Les larmes des femmes parlent-elles ?

Les larmes des femmes auraient un pouvoir : elles transmettraient un signal chimique qui réduirait l'attirance sexuelle des hommes pour les femmes. C'est en tout cas ce que suggère une équipe israélienne.

Par Viviane Thivent, le 06/01/2011

Des souris et des pleurs

« Il y a des mots qui pleurent et des larmes qui parlent. » En couchant cette phrase sur le papier, Abraham Cowley, poète anglais du XVIIe, pouvait-il imaginer que, quatre siècles plus tard, une équipe de chercheurs israéliens allait donner une assise scientifique à son envolée lyrique ? Car les larmes, du moins celles produites par les femmes en proie à une émotion, seraient capables d'envoyer un signal chimique (S. Gelstein et al., Sciencexpress, 6 janvier 2011).

A l'instar de celles des souris... En effet, entre 2005 et 2007, plusieurs équipes ont montré que lorsque les souris pleurent (car elles pleurent), elles communiquent : leur liquide lacrymal contient une phéromone qui, chez elles, aurait des vertus aphrodisiaques. Se pourrait-il alors que comme les souris, les humains puissent communiquer par larmes interposées ?

Madeleines expérimentales

Les larmes prélevées sur les femmes

Pour répondre à cette épineuse question, les chercheurs ont procédé en plusieurs étapes. D'abord, il leur a fallu choisir des larmes adéquates. Car, en matière de pleurs humains, toutes les larmes ne se valent pas : des analyses effectuées en 1981 ont montré que, d'un point de vue chimique, les larmes servant à lubrifier l'œil différaient de celles produites sous le coup d'une émotion comme la tristesse. Partant de ce constat, les chercheurs ont porté leur dévolu sur des larmes « d'émotion », estimant que si communication chimique il y avait, celle-ci devait plus probablement se dérouler lors d'effusions émotionnelles puisqu'elles servent déjà de signal visuel. Logique mais problématique. Car comment récolter ce genre de larmes en restant éthiquement irréprochable ?

Simple : il n'y a qu'à placer les volontaires devant la télé et un bon vieux mélodrame. En l'occurrence, un film américain de 1979, Le Champion. L'effet est assuré, en tout cas sur les femmes dont certaines, de vraies madeleines, sont parvenues à abreuver de leurs larmes l'intégralité des expériences. Le bilan a été, en revanche, plus mitigé côté hommes qui, pour cause de sécheresse lacrymale – « d'origine culturelle » indiquent les chercheurs –, n'ont tout simplement pas été retenus comme donneurs de larmes. Cette limite explique d'ailleurs que l'étude se cantonne à l'impact des larmes féminines... sur la gente masculine. La chose entendue, l'expérience à proprement parler a pu débuter.

Renifle et dis-moi

Sur ce patch, se trouve soit des larmes de femmes, soit une solution saline...

Les chercheurs ont commencé par faire renifler, à des hommes donc, deux flacons, l'un contenant des larmes fraîches, l'autre une solution saline ayant perlé sur les joues des donneuses de larmes. Aucune différence n'a été perçu par les volontaires. Ce préambule effectué, les chercheurs ont placé un patch imbibé, soit de larmes, soit de solution saline, sous les narines des hommes. Puis ils leur ont montré une série de moues féminines, plus ou moins jolies, ou plus moins tristes. Résultat : si les larmes ne changent rien au degré d'empathie éprouvé par les cobayes, elles modifient l'attraction sexuelle ressentie à l'égard des femmes. Globalement, les hommes trouvent les femmes moins attirantes lorsqu'ils sont sous le joug des larmes. De plus, les taux de testostérone salivaire, mesurés avant, pendant et après l'expérience, sont aussi plus faibles lorsque les hommes respirent de vrais pleurs.

Ainsi donc, il y aurait quelque chose, dans les larmes des femmes, qui serait capable d'attendrir les hommes. Car en diminuant l'attraction sexuelle et le taux de testostérone – l'hormone de l'agressivité par excellence – , les larmes favoriseraient la survenue de comportements tendres et réconfortants. Reste maintenant à identifier la molécule responsable de cette communication chimique et à vérifier si les larmes masculines ont le même effet sur les femmes. Ou un pouvoir différent... Car, chez les souris, ce sont les larmes des mâles qui ont un pouvoir aphrodisiaque sur les femelles !

Viviane Thivent le 06/01/2011