Quand la pression sociale crée de faux souvenirs

Les souvenirs ne sont pas de marbre. Ils peuvent être remodelés inconsciemment au fil du temps... ou de la conversation. Une équipe anglo-israélienne explique les raisons de ce phénomène.

Par Viviane Thivent, le 07/07/2011

Avec l’été, arrivent les repas entre amis et le sempiternel récit de vos exploits d'antan. Sauf que parfois, entre vos souvenirs et ceux de vos compères, il y a un gap. Par exemple, d’après vous, le gâteau que vous aviez, par inadvertance, laissé tomber du troisième étage d’un immeuble n’était pas aux poires mais au chocolat. Face aux certitudes des autres, néanmoins, vous vous rangez à la majorité. Dorénavant, dans votre tête et dans vos récits, le gâteau sera aux poires. Et peu importe que vous ignoriez tout de la recette de ce dessert. Sous la pression sociale, vous vous êtes créé un faux souvenir.

Ce phénomène assez fréquent vient d’être étudié par une équipe anglo-israélienne qui publie ses résultats le 1er juillet dans la revue Science. Les chercheurs ont commencé par montrer un film à plusieurs groupes d’individus. Trois jours plus tard, ils les font revenir pour remplir un questionnaire très détaillé sur le film.

Plus tard encore, ils leur ont mis sous les yeux les réponses données par les autres individus ayant visionné le film en même temps qu’eux. Suite à quoi, ils leur ont demandé de remplir à nouveau le questionnaire. Et là, surprise, dans 70% des cas, les individus se conforment à l’avis du groupe, quitte à donner des réponses incorrectes.

Mais ce n’est pas tout. Les chercheurs ont fait revenir une troisième fois les sujets. Après leur avoir expliqué que les soi-disant réponses du groupe avaient été générées par ordinateur et qu’en conséquence, elles étaient fausses, ils leur ont demandé de remplir une dernière fois le questionnaire. Résultat : sur ce dernier test, plus de la moitié des réponses sont restées fausses. Les individus ont enregistré un faux souvenir lors de la précédente session.

La faute à l’action conjointe de l’amygdale cérébrale, impliquée dans l’émotion, et de l’hippocampe, impliquée dans la mémoire à long terme. En suivant, par IRM fonctionnelle, l'activité cérébrale des participants tout au long de l'expérience, les chercheurs ont pu montrer qu'en cas de pression sociale, l’amygdale s’active et se connecte à l’hippocampe qui enregistre le faux souvenir dans la mémoire à long terme. Et voilà comment on change le chocolat en poire !

Viviane Thivent le 07/07/2011