La diète ne fait pas forcément vivre plus longtemps

A long terme, un régime alimentaire restreint en calories n’augmente pas vraiment la longévité des singes qui y sont soumis… Mais il peut améliorer leur santé.  

Par Yaroslav Pigenet, le 29/08/2012

Avoir faim durant toute sa vie ne permet finalement pas de la prolonger. C’est du moins ce qu’a constaté une équipe du National Institute on Aging (NIA) de Bethesda (Etats-Unis) après avoir étudié un groupe de macaques soumis durant vingt cinq ans à un régime hypocalorique. Les résultats de l’étude, en contradiction avec ceux obtenus pour d’autres espèces et pour d’autres singes, modèrent sérieusement l’espoir de trouver la fontaine de jouvence au fond de notre assiette. Ces travaux viennent d’être publiés en ligne par la revue Nature.

Des souris et des singes

Il est établi depuis longtemps que chez les rongeurs, une restriction alimentaire prolongée accroît la longévité et réduit les risques de développer certaines maladies comme le cancer. Afin de vérifier si ce phénomène concernait également les primates – dont la longévité est 10 à 20 fois plus importante que celle de la souris – les chercheurs du NIA ont dès 1987 soumis certains macaques rhésus à un régime permanent restreignant de 30% l’apport calorique alimentaire. Les macaques, qu’ils soient ou non à la diète, ont été repartis en deux groupes selon leur âge au début de l’étude, les jeunes avaient entre 1 et 14 ans, les vieux ayant entre 16 et 23 ans ; sachant que l’espérance de vie d’un macaque en captivité est d’environ 27 ans.

Jeûner fait mourir en bonne santé

Taux de survie des macaques "vieux" en fonction de l'âge, du sexe et du régime

Vingt cinq ans plus tard, les 34 macaques du groupe « vieux » sont morts, et les chercheurs n’ont observé aucune différence significative de longévité entre les singes soumis à un régime et les autres. Toutefois, en mesurant divers indicateurs biologiques tels que le taux de cholestérol ou le niveau de stress oxydatif, les scientifiques ont pu établir que les animaux sous restriction calorique étaient non seulement plus maigre, mais aussi en meilleure santé.

Sur les 86 macaques du groupe « jeune », un peu moins de 50% étaient encore en vie lors de la rédaction de l’étude. Parmi les disparus, la proportion de singes qui sont morts d’une cause liée à l’âge (diabète, cancer, etc.) est la même qu’ils aient été mis à la diète ou pas. Même sur le jeune sujet, la restriction calorique semble donc ne pas avoir d’effet sur la longévité. En revanche, les auteurs de l’étude signalent que les rhésus au régime , déclarent moins de cancer et affichent une meilleure réponse immunitaire.

Équilibrer plutôt que restreindre

Macaques de 27 ans ayant suivi des régimes différents

Reste que ces résultats contredisent ceux d’une autre étude, commencée à la même époque, et menée elle aussi sur des macaques. Celle-ci semblait établir non seulement une augmentation du taux de survie chez les animaux à la diète, mais également une diminution des risques de diabète, de cancer et de maladies cardio-vasculaires. Pour expliquer cette divergence, les chercheurs du NIA notent que dans l’autre étude, les singes non restreints étaient libres de manger tout ce qu’ils voulaient. Ce qui n’était pas le cas dans leur propre étude, où les singes non soumis au régime hypocalorique recevaioent néanmoins une alimentation rigoureusement contrôlée. Il est donc probable que l’effet constaté sur le taux de survie est dû, non pas à une restriction calorique, mais à un régime alimentaire plus équilibré. Une hypothèse renforcée par le fait que dans l’étude NIA, le régime « contrôle » ne contenait que 3,9% de sucres simples, contre 28,5% dans l’autre étude.

Bien que l’étude NIA ne soit pas terminée, puisqu’une quarantaine de macaques sont encore en vie, les chercheurs estiment que leurs résultats actuels sont suffisamment robustes pour remettre en question, du moins chez les primates, l’hypothèse selon laquelle une diète prolongée peut augmenter l’espérance de vie. Elle confirme toutefois le fait qu’un régime restreint en calorie améliore la santé de celui qui y est soumis. Moralité : manger trop nuit à la santé, mais ne pas manger assez ne garantit pas une meilleure longévité.

Yaroslav Pigenet le 29/08/2012