La physique du bol chantant tibétain

Frottez un bol chantant tibétain gorgé d'eau et vous observerez qu'en son sein, des myriades de petites gouttes se mettront à danser. Deux scientifiques viennent d'expliquer ce phénomène.

Par Viviane Thivent, le 15/02/2011

Apparus il y a 2 500 ans dans l'Himalaya, les bols chantants tibétains sont des cloches métalliques que l'on frappe ou que l'on frotte lors de séances de méditation, d'harmonisation des chakras ou de soin par le son. Ils peuvent être utilisés vides ou gorgés d'eau et quand tel est le cas et qu'on les fait chanter, il se produit un étrange phénomène : à l'intérieur du bol, une multitude de petites gouttes se mettent à léviter sans que l'on sache vraiment pourquoi.

Il n'en fallait pas moins pour aiguiser la curiosité de deux chercheurs, l'un travaillant à l'université de Liège, en Belgique, l'autre au Massachusetts Institute of Technology (MIT), aux États-Unis. Déterminés à lever le voile sur ce mystère, les deux scientifiques ont commencé par se procurer un bol de manufacture récente. Las, les bols chantants ne sont plus ce qu'ils étaient. « Cela ne marchait pas vraiment... il était très difficile d'obtenir des gouttes en lévitation», explique Denis Terwagne, l'un des co-auteurs de l'étude (D. Terwagne & J. Bush, ArXiv. 15 octobre 2010).

Mais leur désarroi ne fut que de courte durée : un institut belge de soin par le son a fini par leur prêter un bol chantant tibétain vieux de 200 ans. Un bol, fonctionnel celui-ci, qu'ils ont rempli d'eau, puis frappé, frotté jusqu'à connaître le mode de déformation et la plus basse des fréquences sonores émises, la fréquence fondamentale. Ils ont ainsi montré que le bol vibrait grâce à une déformation horizontale et que sa fréquence fondamentale était de 188 Hz.

Bol en résonance

Forts de ces résultats, ils ont placé le bol chantant près d'un haut-parleur diffusant la fréquence fondamentale, un son de 188 Hz donc. En réaction, le bol est entré en résonance, ce qui signifie qu'il a commencé à se déformer et à engendrer de minuscules vagues à la surface de l'eau. A partir de là, les chercheurs ont progressivement augmenté le volume sonore. Les vagues sont devenues de plus en plus hautes jusqu'à un seuil au-delà duquel le sommet des vagues a commencé à se détacher du reste du liquide, formant une nuée de petites gouttes au diamètre identique et proportionnel à la fréquence fondamentale. « Ce genre de phénomène était déjà connu pour des déformations verticales mais c'est la première fois qu'on l'observe avec des vibrations horizontales », précise Denis Terwagne.

Pour la petite histoire, d'après les chercheurs, il est possible d'observer un phénomène similaire en frottant un verre de vin. Mais obtenir la lévitation de gouttelettes est néanmoins plus difficile vu que la fréquence fondamentale du verre à ballon est plus haute et que le volume sonore à atteindre est plus élevé. Si vous ne saviez pas quoi faire de vos dernières soirées d'hiver...

Viviane Thivent le 15/02/2011