Prix Nobel 2004 : des quarks, du nez et le baiser de la mort

En physique, médecine et chimie, l’Académie royale des sciences de Suède et l’Institut Karolinska ont choisi de récompenser des chercheurs – principalement américains – pour leurs travaux sur les particules élémentaires, l’odorat et les processus de destruction des protéines.

Par Juliette Delmas, le 11/10/2004

Libre comme un quark

David J. Gross

Le prestigieux prix Nobel de physique a été attribué cette année à David J. Gross (Kavli Institute for Theoretical Physics, Université de Californie), David Politzer (California Institute of Technology) et Franck Wilczeck (Massachusetts Institute of Technology). Ce prix récompense leurs travaux menés en 1973 à l’Université de Californie sur la « liberté asymptotique » des quarks.

Les quarks sont des particules élémentaires, qui tout comme les leptons, sont les constituants de particules plus grosses : neutrons, protons... La théorie des quarks a été énoncée pour la première fois en 1964 par les physiciens Murray Gell-Mann (prix Nobel de physique en 1969) et George Zweig, suite à des expériences menées dans des accélérateurs de particules qui ont permis de détecter les quarks. En 1995, le Fermilab (Fermi National Accelerator Laboratory) a permis de détecter le sixième quark, le quark top.

David Politzer et Frank Wilczek

Les quarks sont liés entre eux par quatre types d’interaction. L’interaction gravitationnelle (qui joue un rôle important à l’échelle macroscopique), l’interaction électromagnétique, l’interaction nucléaire faible (radioactivité naturelle) et l’interaction nucléaire forte. C’est cette dernière interaction que Gross, Politzer et Wilczeck ont su expliquer grâce à leur théorie de la « liberté asymptotique ». La « liberté asymptotique » correspond au moment où la liaison entre les particules élémentaires est la plus faible c’est-à-dire, paradoxalement, quand la distance entre deux particules est minimale.



Que fait un physicien des particules ?


Voir notre reportage à Hambourg,
dans l’accélérateur de particules HERA,
réalisé par Jean-Marc Serelle (1995).

(Durée : 14’)

Les secrets de notre odorat enfin mis au jour ?

Linda B. Buck

L’Institut suédois Karolinska a choisi cette année, de décerner le prix Nobel de médecine et de physiologie aux deux chercheurs américains, Richard Axel (Institut médical Howard Hughes de l’Université Columbia à New-York) et Linda Buck (Fred Hutchinson Cancer Research Center, à Seattle), pour leurs travaux sur le fonctionnement du système olfactif, qui restait jusqu’à présent l’organe sensoriel le moins étudié.

Les récepteurs olfactifs, situés sur les cellules de l’épithélium nasal (tissu cellulaire situé dans le nez), permettent de détecter différentes molécules chimiques. Une fois l’odeur détectée, le système nerveux transmet l’information jusqu’au cerveau qui analyse et combine les informations transmises par les différents récepteurs afin de reconstituer l’odeur.

Richard Axel

Richard Axel et Linda Buck ont découvert, grâce à des études physiologiques et génétiques, une famille de près de mille gènes, soit 3% de la totalité de nos gènes, codant presque autant de récepteurs olfactifs. Chaque récepteur permet de détecter plusieurs molécules différentes qui composent la large palette des odeurs.

Richard Axel et Linda Buck ont commencé leurs travaux dans les années 80 et ont publié un premier article sur ce sujet en 1991. A l’époque, leur étude portait sur le système olfactif des souris, lequel est légèrement plus développé que le notre. Cette découverte, qui n’a pour le moment pas de retombée médicale, permet néanmoins de mieux comprendre les mécanismes de reconnaissance des odeurs et notamment la perception des phéromones (par des récepteurs olfactifs spécifiques) qui sont à l’origine de nombreux comportements (sexuels, sociaux…) dans le règne animal.

Hervé This, physico-chimiste à l'INRA





Le commentaire d'Hervé This, physico-chimiste à l'INRA,
sur la découverte de Linda Buck et Richard Axel

hervé this, physico-chimiste à l'INRA


Aujourd'hui, quelles sont les suites de ces recherches
menées au début des années 90?

Le « baiser de la mort »

Aaron Ciechanover,Avram Hershko et Irwin Rose

Cette année, ce sont les chercheurs israéliens, Aaron Ciechanover, Avram Hershko et, l’Américain Irwin Rose qui se sont vus décerner le prix Nobel de chimie par les membres de l’Académie royale des sciences de Suède. Tous trois sont récompensés pour leurs travaux sur le rôle de l’ubiquitine dans les processus de dégradation des protéines intracellulaires.

L’ubiquitine, une protéine constituée d’une chaîne de soixante seize acides aminés, se fixe sur les protéines anormales ou inutiles qui seront ensuite dégradées par un enzyme, le protéasome. Ce mécanisme, surnommé le « baiser de la mort », est indispensable pour limiter le développement dans la cellule, de protéines porteuses de mutations. Par leurs travaux, les chercheurs ont permis de mieux comprendre les mécanismes de fonctionnement du système immunitaire au sein de la cellule.

Juliette Delmas le 11/10/2004