La méningite, toujours une urgence

Une nuque raide, des vomissements, une lumière qui devient insupportable et c’est la panique dans les écoles ou les crèches. À juste titre, la méningite terrifie parents et enseignants car le diagnostic et le traitement ne souffrent aucun retard. La maladie reste mortelle dans 10% des cas malgré une antibiothérapie adaptée. Pour la première fois en France, une campagne massive de vaccination a été engagée dans le Puy de Dôme qui a vu en une année quinze cas de la maladie se déclarer.

Par Isabelle Huau, le 07/02/2002

Une maladie qui touche les enfants

Pourquoi les jeunes sont-ils plus touchés par la méningite ? Dr Muhamed-Kheir Taha, Institut pasteur

En France, on dénombre chaque année environ 500 cas de méningites responsables d'une trentaine de décès :

  • 15 % moins de 1 an
  • 26 % de 1 à 4 ans
  • 12 % de 5 à 9 ans
  • 8 % de 10 à 14 ans
  • 15 % de 15 à 19 ans
  • 24 % 20 ans et plus

Source : DGS – dernière étude menée entre 1990 et 1999 sur 3301 cas déclarés

Des bactéries différentes

La méningite est une inflammation des membranes (méninges) qui enveloppent le cerveau et la moelle épinière. Elle peut avoir une origine soit virale soit bactérienne. La méningite virale est une forme relativement bénigne. Les patients guérissent en général spontanément.

Neisseria meningitidis, bactérie responsable de la méningite cérébrospinale.

En revanche, la méningite bactérienne est une infection grave qui touche essentiellement les enfants et les jeunes adultes. Elle survient, en général, du début de l’hiver au printemps.

Cette infection peut être causée par différentes bactéries parmi lesquelles :

  • Streptococcus pneumoniae (pneumocoque), qui est à l’origine d’environ 40% des méningites bactériennes. Lorsqu’une personne développe une infection méningée à pneumocoque, il n’y a pas de menace d’épidémie. Les souches invasives du pneumocoque qui provoquent la méningite se situant dans l’oreille moyenne – ce qui limite la transmission. Aucune mesure de prévention n’est prise dans l’entourage du patient.
  • Haemophilus influenzae b, qui touchait principalement les enfants, est devenue extrêmement rare depuis que la vaccination contre cette bactérie est mise en place chez les nourrissons.
  • Neisseria meningitidis (méningocoque) dont on dénombre plusieurs types différents (sérogroupes). Parmi ceux-ci, trois sont plus fréquents dans le monde : les sérogroupes A, B (le plus fréquent en France) et C.

Origine des méningites à méningocoques isolées de 1990 à 1999

  • Sérogroupe B : 67 % des cas
  • Sérogroupe C : 28 % des cas
  • Sérogroupe A : 2 %
  •  Sérogroupes rares (29E, X, Y, W135 et Z) : 3 %

Source : DGS

Au cours de ces dix années, le taux de mortalité a été de 11% et le taux de séquelles graves de 5%. Cependant, il est à noter que le nombre de cas dus au sérogroupe C est en augmentation en 2001 – 11 cas sur 15 cas déclarés dans le Puy de Dôme. On note également l’émergence du sérogroupe W135 en France et dans d'autres pays.

Des projections dangereuses

La transmission de la bactérie, quelle que soit la souche, est strictement humaine, les méningocoques n’ayant jamais été isolés en dehors de l’homme.

La bactérie, qui trouve refuge dans le fond de la gorge des malades ou des porteurs sains, se transmet via des postillons émis à moins d'un mètre de distance ou par contact direct avec la salive.

Dans la majorité des cas, lorsqu’une personne est contaminée, il y a une simple colonisation de la partie supérieure du pharynx. La personne devient alors ''porteur sain'' et peut le rester dans des périodes allant de quelques jours à quelques semaines, voire plusieurs mois. Dans une population, le taux de porteurs sains avoisine les 10% (il peut atteindre 50% lorsqu’il existe une grande promiscuité entre les personnes comme dans un internat par exemple).

Ce taux reste élevé comparé à la faible incidence de la maladie qui est de l’ordre de 1/100 000 habitants par an en France. Ce n’est donc qu’exceptionnellement que les bactéries vont envahir l’organisme.

Le mécanisme d’invasion n’est pas connu. Il est probable que certaines souches sont plus aptes que d’autres à provoquer une infection. Il est également probable qu’il existe une susceptibilité individuelle et des facteurs favorisants – notamment lorsque la personne est déjà atteinte d’une infection virale comme la grippe. Ce facteur explique la hâte de commencer la vaccination massive dans le Puy de Dôme avant l’arrivée de la grippe.

Une course de vitesse

Quelles sont les autres manifestations possibles ? Réponse de Muhamed-Kheir Taha, Institut Pasteur...

Les bactéries traversent la paroi du pharynx et envahissent le sang, provoquant une septicémie plus ou moins grave. Celle-ci peut être foudroyante.

Durant cette phase sanguine, des petites taches hémorragiques caractéristiques peuvent apparaître sous la peau. Les bactéries peuvent traverser la paroi qui sépare le sang des méninges et provoquer une méningite.

Quelle que soit la souche (A, B, C…), l’apparition de la maladie est brutale. Elle progresse rapidement et, en l'absence de traitement, elle est mortelle en 24 à 72 heures. La durée d’incubation varie de deux à dix jours (sept jours en moyenne).

Des lésions cérébrales graves peuvent survenir lorsque le traitement n'est pas immédiatement mis en œuvre. Suivant la fulgurance de la maladie et la vitesse avec laquelle le traitement a été institué, des séquelles graves peuvent demeurer, principalement au niveau de l’audition.

Entre 15 et 20% des personnes touchées souffrent de séquelles. Si elle n’est pas soignée, la méningite à méningocoques entraîne la mort dans 80% des cas. Les symptômes sont très évocateurs, mais des analyses du sang ou du liquide céphalorachidien (LCR) – liquide entourant le cerveau et la moelle – permettent de confirmer le diagnostic.

Durant la phase septicémique, les bactéries n’ayant pas encore colonisé le LCR – une hémoculture (ensemencement d’un milieu de culture avec le sang) pourra apporter les informations nécessaires.

Durant la phase méningée, une ponction lombaire lors de laquelle le médecin prélève du liquide céphalorachidien – permet d’étudier les modifications des caractéristiques dues à la bactérie (baisse des sucres, augmentation des protéines…) et d’isoler la bactérie ou de déceler ses traces (capsule, ADN…).

Traitement et prévention

Le traitement curatif repose sur l’administration par voie intraveineuse d’antibiotiques comme la ceftriaxone ou le céfotaxime.

Dès qu’un cas est identifié, des mesures préventives doivent être prises pour empêcher la propagation de cette maladie contagieuse : les personnes ayant été en contact proche et répété avec un malade sont systématiquement recherchées afin de bénéficier d’un traitement antibiotique préventif (par voie orale). Celui-ci doit être pris dans les plus brefs délais, autant que possible dans les 24 à 48 heures. Au-delà de dix jours après le dernier contact avec la personne contaminée, le traitement n’a plus lieu d’être effectué, compte tenu du délai d’incubation de la maladie.

Depuis dix ans, on a constaté que la prise d’antibiotiques en prévention est efficace puisque le nombre de cas secondaires avoisine les 2%. Cependant, il est important de ne pas faire une utilisation abusive de certains antibiotiques en prophylaxie, en particulier de la rifampicine, à cause de son rôle primordial dans le traitement de la tuberculose, afin de ne pas accélérer le phénomène de résistance aux antibiotiques.

La vaccination

Zone de résidence des personnes à vacciner.

La campagne de vaccination massive a un double objectif : réduire le risque de contracter une méningite à méningocoque au niveau individuel, et réduire la circulation de la souche du méningocoque, pour diminuer ainsi le risque d’apparition de nouveau cas.

Seuls des vaccins contre les méningocoques des groupes A, C, Y et W135 existent. Aucun n’a été trouvé contre ceux du groupe B (méningites les plus répandues en France, mais pas dans le Puy de Dôme en 2001).

Deux vaccins différents permettent de protéger les jeunes contre les méningites de type C. Dans le Puy de Dôme, c’est un vaccin qui vient d’être autorisé sur le marché français, le Menigitec qui a été choisi. C’est le seul vaccin à pouvoir être efficace chez les enfants à partir de 2 mois. Ce vaccin a déjà été utilisé massivement en Grande-Bretagne où les jeunes sont vaccinés de manière systématique depuis 1999. Le deuxième vaccin existant, fabriqué par le laboratoire Aventis Pasteur, protège contre les méningites A et C, mais ne peut être utilisé qu’à partir de 18 mois. Dans les deux cas, l’immunité s’acquiert en dix jours environ et persiste trois ans.

Une maladie sans frontières

Répartition mondiale de la méningite....

Les infections à méningocoques sévissent sur tous les continents. L’OMS estime à 300 000 le nombre de méningites survenant dans le monde chaque année et à 30 000 le nombre de jeunes personnes qui en meurent, principalement en Afrique intertropicale.

En Afrique, les épidémies reviennent de façon saisonnière, particulièrement durant la saison sèche (de décembre à juin). Elles donnent lieu à des situations d’urgence.

Ne pourrait-on pas épargner des vies en Afrique en vaccinant préventivement ? Dr Francis Varaine, MSF

Au Nord-Bénin par exemple, une vaccination préventive a été mise en place depuis la dernière épidémie, en 1989, ce qui a permis d’éviter une récidive semblable à celles observées dans les Etats voisins (Burkina Faso, Niger, Nigeria et Togo).

À Niamey, capitale du Niger, à la suite d’une politique active de vaccination menée entre 1980 et 1988, aucune épidémie sérieuse n’a été enregistrée jusqu’en 1995. La suspension de la vaccination, décidée pour des raisons budgétaires, s’est traduite en 1995 par une terrible épidémie : 43 200 cas déclarés.

Isabelle Huau le 07/02/2002