Métallurgie : une science en chute libre ?

Les Académies des sciences et des technologies publient un rapport alarmiste sur l'état des recherches dans le secteur de la métallurgie en France.

Par Romain Lejeune, le 26/01/2011

Une science à part entière

Cuve en Invar d'un méthanier

Le 20 janvier, l'Académie des sciences et l'Académie des technologies ont présenté un rapport intitulé « La métallurgie, science et ingénierie ». Pour Alain Carpentier, président de l'Académie des sciences, « l'objectif est d'attirer l'attention des pouvoirs publics sur la situation dramatique de la métallurgie en France ». Si au début du XXe siècle, métallurgie rimait avec fonderie, un siècle plus tard, la discipline a un autre visage.

En effet, alliages spéciaux pour l'aéronautique, le bâtiment, l'automobile ou le nucléaire sont régulièrement élaborés et ce, à partir d'acier, aluminium, titane, inox ou cuivre. Autant d'éléments permettant de transformer les métaux, améliorer les composants électriques et électroniques, développer les biens d'équipement ainsi que ceux de consommation (industrie automobile, équipements du foyer). « Le savoir lié à l'extraction, l'élaboration et l'utilisation des métaux a toujours été, demeure et restera d'importance vitale », notent les rapporteurs. Chimie, physique, mécanique... ont été sollicitées pour mener à bien les évolutions technologiques et contribuer à l'émergence des métiers spécifiques autour de la filière des métaux.

Des centres de recherches spécialisés

L'évolution du secteur de la métallurgie, par Yves Bréchet

Le développement de l'activité dans les pays émergents (notamment Chine, Inde, Brésil), mais aussi dans les pays développés s'accompagne d'implantations industrielles et d'équipes de recherches scientifiques. À Gandrange, Arcelor Mittal dispose d'un laboratoire pour les aciers longs « légers ». Effectif : 38 personnes dont 19 ingénieurs. Le groupe aéronautique EADS dispose de sept centres d'innovation sur les sites de Suresnes en France et d'Ottobrunn en Allemagne : matériaux légers, concepts de matériaux à hautes performances, technologies de fabrication avancées et revêtements de surfaces, sont autant de travaux de recherches réalisés par les ingénieurs de l'entreprise. Autre exemple, les gazoducs.

Les besoins croissants en approvisionnement en gaz naturel motivent le développement de plusieurs projets de gazoducs transcontinentaux. Ces grands chantiers passent par le développement d'aciers à haute limite d'élasticité permettant d'augmenter la vitesse de transmission du gaz. En plus de leur résistance mécanique élevée, ces aciers doivent également permettre de stopper d'éventuelles propagations de gaz issues de fissures. De par ces travaux, la métallurgie constitue une discipline propre, distincte des trois sciences avec lesquelles elle interfère : la mécanique, la physique et la chimie de l'état solide.

 

Un secteur en crise

Soudage par friction-malaxage

Cependant, depuis quinze ans, un tiers des chercheurs français a quitté la profession. Selon l'Association pour l'emploi des cadres (Apec), en 2007 et 2008, ce secteur a recruté environ 4 800 cadres (cadres techniques, ingénieurs, gestionnaires et universitaires) dont 960 jeunes diplômés, 800 cadres pour les recherches scientifiques, ainsi que 1 400 pour la production. Ce faible niveau de recrutement s'explique par l'image vieillissante du métier qui n'attire plus les jeunes diplômés.

Une image qui n'est pas contrariée par les grandes écoles. « Il est devenu courant qu'un ingénieur diplômé d'une grande école d'ingénieurs n'ait jamais entendu parler de matériaux ! », rappelle Yves Bréchet, professeur à l'Institut national polytechnique de Grenoble. « Entre les écoles où la science des matériaux n'a jamais été implantée et celles où elle a partiellement, voire totalement, disparu, la situation n'est pas brillante. » En 2007, l'industrie métallurgique française représentait 1 800 000 salariés pour 45 000 entreprises, soit pratiquement 1 million de salariés de moins qu'en 1980. Dans ce secteur de la recherche où l'innovation est quasi obligatoire, l'enjeu pour l'emploi est immense.

Romain Lejeune le 26/01/2011