À la rescousse du rhinocéros à trois pattes

Une équipe internationale de vétérinaires se démène pour remettre sur patte une jeune femelle rhinocéros de Sumatra. Objectif : lui redonner sa fertilité… pour sauver l’espèce !      

Par Yaroslav Pigenet, le 14/06/2012

Répartition géographique des derniers rhinocéros de Sumatra

Selon le dernier recensement disponible, il reste moins de 300 rhinocéros de Sumatra (Dicerorhinus sumatrensis) en liberté qui se répartissent entre l’île de Sumatra, la péninsule Malaise et Bornéo. L’espèce, qui a particulièrement souffert du braconnage et de l’occupation progressive de son territoire par les champs de palme, est désormais menacée d'extinction en raison de la dispersion de sa population : les individus sont tellement isolés qu’ils ne peuvent tout simplement plus se rencontrer pour se reproduire. À tel point que le seul moyen de sauver l’espèce consiste, selon les conservationnistes, à capturer les individus encore en vie pour les protéger et les accoupler.

Dispensaire matrimonial

C’est dans ce contexte que les empreintes d’une jeune femelle rhinocéros marchant sur trois pattes ont été repérées en 2007 dans la réserve naturelle de Tabin. Baptisé Puntung (qui, en malais, veut à peu près dire « court sur pattes »), le perissodactyle a été traqué pendant plusieurs mois avant de tomber dans un piège et d’être ramené fin 2011 par hélicoptère à l’infirmerie de la Borneo Rhino Alliance (BORA). Puntung venant juste d’atteindre sa maturité sexuelle, le but de l’opération était initialement de lui présenter Tam-Tam, un rhinocéros mâle célibataire hébergé à l’infirmerie depuis 2008. Ce film de la télévision malaise montre Tam-Tam et les efforts de la BORA pour protéger ses congénères.

FIV contre extinction

Il n’y avait alors plus qu’à attendre quelques parties de pattes en l’air entre les deux survivants pour repeupler la réserve. C’est du moins ce qu’on espérait jusqu’à ce qu’en février 2012, Thomas Hildebrandt et son équipe de vétérinaires de l’institut Leibniz de Berlin pratiquent une échographie de l’utérus de Puntung et constatent que ce dernier était perclus de kystes. Dans cet état, l’animal était incapable de mener ses 16 mois de grossesse à terme. L’avenir de l’espèce reposant à présent sur les trois pattes de Puntung, Hildebrandt et ses collègues ont alors décidé de mettre à son service tout l’arsenal moderne de la procréation médicalement assistée.

Comme le montre ce film réalisé par Nature, les vétérinaires ont déjà commencé, à coup d’insertion de sondes utérines et d’injections d’antibiotiques, à débarrasser Puntung de ses kystes. L’opération, qui semble s’être bien passée, devrait lui permettre d’être enfin fécondable par Tam. Reste que sur trois pattes, un accouplement en bonne et due forme pourrait s’avérer difficile : Hildebrandt a donc prévu dans ce cas de recourir à la fécondation in vitro, voire au clonage reproductif.

Bref, tous les moyens seront déployés pour donner une descendance à Puntung. Et si le succès est au rendez-vous, ce sera une grande première, car jusqu’ici, hormis le zoo de Cincinatti, qui a annoncé en 2001 la première naissance en captivité d’un rhinocéros de Sumatra depuis 1889, toutes les tentatives de reproduction de cette espèce en captivité ont à ce jour échoué.

Yaroslav Pigenet le 14/06/2012