Le retour de la syphilis : gare au relâchement !

La syphilis réapparaît en Amérique du Nord, mais aussi dans des pays européens comme la France. Constatation inquiétante, car elle indique un relâchement dans la prévention des maladies sexuellement transmissibles et du sida.

Par Isabelle Huau, le 08/01/2004

Alerte en Amérique du Nord

Estimation du nombre de cas de syphilis dans le monde en 1999.

Fin 2003, un début d'épidémie apparaît sur la côte ouest du Canada, à Vancouver. 254 nouveaux cas y sont diagnostiqués entre le début de l'année et le 21 novembre, soit plus que le nombre de cas déclarés dans toute l'Amérique du nord pendant vingt ans.

A New-York aussi, la situation est inquiétante : le nombre de cas a été multiplié par trois entre fin 2000 et fin 2002.

Principales caractéristiques de la syphilis

Treponema pallidium

La syphilis est une MST due à une bactérie (Treponema pallidium) et dont les symptômes varient suivant le stade de l’infection. Elle est contagieuse à tous les stades de son évolution.

La syphilis primaire se manifeste par un chancre (ulcération de la peau et des muqueuses) – souvent indolore – qui apparaît au niveau des régions génitales, en moyenne trois semaines après la contamination. Celui-ci disparaît en l’espace de quelques semaines.

En l’absence de traitement, une éruption peut survenir au niveau du tronc, du visage, des mains, des plantes de pied accompagnée de fièvre ou de douleurs articulaires (syphilis secondaire). Ces symptômes disparaissent également en quelques semaines.

La maladie peut alors évoluer de façon silencieuse pendant plusieurs années et entraîner, à long terme, des complications sévères (manifestations neurologiques, cardio-vasculaires). Bien que les symptômes disparaissent tout seuls, la bactérie reste dans l’organisme si l’infection n’est pas traitée avec la pénicilline. Importée du Nouveau Monde par Christophe Colomb pour certains, mutation d’un germe préexistant pour d’autres, la syphilis fait des ravages dès le XVIe siècle en Europe, jusqu’à la découverte de la pénicilline dans les années 1940.

On suppose qu'au XIXe siècle, un Européen sur cinq en était atteint. Guy de Maupassant est sans doute le cas le plus célèbre, mais elle a décimé bien d’autres artistes : Flaubert, Verlaine, Baudelaire, Schubert, Van Gogh, Gauguin, Manet…

... et en France

Nombre de nouveaux cas de syphilis en France par an

En France, cette maladie était devenue rare, voire exceptionnelle, et ne faisait plus l’objet d’une déclaration obligatoire depuis juillet 2000.

Or, fin novembre 2000, le dispensaire antivénérien de l’hôpital Tarnier (Paris) signalait un nombre inhabituel de cas de syphilis en l’espace de six semaines (32 cas). Une enquête épidémiologique fut alors conduite, confirmant la recrudescence de la maladie.

Ce constat préoccupant a entraîné la mise en place d’un réseau national de surveillance épidémiologique de la syphilis ainsi que des actions d’alerte et de remobilisation des populations à risque et des médecins.

Sait-on bien soigner la syphilis ? Nicolas Dupin, Hôpital Tarnier-Cochin

Tout récemment, une enquete publiée dans le bulletin hebdomadaire épidémiologique du 13 janvier 2004 montre que l'augmentation du nombre de nouveaux cas de syphilis se poursuit en France : 401 nouveaux cas ont été enregistrés en 2002 contre 207 en 2001.

En France, les personnes touchées sont presque exclusivement des hommes homosexuels, d’un âge moyen de 35 ans. Plus de la moitié d’entre eux étaient séropositifs pour le virus du sida (VIH) et également la moitié avaient des antécédents de maladies sexuellement transmissibles (MST).

Dans les pays de l’Est, notamment en Russie, cette résurgence est plus ancienne. Elle n’est pas particulièrement liée au milieu homosexuel comme dans les autres pays mais touche davantage le milieu hétérosexuel de la prostitution.

Un relâchement de la prévention, inquiétant pour le sida également

Le nombre de cas peut sembler peu important, mais la réapparition de la syphilis est à rapprocher de la recrudescence d’autres MST déjà mises en évidence (depuis 1998 pour les gonococcies) et confirme le relâchement de la prévention, notamment chez les homosexuels.

Une enquête réalisée dans des établissements gays parisiens a montré un niveau de prise de risque élevé : 30% des personnes interrogées déclarent avoir des rapports non protégés par des préservatifs avec des partenaires occasionnels. Parmi les hommes séropositifs pour le VIH  fréquentent régulièrement les établissements gays, 70% d'entre eux affirment avoir des rapports non protégés avec des partenaires multiples.

L’optimisme face aux nouveaux traitements influence les comportements. Par ailleurs, il a été montré que les MST favorisaient la transmission du VIH en augmentant la charge virale dans le sang. Il est donc tout à fait possible que la réduction du risque de transmission engendrée par les traitements antirétroviraux qui diminuent la charge virale, soit en partie contrebalancée, voire annulée.

Isabelle Huau le 08/01/2004