Cure de jouvence pour cellules centenaires

L’incroyable odyssée ouverte en 2007 par l’équipe japonaise du professeur Yamanaka vient de franchir une nouvelle étape : des chercheurs français ont réussi à transformer des cellules de centenaires en jeunes cellules souches capables de se multiplier et de se différencier.

Par Paloma Bertrand, le 08/11/2011

Depuis 2007, de nombreuses équipes dans le monde s’efforcent de trouver la recette idéale pour transformer des cellules adultes en cellules souches (Reprogrammation cellulaire : enquête sur une révolution scientifique), c’est-à-dire d’identifier le cocktail de gènes permettant de faire revenir n’importe quelle cellule du corps humain à un état initial de son développement, très proche de celui des cellules souches embryonnaires. N’importe quelle cellule du corps humain ou presque car, jusqu’à présent, toutes les recettes appliquées à des cellules arrivées au stade ultime de leur vieillissement avaient échoué.

Télomères et vieillissement cellulaire

Dans une cellule, les télomères placés à l’extrémité des chromosomes garantissent la reproduction correcte de l’ADN lors de la division cellulaire. Mais à chaque division, ces télomères s’usent et perdent de leur longueur. Lorsqu’ils sont trop « endommagés », la division cellulaire s’arrête et la cellule entre alors dans un état dit de sénescence.

Reprogrammation de cellules sénescentes âgées

L’équipe « Plasticité génomique et Vieillissement » de l’Inserm, dirigée par Jean-Marc Lemaître, vient de réussir cet exploit avec des cellules de peau prélevées sur des donneurs âgés de 74 à 101 ans (Genes & Development, 7 novembre 2011). Ils ont obtenu des cellules pluripotentes capables de se multiplier et de se différencier en différents tissus cellulaires. Pour arriver à ce résultat, les chercheurs ont introduit deux nouveaux gènes aux quatre gènes habituellement utilisés. Une recette qui, pour Jean-Marc Lemaître, est très prometteuse : « Les cellules que nous avons obtenues sont fonctionnelles, elles ont une capacité de prolifération et une longévité accrues et n’ont gardé aucun stigmate de leur grand âge. »

Si la recette paraît bonne, personne n’est encore prêt à manger le gâteau. Car ces cellules génétiquement reprogrammées, qu’elles soient au départ jeunes ou vieilles, restent cantonnées à la boîte de Petri. Les obstacles sont encore nombreux avant que l’on puisse imaginer réintroduire ces cellules dans un corps humain pour un éventuel traitement, point de départ d’une médecine dite « régénérative ». La technique est en effet peu efficace : un grand nombre de cellules sont nécessaires pour obtenir quelques colonies de cellules pluripotentes ; l’élimination du vecteur utilisé pour transporter les gènes dans les cellules (ici, un lentivirus) pose parfois un problème ; les taux d’anomalies cellulaires sont encore élevés et, comme l’ont montré des tests sur des souris, les risques de cancer ne sont pas à écarter.

Pour les chercheurs, la prochaine étape est de tester le comportement de ces cellules rajeunies lorsqu’elles seront plongées dans un environnement tissulaire âgé. Vont-elles rajeunir le tissu cellulaire ? Vont-elles être rejetées ou freinées dans leur prolifération ? Par ailleurs, en appliquant cette technique à des cellules de patients atteints de vieillissement précoce (syndrome de Werner, de Bloom, de Rothmund…), les chercheurs vont pouvoir observer l’expression de ces maladies au tout début de la différenciation cellulaire et peut-être mieux comprendre les dysfonctionnements impliqués dans ce type de pathologie.

Paloma Bertrand le 08/11/2011