Une pilule contre le racisme ?

Une très sérieuse étude conduite par une équipe d’Oxford suggère qu’une substance, le propranolol, aurait l’étrange vertu de rendre moins racistes ceux qui en consomment.

Par Viviane Thivent, le 26/03/2012

En 2006, des médecins français découvraient par hasard qu’une substance utilisée d’ordinaire dans le traitement de l’hypertension ou des troubles cardiaques, le propranolol, soignaient de façon quasiment miraculeuse une tumeur bénigne qui affecte 10% des nouveaux nés. Aujourd’hui, des chercheurs d’Oxford annoncent que cette même molécule rendrait les gens moins racistes : plus précisément, elle réduirait l’influence des préjugés raciaux négatifs qui constituent le « racisme implicite ». (S. Terbeck et al., Psychopharmacology, 28 février 2012). Tordu ? Inattendu plutôt.

L’histoire de cette recherche débute en 2000. A l’époque, l’équipe new-yorkaise d’Elizabeth Phelps étudie l’activité cérébrale de sujets blancs et montre qu’une région du cerveau impliquée dans les émotions, l’amygdale, s’active lorsque les volontaires lorgnent les photos d’individus noirs inconnus. Mieux – ou pire –, d’après l’étude, plus l’activité des amygdales est grande, plus les stigmates du racisme implicite sont importants… et inversement. Difficile en effet de démêler l’origine de la cause du phénomène.

Dix ans plus tard, des chercheurs d’Oxford ont exhumé ce résultat et décidé d’explorer les bases neurologiques de ce racisme implicite. Plus précisément, ils ont cherché à savoir si la noradrénaline, une molécule connue pour être impliquée dans les circuits des émotions, avait de quelconques connexions avec les préjugés raciaux.

Concrètement, ils ont administré à 36 volontaires blancs, soit un placebo, soit du propranolol, un bêtabloquant capable, comme son nom l’indique, de bloquer les récepteurs bêta de la noradrénaline. Puis, ils ont fait passé aux cobayes des tests standardisés visant à quantifier leurs niveaux de racismes implicite et explicite (celui qui est consciemment exprimé par le sujet).

Ils ont ainsi montré que si le propranolol n’avait aucun effet sur le racisme explicite, il réduisait significativement le racisme implicite. Une demie surprise car des recherches menées en 2005 avaient montré que le bêtabloquant était capable de réduire des émotions négatives comme la peur ou la colère.

Au-delà du constat, ce résultat pose une question déroutante : peut-on imaginer soigner, par voie thérapeutique, des individus atteints de racisme ? Pas à ce stade, répondent les auteurs, car le mode d’action et les effets réels du propranolol sur le ressenti xénophobe ne sont pas encore clairement identifiés. De plus, une telle approche soulève des problèmes éthiques difficiles à résoudre. La pilule anti-racisme n’est donc pas pour demain. Ne reste plus qu’à utiliser les voies non thérapeutiques pour lutter contre ce mal qui n’est, rappelons-le, ni incurable, ni héréditaire. Tous les espoirs d’un rétablissement complet sont donc, pour une fois, permis.

Viviane Thivent le 26/03/2012