s’élève et les douleurs musculaires vont croissantes et la maladie peut évoluer jusqu’à une insuffisance respiratoire. Une infection pulmonaire grave entraîne le décès dans un peu plus de 15% des cas. La légionellose n’est pas contagieuse : elle ne se transmet pas d’homme à homme. La contamination par ingestion n’a jamais été prouvée.

Diagnostic :
Le diagnostic peut être réalisé rapidement par la recherche d’antigènes de Legionella pneumophila dans les urines. Ce test ne détecte qu’une souche de légionelle (la Legionella pneumophila sérogroupe 1), responsable de 80% des cas de légionellose.
Particulièrement en cas d’épidémie, il est nécessaire de réaliser une mise en culture des sécrétions bronchiques du malade pour isoler la souche responsable de l’infection et la comparer aux souches présentes chez les autres malades et dans l’environnement.

Traitement :
Un traitement antibiotique permet la guérison en trois semaines. Les antibiotiques type pénicilline sont inefficaces car ils ne pénètrent pas dans les macrophages dans lesquels se multiplient la Legionella pneumophila. Des antibiotiques tels que les macrolides et les fluoroquinolines sont prescrits.
La légionellose doit être traitée très rapidement car, chez les personnes âgées et chez les personnes dont le système immunitaire est affaibli à cause d’autres maladies (sida, cancer, diabète…), le diagnostic peut être particulièrement grave. La mortalité peut atteindre 40% chez les malades hospitalisés, et plus chez les immunodéprimés. Également, si la maladie n’est pas traitée rapidement, des séquelles pulmonaires peuvent subsister.

Fièvre de Pontiac
Il existe une forme bénigne due à la légionelle appelée ''fièvre de Pontiac'' qui ne dégénère pas en pneumonie et ne met pas le pronostic vital en jeu. Les symptômes sont analogues à ceux de la grippe et la guérison se produit en deux à cinq jours, sans traitement. Cette forme de la maladie passe généralement inaperçue.

1976 : première épidémie aux Etats-Unis

Les premiers cas de légionellose remontent à seulement 1976. Lors d’un congrès d’anciens combattants de l’American Legion qui se tenait dans un hôtel de Philadelphie, plusieurs centaines de vétérans sont atteints d’une sévère pneumonie à laquelle trente-cinq succombent.

Une enquête est ouverte sur cette mystérieuse épidémie. Un an après, une bactérie en forme de bâtonnet est identifiée et baptisée Legionella pneumophila en mémoire des légionnaires décédés. L’enquête conclut alors à une contamination par le système de climatisation de l’hôtel.

Les épidémies médiatisées

Depuis cette date, d’autres épidémies ont alerté l’opinion publique. En France, en pleine Coupe du monde de football (juillet 1998), 20 cas ont été déclarés, dont 4 mortels. Une enquête minutieuse a montré que les personnes atteintes avaient toutes longé le mur d’un immeuble du IXe arrondissement sur lequel était installée une tour de refroidissement du système de climatisation.

Plus récemment, en juillet 2002, six personnes décèdent à Sarlat (Dordogne). Une tour de climatisation est là-encore jugée responsable de ces contaminations. Auparavant, en décembre 2000, l'épidémie du tout nouvel hôpital Georges Pompidou (quatre personnes décédées) avait défrayé la chronique.
A noter encore parmi les plus importantes épidémies observées en Europe, celle survenue en Espagne, à Murcia, en juillet 2001, où 600 personnes ont été touchées par la maladie des légionnaires.

Un meilleur diagnostic

La surveillance de la légionellose a débuté en France en 1987 avec l’obligation pour les médecins de déclarer la maladie. Le nombre de cas déclarés est resté faible jusqu’au renforcement du dispositif de surveillance en 1997. Depuis cette date, le nombre de cas est en constante augmentation (80 cas en 1996, 440 en 1999, 800 en 2001 et plus d'un millier en 2002).

Cette flambée statistique reflète en partie l’amélioration du système de surveillance grâce à l'introduction du test d'antigène urinaire et à une meilleure sensibilisation des professionnels de santé.

Legionella pneumophilia

L’incidence de la légionellose en France (1 cas pour 100 000 habitants) est supérieure à l’incidence européenne (0,5 cas pour 100 000 habitants) mais demeure semblable à celle observée aux Pays-Bas, en Suisse ou en Espagne. L’incidence la plus élevée en Europe se situe au Danemark (1,7 cas), pays qui possède un système de diagnostic et de surveillance très élevé.

Aux Etats-Unis, les CDC (Centers for Desease Control) estiment qu’entre 8 000 et 18 000 personnes contractent une légionellose chaque année mais les autorités sanitaires estiment que seulement 10% sont déclarés.

Des épidémies recherchées

La surveillance de la légionellose a été renforcée afin de détecter les épidémies et de pouvoir prendre les mesures appropriées. Il s’avère que la majorité des cas sont sporadiques (cas isolés). Même pour les épidémies, il est souvent difficile de déterminer où la contamination s’est produite, la durée d’incubation de la maladie étant de dix jours environ. Les lieux d’exposition les plus incriminés (dans près de la moitié des cas) sont les hôpitaux, les maisons de retraite, les établissements thermaux et les centres de convalescence. Dans les autres cas, les personnes atteintes avaient, dans leur grande majorité, voyagé et séjourné dans un hôtel ou un camping.

La légionellose et les voyages

Au niveau européen, la France participe au réseau EWGLI (European Working Group for Legionella Infections) qui regroupe 31 pays. Chaque pays signale aux autorités sanitaires, tout cas de légionellose survenu chez une personne ayant voyagé pendant les dix jours précédant le début de la maladie en précisant les lieux fréquentés (hôtels, campings…), ce qui permet de procéder à des visites d’inspection et de mettre en place les mesures de contrôle adaptées.

Lors de l’identification de cas groupés, un rapport indiquant que le risque de légionellose a été diminué dans l’établissement concerné doit être effectué dans un délai de six semaines. En l’absence de ce rapport, le nom de l’établissement est rendu public sur le site Internet Ewgli ainsi qu’auprès des agences de voyages qui peuvent, en conséquence, annuler les réservations. En effet, d’après une directive européenne (EC 90/314), les agences de voyages sont juridiquement responsables du séjour de leurs clients.

Une rançon du monde moderne

La surveillance d'une canalisation

La bactérie Legionella pneumophila colonise naturellement les cours d’eau, les lacs et les rivières, mais elle a trouvé un refuge idéal dans les canalisations qui sillonnent les villes, les immeubles ou les hôpitaux.

La transmission de la maladie à l’homme se fait par inhalation de gouttelettes d’eau contaminée, celles-ci devant être microscopiques (+ de 5 µm) pour que les légionelles arrivent au niveau des alvéoles pulmonaires. Ainsi, tout système qui génère des micro gouttelettes d’eau est susceptible d’être une source de contamination.
La réglementation en vigueur fixe à 1 000 ''unités formant colonie'' (UFC) par litre d’eau le seuil à partir duquel une désinfection doit être pratiquée.
Or, une enquête réalisée à Paris entre 1995 et 1999 a montré que 75% des prélèvements dépassaient très largement ce seuil.

La réponse du Dr Fabien Squinazi, directeur du Laboratoire d’Hygiène de la ville de Paris.

 

Pensez-vous que tout est mis en œuvre pour prévenir les risques de contamination bactérienne ?

Comment faire de la prévention ?

Ce sont les eaux stagnantes tièdes – entre 25 et 43°C – qui constituent l’habitat privilégié des légionelles (celles-ci sont détruites au-delà de 50°C). La mauvaise maintenance des installations favorise leur prolifération : les bactéries se nourrissent des métaux libérés par la corrosion. Pour se débarrasser de ces hôtes indésirables, il faut d’abord désinfecter les circuits avec des produits comme le chlore ou en produisant un choc thermique en élevant la température de l’eau à plus de 50°C.

Pour que la lutte contre les épidémies de légionellose soit efficace, encore faudrait-il qu'un véritable contrôle des tours aéroréfrigérantes soit effectué.
Si l'on en juge par les conclusions d'une étude de l'INVS (publiée dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire du 15 juillet 2003), on en est loin : “Malgré la diffusion de recommandations sur l'entretien des tours aéroréfrigérantes et en dépit des arrêtés préfectoraux, le recensement de ces tours n'est souvent complété qu'à l'occasion d'une épidémie, et ces tours sont insuffisamment entretenues, avec des problèmes récurrents de maintenance en amont.“

Quant à la protection individuelle au quotidien, il reste quelques gestes simples à connaître comme faire couler l’eau des robinets régulièrement, particulièrement en cas d’inutilisation prolongée et en été, ou maintenir l’eau des ballons d'eau chaude à une température supérieure à 50°C.

le 20/04/2004