Archéologie : 2000 fouilles d'urgence par an en France !

La recherche en archéologie est-elle favorisée ou défavorisée par les grands chantiers d’équipement ou de construction immobilière ? Depuis 2001, une loi protège des promoteurs les trésors du patrimoine archéologique tandis qu’un institut, l’INRAP, les fait sortir de l’enfouissement et de l’oubli.

Par Jacques Tarnero, le 17/06/2004

Aménager et préserver…

Qu’est ce que l'archéologie préventive ? Jean-Paul Demoule, président de l'Inrap

On aménage chaque année en France entre 60 000 et 70 000 hectares pour des autoroutes, des chantiers de construction, des lignes de TGV, des carrières. On trouve, en moyenne, dans un chantier sur quatre des vestiges archéologiques. Ces vestiges, s’il n’y avait pas l’archéologie dite préventive seraient détruits irrémédiablement.

Déblaiement de trois épaves

C’est au hasard des grands chantiers que les bulldozers exhument le passé. Ce qui, il y a vingt ans, pouvait être irrémédiablement perdu dans les chantiers du BTP peut aujourd’hui être sauvé et préservé. Les travaux d’aménagement permettent de découvrir de nouveaux sites archéologiques, sans qu’il soit toujours possible d’organiser des fouilles de manière systématique. Une partie des vestiges, dans une proportion inconnue, disparaît et les fouilles, soit 2000 chantiers par an, sont effectuées dans des conditions de relative urgence. Aujourd'hui, en France, la plupart des découvertes archéologiques sont faites au cours des grands chantiers d'aménagement ou simplement dues à des constructions privées mettant au jour les vestiges du passé.

Sous le parking, une barque...

Il y a donc bien un compromis permanent qu’il faut inventer entre deux logiques radicalement opposées : celle du développement économique et celle de la conservation du patrimoine. Pour un archéologue, l’idéal serait que tous ces sites soient préservés et puissent être fouillés dans les meilleures conditions possibles. Mais, l'archéologie préventive, selon ses défenseurs, peut aussi permettre un certain développement économique touristique autour des sites exhumés…

Jean-Paul Demoule (Inrap)

 

Quels sont les points essentiels de la loi de 2001 sur l’archéologie préventive ?

Un texte de loi difficile à mettre en oeuvre

Les bonnes intentions ne fabriquent pas forcément des textes de loi faciles à appliquer. L’idée de faire payer les dépenses du chantier de fouilles par l’aménageur ne pouvait se concrétiser que si l’aménageur disposait des moyens nécessaires.

Pour de petites communes le coût des fouilles est parfois supérieur au coût du chantier d’aménagement. La redevance « archéologie préventive » devient alors source d’un surcoût prohibitif pour des projets communaux. Le décret d’application de la loi de 2001, modifiée en 2003, prévoît que tout aménageur (que son terrain contienne ou non des vestiges), devra payer une taxe de 0,32 euro par mètre carré de terrain. Cette taxe dépasse les limites du chantier de fouilles. Elle finance à la fois les opérations de détection des vestiges éventuels et alimente un fond d’intervention pour aider les petits aménageurs à payer les fouilles archéologiques proprement dites si elles doivent avoir lieu.

Mais cette taxe est disproportionnée si l’aménageur réalise un petit équipement sur une très grande parcelle. En outre, elle est proportionnelle à la taille du terrain, mais pas du tout à la valeur économique réelle de l’aménagement projeté. Une modification du texte est envisagée pour mieux adapter le mode de calcul aux situations locales.

Exemples de chantiers de fouilles en France

Ensemble funéraire découvert dans les travaux d'une rocade à Béziers

A Béziers dans le chantier d’une rocade, c’est une nécropole vieille de 4 500 ans qui est mise au jour.

Il s'agit de toute une série de tombes, individuelles ou collectives, avec toute une série de rituels extrêmement complexes. Et ce, à un moment où en Europe on assiste à des nouveaux rituels dans les rites funéraires. C’est aussi le moment où on constate les premières traces de violences organisées, de guerre, d’inégalité sociale.

Mosaïque découverte sous les travaux d'un gymnase à Besançon

À Lyon dans le chantier d’un futur parking on trouve des barques romaines enfouies dans la vase.

Il s’agit de seize épaves de bateaux, dont huit d’époque romaine, certaines pratiquement entières, qui nous donnent des renseignements qu’on n’avait nulle part ailleurs en Europe. On connaissait les navires de mer mais pratiquement pas les bateaux fluviaux d’époque romaine. Ces barques se sont échouées dans le sable et ont été recouvertes par la vase, probablement à la suite d’une inondation catastrophique. On les a retrouvées avec une partie de leur chargement.

Jean-Paul Demoule (Inrap)

 Y a-t-il conflit fréquent entre les deux logiques diamétralement opposées :
celle de l’aménageur, du constructeur et celle de l’archéologue qui vient gêner les travaux du premier ?

Jacques Tarnero le 17/06/2004