Chamboulement quantique : le proton plus petit que prévu

Le proton, l'un des constituants de la matière, serait plus petit que ce que l'on pensait jusqu'à présent. Ce résultat obtenu de manière expérimentale pourrait remettre en cause certaines prédictions de l'électrodynamique quantique, l'une des théories fondamentales de la physique quantique.

Par Paloma Bertrand, le 12/07/2010

Protons, neutrons et électrons

Les noyaux des atomes sont constitués de protons et de neutrons. Autour de ces noyaux, gravitent les électrons. Ces trois éléments (protons, neutrons et électrons) constituent pratiquement toute la matière. Alors que l'électron est considéré comme une particule « sans taille », le proton, qui est constitué de quarks, est un objet « étendu ». Jusqu'à présent, la valeur du rayon du proton utilisée par les physiciens était de 0,877 femtomètre (un femtomètre = 10-15 mètre).

Une divergence inattendue

Une partie du laser utilisé pour l'expérience

Trente-deux scientifiques internationaux (Randolph Pohl et al.) viennent de publier dans la revue Nature du 8 juillet, un résultat qui ne concorde pas avec cette estimation. Leur conclusion aboutit à un rayon de 0,8418 femtomètre, une différence « beaucoup trop importante » selon eux pour qu'elle puisse être imputée à des imprécisions dans les mesures.

Ce résultat obtenu de manière expérimentale, grâce à un laser infrarouge spécialement conçu pour l'occasion, est une surprise, comme le souligne Paul Indelicato, directeur du laboratoire Kastler Brossel (LKB), un laboratoire français impliqué dans la conception du laser : « Nous n'avions pas envisagé qu'il puisse y avoir de telles divergences entre les valeurs connues et nos mesures. »

Un « hydrogène muonique » pour plus de précision

Pour déterminer le rayon du proton, les physiciens ont utilisé un atome d'hydrogène, l'atome le plus simple de l'Univers puisque constitué d'un seul proton et d'un seul électron. Sauf qu'il a été au préalable modifié et transformé en « hydrogène muonique » : l'électron a été remplacé par un muon, une particule chargée négativement, comme l'électron, mais qui a la particularité d'être 200 fois plus lourde que l'électron. Conséquence : le muon va tourner 200 fois plus près du proton, ce qui va permettre d'accroître la précision de la mesure (0,1% de précision avec le muon contre environ 1% de précision pour les mesures précédentes qui faisaient appel à l'électron).

Le temps imparti pour la mesure est infinitésimal : moins de 2 millionièmes de seconde car, passé ce délai, le muon se désintègre. Les tirs laser nécessaires à l'opération ont été déclenchés très rapidement (dans un temps d'environ 1 millionième de seconde).

Le dispositif technique installé en Suisse

Vue d'ensemble du dispositif installé dans l'accélérateur de l'Institut Paul-Scherrer en Suisse. Deux jours après la fin de la prise de données, le dispositif était démonté... pour laisser très rapidement place à d'autres expériences.

Les enjeux de ce résultat

La couverture du 8 juillet 2010

L'écart entre la taille jusque-là supposée du proton et celle qui vient d'être établie pourrait remettre en cause la théorie de l'électrodynamique quantique, qui est l'une des clés de voûte de la physique actuelle, ou conduire à réviser la valeur de certaines constantes physiques (comme la constante de Rydberg).

La nouvelle est telle dans le landerneau des physiciens que la revue Nature lui a consacré sa couverture, avant même que le résultat ne soit confirmé par d'autres expériences (sur des atomes d'hélium ou de deutérium muoniques, par exemple). Des expériences qui attendent encore d'être programm

Paloma Bertrand le 12/07/2010