Avortements dans le monde : une grossesse sur cinq

En collaboration avec l’OMS, une équipe américaine publie et analyse les derniers chiffres sur l’avortement dans le monde.

Par Paloma Bertrand, le 01/02/2012

Une stabilisation mondiale de l’avortement

Chaque année, 360 000 femmes meurent suite à des complications liées à la grossesse et à l’accouchement et environ 13% de ces décès sont imputables à des avortements pratiqués dans de mauvaises conditions. En 2008, 8,5 millions de femmes ont souffert de complications suite à un avortement clandestin et 3 millions d’entre elles n’ont reçu aucun soin. Or, améliorer la santé des mères figure parmi les huit objectifs du millénaire signés en 2000 par les pays membres de l’ONU et c’est à ce titre que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) surveille depuis 1995 l’évolution des chiffres sur l’avortement dans le monde.

Après deux publications, l’une en 1995 et l’autre en 2003, les chiffres de 2008 viennent d’être publiés dans le magazine médical The Lancet, avec un focus particulier sur ce que l’OMS qualifie d’avortement dangereux ou à risque (« unsafe abortion »), c’est-à-dire pratiqué par des personnes incompétentes et/ou dans un environnement médical inadéquat.

Le taux d’avortement dans le monde qui avait nettement baissé, en chutant de 35‰ à 29‰ entre 1995 et 2005, s’est stabilisé depuis cette date. Une tendance (mesurée en nombre d’avortements pour 1000 femmes de 15 à 44 ans) qui concerne tous les continents de la planète. Au total, en 2008, 43,8 millions d’avortements ont été pratiqués, soit une grossesse sur cinq.

Une forte disparité régionale

Les chiffres de l'avortement dans le monde

Au-delà de cette tendance générale à la stagnation, les disparités existent selon les continents. Les régions classées comme « développées » par l’ONU – l’Europe, l’Amérique du Nord, le Japon, l’Australie et la Nouvelle-Zélande – avoisinent en 2008 un taux de 17‰ et les autres pays dits « en développement » ont une moyenne de 29‰.

L’Europe détient à elle seule deux records extrêmes : celui du plus faible taux mondial d’avortement avec 12‰ en Europe de l’Ouest (France, Belgique, Pays-Bas, Allemagne, Suisse, Autriche) et du plus élevé avec 43‰ en Europe de l’Est. Une Europe de l’Est qui fait figure d’ovni avec un taux d’avortement qui était en 1995 de 90 ‰, soit trois fois plus que la moyenne mondiale. Dans ces républiques ex-soviétiques, les méthodes contraceptives modernes, comme la pilule et le stérilet, ont longtemps été peu accessibles et regardées avec suspicion par la population et le milieu médical. L’avortement s’imposant alors comme le dernier recours pour réguler les naissances dans des familles au nombre d’enfants de plus en plus réduit. Si depuis les années 90, le taux d’avortement a diminué de moitié, il reste toujours le plus élevé de la planète.

Un taux plus important dans les pays en développement

L’Amérique latine, l’Afrique et l’Asie connaissent une situation stationnaire depuis 2003 avec respectivement des taux de 32‰, 29‰ et 28‰. Alors que l’Amérique latine réunit des pays où la législation est la plus stricte en matière d’avortement, c’est elle qui occupe la seconde place après l’Europe de l’Est. Les auteurs* de l’étude soulignent d’ailleurs que les pays qui ont légalisé l’interruption volontaire de grossesse sont ceux qui connaissent les plus faibles taux alors que les régions où l’avortement est interdit enregistrent les taux les plus élevés. Et de citer en exemple l’Afrique du Sud qui, après avoir libéralisé l’avortement, a vu son taux chuté de 24‰ à 15‰ entre 2003 et 2008.

* Equipe dirigée par Gilda Sedgh du Guttmacher Institute, New-York.

Une hausse des avortements à risque

L’illégalité de l’avortement qui va souvent de pair avec un accès limité à la contraception conduirait davantage de femmes vers un avortement à risque. Ainsi, 97% des avortements réalisés en Afrique et 95% de ceux pratiqués en Amérique latine entreraient, selon le classement de l’OMS, dans la catégorie des avortements pouvant mettre en péril la santé de la femme.

Or, alors que le taux d’avortement est stable, la proportion d’avortements à risque, à l’échelle de la planète, s’est accrue : 49% des avortements pratiqués en 2008 étaient à risque contre 47% en 2003 et 44% en 1995.

En revanche, l’Afrique du Sud mais aussi le Népal et l’Ethiopie, qui ont libéralisé l’accès à l’avortement depuis cinq ans, connaissent le phénomène inverse : la mortalité des femmes après un avortement aurait chuté de 91% en Afrique du Sud, et les complications médicales auraient été réduites de 70% en Ethiopie et de 48% au Népal.

Pour les auteurs de l’étude, seuls un accès plus large à la contraception et une meilleure prise en charge sanitaire des avortements sont susceptibles d’infléchir la tendance et de se rapprocher de l’objectif fixé par l’Organisation mondiale de la santé : réduire de trois quarts le taux de mortalité maternelle entre 1990 et 2015 et disposer d’un accès universel à la médecine procréative d’ici 2025.

Paloma Bertrand le 01/02/2012