Egyptologie : y a-t-il une chambre secrète dans la Grande Pyramide ?

Deux égyptologues français amateurs affirment avoir localisé une chambre inconnue dans la Grande Pyramide de Khéops, dans un ouvrage publié le 1er septembre, mais déjà fortement battue en brèche.

Par AFP, le 17/09/2004

Après dix-sept années de recherches

« La chambre de Chéops »

Dans “Chéops, la chambre secrète“, l'architecte Gilles Dormion, qui, pendant dix-sept ans, a mené ses recherches et déductions aux côtés de Jean-Yves Verd'hurt, avance que cet espace inviolé serait la chambre funéraire du pharaon (2560-2532 avant notre ère), dont la sépulture n'a jamais été retrouvée.

Gilles Dormion avait été autorisé une première fois, en 1986, à entreprendre une campagne de relevés par microgravimétrie dans Khéops. Puis en 1998, il avait été chargé, avec Verd'hurt, de superviser la ventilation de la Grande Pyramide. Si les deux hommes en ont établi des plans très précis, ils n'ont en revanche pu accéder à la fameuse chambre inconnue.

Trois chambres vides

Gilles Dormion et Jean-Yves Verd'hurt

Jusqu'à présent, il était établi que la Pyramide de Khéops, deuxième pharaon de la IVème dynastie, possédait trois chambres dans son massif de 147 m de haut, 230,34 m de côté, d'un volume de 2,34 millions de mètres cubes, pour une masse de 4,7 millions de tonnes. Les trois projets successifs de chambres funéraires ont été abandonnés l'un après l'autre.

Pour Dormion et Verd'hurt, “la préoccupation majeure des constructeurs des pyramides était que les chambres, qui devaient abriter la sépulture des pharaons, ne fussent pas écrasées sous le poids de la maçonnerie accumulée“.

Ainsi, après une première chambre souterraine, inachevée, à près de 30 m de profondeur dans le sous-sol, les bâtisseurs entreprirent de construire la chambre dite “de la Reine“, mais dont les “anomalies“, selon les deux chercheurs, indiquent qu'elle ne pouvait abriter la sépulture du pharaon.

Plan de la Grande Pyramide

Plus haut encore dans la construction se trouve la “Chambre du roi“, qui contient un sarcophage, “mais, en peu de temps, écrit Gilles Dormion, la charge initiale supportée par la structure de la chambre se trouve multipliée par deux. Son système de recouvrement ne le supporte pas, et c'est l'accident“. Toutes les poutres de granit formant le plafond de la chambre du Roi sont rompues. Ce ne sera donc pas là qu'il faudra déposer la dépouille du pharaon et le sarcophage ne serait, en quelque sorte, qu'un leurre.

Retour donc à la Chambre de la Reine, qui comporte une niche en encorbellement et un boyau de service, percé au sol de conduits qui, selon les égyptologues amateurs, permettraient de faire coulisser des herses en pierre jusqu'à un couloir souterrain qui, lui déboucherait sur la fameuse chambre inconnue, qui abriterait la sépulture de Khéops.

Vive polémique

La présence de ce couloir souterrain a été confirmée par des relevés pratiqués en 2000 à l'aide d'un radar géologique.

Zahi Hawass, secrétaire général du Conseil Suprême des Antiquités Egyptiennes.

Reste que l'hypothèse de la chambre inconnue de Khéops demande à être vérifiée in situ, ce qui nécessiterait l'autorisation du secrétaire général du Conseil Suprême des Antiquités Egyptiennes, Zahi Hawass, qui, pour l'instant, s'y est opposé, probablement excédé par les demandes de fouilles en tout genres, parfois les plus farfelues.

Nicolas Grimal, professeur au Collège de France, ancien directeur de l'Institut Français d'Archéologie Orientale (IFAO), au Caire, défend ardemment la cause des deux égyptologues amateurs, arguant qu'il s'agirait d'une découverte d'une autre ampleur que celle de la tombe de Toutankhamon. Pour Jean-Pierre Adam, architecte-archéologue au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), en revanche, “tout cela n'est que calembredaines et guignolades“.

La caution apportée par Nicolas Grimal est non vivement critiquée par l'égyptologue Jean Yoyotte, lui-même membre honoraire du Collège de France. “Je trouve invraisemblable qu'on ait introduit un contentieux entre cette institution et les autorités égyptiennes“, a-t-il déclaré le 29 août. Car la presse a en effet porté des critiques à peine voilées contre Zaki Hawas, parce qu'il n'avait pas autorisé Gilles Dormion à fouiller la Grande Pyramide.

M. Hawas a des raisons sérieuses de se méfier d'une théorie tellement aléatoire qu'on ne peut tout de même pas se mettre à démonter la pyramide pour la vérifier“, estime M. Yoyotte, qui évoque “l'aventure calamiteuse“ qui a été celle de Dormion et son associé, en 1986, au sein du monument.

Du sable en 1986, une chambre en 2000...

Jean-Pierre Adam, architecte-archéologue qui fait référence au CNRS, enfonce le clou. “En 1986, dit-il, les mêmes archéomanes annoncent avec solennité et fracas qu'ils ont découvert à Chéops la chambre secrète où se trouve la sépulture du roi, jusqu'ici jamais retrouvée, et qu'ils situent près de la Chambre dite du Roi. Des forages sont réalisés, mais dans les cavités annoncées on ne trouve que du sable. Alors, on «déménage» le roi et, en 2004, il réapparaît sous la Chambre de la Reine. Nous sommes la risée de nos collègues d'Italie et d'Allemagne.

Si Jean Yoyotte reconnaît aux “découvreurs“ un “bon sens de l'observation, qui leur a permis de détecter avec un géoradar une cavité dans la pyramide de Meidoum“, il estime “bien faible“ la théorie selon laquelle une cavité au sein de Chéops abriterait forcément la sépulture de ce roi. “On est loin de connaître l'emplacement des tombes de tous les rois d'Egypte. Seules deux ont été trouvées inviolées, dont celle de Toutankhamon“.

Trop d'incertitudes ?

Pour Jean-Pierre Adam, “la démarche de Dormion et Verd'hurt se situe en dehors de toute problématique scientifique. Ils disent : « on n'a jamais retrouvé la momie de Chéops, donc elle se trouve dans la Grande Pyramide, et comme elle ne se trouve dans aucune des trois pièces vides, c'est qu'il existe une chambre inconnue ; et, comme le dallage de la chambre de la Reine est irrégulier, c'est qu'il bouche un conduit menant à une chambre secrète ; et, comme un passage a été creusé à la pioche par des pillards, ils parlent de galerie de service »“.

Alors, poursuit Jean-Pierre Adam, je trouve indécent qu'on exerce des pressions à forts relents colonialistes contre M. Hawas. Il a parfaitement le droit, sans fournir de justification, de refuser à des gens qui n'appartiennent pas à une institution scientifique de se livrer à des investigations complètement infantiles“. M. Yoyotte, quant à lui, “redoute que des pressions de ce genre ne conduisent à des répercussions négatives sur les accords d'autorisation de fouilles françaises en Egypte. Ce serait, ajoute-t-il, un désastre“.

AFP le 17/09/2004