Climat : chaud devant (encore et toujours)

Les activités humaines sont responsables de la moitié des phénomènes d’élévation des températures constatés sur la période 1950-2010. Grâce à une meilleure fiabilité des données récoltées, c'est l'un des constats réaffirmés avec force par le Giec à l'occasion de la présentation de la première partie de son cinquième rapport. Un texte qui appelle à une mobilisation sans précédent.

Par Julie Lacaze, le 30/09/2013

Six ans après son précédent rapport, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) a rendu public, le 27 septembre dernier, son travail sur « les données physiques du changement climatique ». Invités à s’exprimer lors de la présentation de ce premier volet, les principaux membres du groupe 1, dont le secrétaire général de l’Organisation météorologique mondiale, Michel Jarraud, ont insisté sur sa vocation de « guide pour la prise de décision ». Une manière de rappeler que les enjeux écologiques doivent être placés au centre de l’échiquier politique, alors que le redressement économique constitue, depuis le début de la crise, la préoccupation numéro 1 dans les pays industrialisés. Une manière, aussi, de placer à nouveau l’homme face à ses responsabilités : « La moitié des phénomènes d’augmentation des températures durant la période 1950–2010 serait liée aux activités humaines », ont insisté les experts présents à l'institut des sciences de la communication du CNRS, dans la salle où avait lieu la retransmission de la réunion finale du groupe-1 du Giec à Stockholm.

Autre méthode, même constat

Dans ses grandes lignes, le constat n’a guère changé depuis 2007, puisque dès la deuxième page de ce nouveau rapport, il est écrit que « l’atmosphère et l’océan se sont réchauffés, l’étendue et le volume des neiges et glaces ont diminué et le niveau des mers s’est élevé, et les concentrations des gaz à effet de serre (GES) ont augmenté » à un rythme sans précédent depuis 1950.

En revanche, la méthode est différente. Cette fois-ci, en effet, le Giec a inversé sa démarche en partant de quatre scénarios de concentration de GES et non plus, comme dans les précédents rapports, des contraintes économiques et démographiques.

Ce nouveau rapport est également enrichi de données plus précises sur la fonte des glaces et l’élévation du niveau des océans, ainsi que d’une meilleure compréhension des mécanismes de modifications climatiques locales. Les océanographes peuvent désormais expliquer l’ensemble des facteurs contribuant à l’élévation du niveau de la mer depuis les années 1970, alors qu’ils ne pouvaient rendre compte que de 60 % du phénomène dans les rapports antérieurs. Reste que, tout comme en 2007, le constat de réchauffement climatique est sans équivoque, ainsi qu’une tendance probable à l’aggravation du phénomène dans les années à venir.

Voilà, dans les grandes lignes, les nouvelles projections présentées dans le « résumé pour décideurs » d’une trentaine de pages :

Un réchauffement « pratiquement certain » de 2°C

Évolution de la température moyenne jusqu'en 2100

Une augmentation de 0,3°C à 4,8°C des températures est à prévoir entre 2081 et 2100 (par rapport à la période 1986-2005), selon les quatre scénarios élaborés par le Giec, du plus optimiste au plus pessimiste. La prévision maximale (4,8°C) est plus basse qu’en 2007, car le système de calcul a été un peu modifié. Il tient aujourd’hui compte de la « concentration » et non plus de « l’émission » de GES, une façon plus simple et plus précise d’estimer l'évolution future des températures. Dans le scénario considéré comme « pratiquement certain », probable à 99 % au moins, l'augmentation de la température terrestre globale atteint 2°C. Le réchauffement global accroît aussi les températures océaniques. Ce paramètre est responsable pour un quart de l’élévation du niveau des océans (par expansion thermique) et modifie la vitesse de circulation des courants. Si bien que la circulation méridienne de l’Atlantique nord, à laquelle appartient notamment le Gulf Stream, pourrait se trouver fortement perturbée au-delà du XXIe siècle.

Niveau océanique : 1 mètre de plus ?

Élévation du niveau des océans jusqu'en 2100

Sous l'effet de la hausse des températures, la fonte des glaces s’est exceptionnellement accélérée ces dernières décennies. Dans le scénario le plus optimiste, la diminution atteindrait 15 à 55 % du volume total des glaciers – contre 85 % dans l'hypothèse la plus pessimiste. L’élévation du niveau des océans a elle aussi été revue à la hausse : 3,2 mm par an depuis 1993, contre 1,8 mm par an dans le dernier rapport du Giec. Ce phénomène s'amplifiera probablement pour atteindre le rythme de 0,8 cm à 1,6 cm par an à la fin du siècle, soit une augmentation moyenne du niveau océanique comprise entre 0,28 m et près d'1 m d’ici à 2100.

Des précipitations plus abondantes et plus fréquentes

Précipitations comparées sur les périodes 1986-2005 et 2081-2100

Les modifications du cycle de l’eau liées au changement climatique seront différentes selon les régions, en fonction des variabilités climatiques naturelles et de la quantité d’émissions d’aérosols. En termes généraux, les contrastes d’humidité entre les saisons humides et sèches s’amplifieront à l’échelle régionale, tout comme entre les pays les plus humides et les plus secs. Les aires géographiques touchées par la mousson risquent également de s’étendre et les événements de précipitations extrêmes deviendront à la fois plus fréquents et plus graves au cours du XXIe siècle.

Des océans de plus en plus acides

Modification du pH océanique jusqu'en 2100

Sous l'effet de l'activité humaine, le taux de CO2 a augmenté de 40 % depuis la période préindustrielle. Les mers ont absorbé environ 30 % de ce volume supplémentaire de dioxyde de carbone, ce qui a provoqué une acidification du milieu marin. Si bien que dans le scénario le plus probable, le pH baisserait d'environ 0,2 point sur la période 2081-2100 (toujours par rapport à la période antérieure courant jusqu’en 1986). Avec des conséquences écologiques et biologiques encore difficiles à prévoir.

Une qualité de l'air qui se dégrade

Même s'il est difficile de prévoir l'évolution exacte de la qualité de l'air, reconnaît le Giec, deux phénomènes sont prévisibles. D'une part, dans les régions polluées, les températures, plus élevées, pourraient déclencher des pics d’ozone, un des polluants les plus nocifs pour la santé humaine. D'autre part, la concentration moyenne en ozone sur de longues périodes pourrait augmenter d'un quart par rapport à son niveau présent.

Seules des politiques de réduction « significative et durable » des émission des gaz à effet de serre pourront limiter la transformation climatique mondiale en cours. Mais même si les émissions de CO2 s’interrompent aujourd'hui, les grandes caractéristiques du changement climatique persisteront durant encore plusieurs siècles. Dans les mois à venir, en mars et en avril,  le Giec publiera successivement le rapport concernant les répercussions sur les sociétés humaines et, le plus attendu de tous, sur les moyens de remédier au changement en cours. La synthèse globale étant prévue pour octobre 2014.

Julie Lacaze le 30/09/2013