Sous le sable, l'érosion

Des chercheurs de l'Inra et du CNRS ont réussi à modéliser la formation des banderoles de sable qui flottent au-dessus de la plage les jours de grand vent. Un phénomène apparemment inoffensif, mais qui participe à l'érosion des sols et à la formation de nuages de poussières. Une calamité dans les régions arides.

Par Julie Lacaze, le 26/07/2013

Banderoles de sable à Camber Sands.

D’où viennent ces jolies banderoles de sable qui courent sur les plages ou les terres sablonneuses ? Du vent, certes, mais de quelle manière ? Une équipe du CNRS et de l'Inra dirigée par Sylvain Dupont a pour la première fois réussi à modéliser l’interaction entre les bourrasques de vent et les grains de sable, à l’aide d’un simulateur utilisé par les météorologues pour prévoir la violence du vent. Pour cela, ils ont un peu modifié le système météo afin d’analyser à très fine échelle ce que les chercheurs en mécanique appellent « la saltation ».

Ce phénomène se produit lorsque le vent souffle : les grains de sable de taille moyenne se soulèvent à quelques centimètres au-dessus du sol puis retombent brutalement sous la force de leur propre poids. En retombant, les grains rebondissent et éjectent d’autres grains vers le haut. Résultat : il se forme une dense couche en banderole, appelée « couche de saltation », dont la taille dépend de la force du vent et de l'épaisseur des grains de sable. Ce phénomène s’amplifie jusqu’à un point d’équilibre qui marque la fin de l'épisode : les grains de sable sont alors trop nombreux pour être secoués par le vent.

Animation issue du simulateur météorologique : chaque point correspond à un grain de sable. La forte concentration de points marque la présence des « banderoles de saltation ».

Pourquoi modéliser ce phénomène?

Comprendre le phénomène de saltation permet de mieux appréhender les processus éoliens d’érosion des sols. Ce fléau des régions arides, qui s’étend aujourd’hui vers le territoire méditerranéen, est le premier responsable de la perte de fertilité des terres agricoles. En modélisant le phénomène, on peut identifier les types de végétation les plus efficaces pour limiter l’érosion. Par exemple, si l’on compare le buisson et l‘olivier à l'aide du simulateur, il ressort que l’arbre fruitier des paysages toscans semble avoir l’effet le plus protecteur sur le sol. 

Sylvain Dupont, docteur en mécanique des fluides à l'Inra de Bordeaux

La saltation projette également des poussières dans l’atmosphère, perturbant ainsi les écosystèmes secs. Les nuages poussiéreux ont en effet des conséquences météorologiques et climatiques, en agissant sur la formation des nuages, l’augmentation de la température terrestre et les précipitations.

Par ailleurs, dans une étude datant de 2010, des chercheurs japonais émettaient l’hypothèse que les nuages de poussières pouvaient avoir de graves conséquences sanitaires. Outre la détérioration de la qualité de l’air, le transport de pollutions, ils favoriseraient la propagation d’agents pathogènes sur plusieurs centaines de kilomètres. Ce phénomène a pu être observé en suivant la propagation de la grippe aviaire entre le Japon et la Chine. L'épidémie serait arrivée via ces nuages de poussières jusqu'au "pays du soleil levant".

Julie Lacaze le 26/07/2013