Des cellules au service du coeur

En juin 2000, une équipe de médecins français réalisait pour la première fois une greffe de cellules dans le cœur d’un patient atteint d’une insuffisance cardiaque grave. Ces cellules avaient été prélevées dans la cuisse du malade. Fin 2002, un partenariat entre l'AP-HP de Paris et l'entreprise Genzyme prévoit des essais cliniques de phase II sur 300 personnes.

Par Isabelle Bousquet Maniguet, le 09/08/2002

La cuisse pour soigner le coeur

Parmi les 10 000 nouveaux cas d’insuffisance cardiaque grave qui se déclarent chaque année en France, seuls 300 peuvent bénéficier d’une transplantation du fait de la pénurie de greffons. D’où la recherche, depuis quelques années, de solutions alternatives.

Image comparative d'un cœur endommagé par un infarctus (zone rouge) et d'un cœur normal.

À la différence des autres muscles striés, le muscle cardiaque est incapable de se régénérer pour compenser la perte des cellules détruites car il est dépourvu de myoblastes, des cellules indifférenciées qui peuvent donner naissance à de nouveaux tissus musculaires, si besoin est. D’où l’idée d’aller chercher ces cellules dans la cuisse du malade et de les introduire dans la partie détruite de son cœur. Le premier patient à subir une telle opération était âgé de 72 ans. Son cœur avait été en partie détruit par plusieurs infarctus.

Les étapes de la greffe de cellules dans le cœur

Les médecins ont tout d’abord prélevé, sous anesthésie locale, un petit fragment de muscle dans la cuisse du patient. Puis la biopsie a été soumise à un traitement enzymatique qui a permis d’extraire les myoblastes. Ces cellules ont alors été mises en culture de manière à obtenir les huit cent millions nécessaires à la transplantation. Puis elles ont été injectées directement dans le cœur du patient (dans et autour des zones d’infarctus), à l’aide d’une micro-aiguille.

Quelques mois après l’intervention, le patient se portait bien et tous les examens témoignaient d’une reprise d’activité cardiaque dans la partie endommagée du myocarde. Depuis, neuf autres malades ont été opérés. Un essai clinique du même type, sauf que les cellules sont prélevées dans le biceps et non dans la cuisse, a également démarré aux États-Unis.

Réponse de Philippe Menasché, chirurgien cardiaque à l’hôpital Bichat (Paris), qui a dirigé ces travaux.

 

Un an et demi après, quel bilan peut-on faire de la greffe de cellules dans le cœur ?

La part de la greffe

La prochaine étape sera de tester l’efficacité réelle de la greffe de cellules.
Jusqu’à présent, la greffe a toujours été couplée à un pontage, le comité d’éthique estimant que l’on ne pouvait pas proposer une intervention chirurgicale uniquement pour injecter des cellules dont on ne savait pas quelle serait l’efficacité. Même si le pontage a toujours été fait dans un territoire différent de celui de la greffe, il est néanmoins difficile dans ces conditions d’interpréter l’amélioration clinique.
Pour établir la preuve de l’efficacité de la greffe de cellules, des essais de phase II ont débuté fin 2002 sur un échantillon de 300 malades. Certains d’entre eux ont subi uniquement un pontage alors que pour d’autres le pontage a été couplé à l’injection de cellules du muscle de la cuisse. La comparaison de leur état de santé devrait ainsi permettre d’évaluer l’efficacité clinique de la greffe.

Le sang ou la cuisse ?

Réponse de Philippe Menasché, chirurgien cardiaque à l’hôpital Bichat (Paris).

Que pensez-vous de l’essai réalisé avec les cellules souches de la moelle osseuse ?

En août 2001, une équipe allemande a fait beaucoup de bruit en annonçant avoir greffé avec succès dans le cœur d’un malade de 46 ans des cellules souches issues de sa propre moelle osseuse. Dix semaines après l’intervention, l’état du patient se serait nettement amélioré. Malgré tout, cette “première” reste extrêmement controversée.

Une alternative aux transplantations cardiaques ?

Basée sur l’autogreffe (le patient fournit lui-même le greffon), cette technique de thérapie cellulaire présente l’avantage d’éviter les problèmes classiques des greffes : pénurie d’organes, rejet du greffon, intolérance aux traitements anti-rejet. Si son succès se confirme, elle offrira alors une nouvelle approche pour le traitement des insuffisances cardiaques graves.

Réponse de Philippe Menasché, chirurgien cardiaque à l’hôpital Bichat (Paris).

 

Les greffes de cellules pourront-elles un jour remplacer les transplantations cardiaques ?

Isabelle Bousquet Maniguet le 09/08/2002