Comme un seul homme !

La découverte de fossiles humains en Géorgie pourrait remettre en cause l’histoire des premiers hommes et peut-être simplifier notre arbre généalogique. Homo habilis, Homo rudolphensis ou encore Homo erectus pourraient en effet n'appartenir qu'à une seule et même espèce.

Par Bernard Nomblot, le 18/10/2013

À ce jour, les premiers humains – c'est-à-dire les individus appartenant au genre Homo –, ont été divisés en plusieurs espèces : Homo habilis, Homo ergaster, Homo rudolphensis, etc. Les différentes espèces sont parfois difficiles à différencier et leur répartition dans le temps et l’espace a toujours été l’objet d’âpres discussions. Or, selon une étude publiée dans la revue Science du 18 octobre, plusieurs crânes découverts en Géorgie pourraient indiquer qu'une seule espèce d'homme a émergé d'Afrique il y a 2,4 millions d'années avant de se répandre sur les autres continents. 

A la croisée des continents

Faisant l’objet de fouilles depuis les années 80, le site de Dmanisi, en Géorgie, s’est révélé très riche en fossiles humains ou animaux, et même en outils de pierre. Le lieu constitue en effet l’un des points de passage quasi obligés lorsqu’on veut rejoindre l’Asie ou l’Europe depuis l’Afrique. Jusqu’à présent, les premiers vestiges humains avaient été attribués à une nouvelle espèce, Homo georgicus.

Récemment, un crâne découvert en 2005 a pu être associé à une mandibule découverte cinq ans plus tôt, formant l’ensemble crânien le plus complet de cette période éloignée.

Cet individu, baptisé Crâne n° 5, date d’environ 1,8 million d’années. Il est caractérisé par une petite boite crânienne, un visage s’allongeant en museau et de très grandes dents. D’autres éléments du squelette de cet homme ont été découverts à proximité et nous permettent d’imaginer un individu d’environ 1,50 m de haut, pesant une cinquantaine de kilos, avec un corps presque semblable à celui d’un homme moderne surmonté d’une tête assez simiesque.

Une variabilité sous-estimée

Quatre autres crânes assez bien conservés ont pu être découverts à proximité de ce premier crâne. Pour David Lordkipanidze, du Musée national de Géorgie, ainsi que pour ses collègues suisses, israéliens et américains, ses crânes issus des mêmes couches géologiques appartiennent de toute évidence à une seule et même espèce. Si bien qu’ils devraient permettre de se faire une idée des variations de taille et d’aspect physique à l’intérieur même de cette espèce humaine.

Or les quatre crânes diffèrent assez nettement du crâne n° 5. Certains présentent une capacité crânienne supérieure ou un museau moins développé… à tel point que s’ils n’avaient pas été trouvés au même endroit, sans doute auraient-ils été classés parmi des espèces différentes.

Pour les chercheurs, la variabilité naturelle des premiers hommes a donc été négligée, une variabilité pourtant très comparable à celle que l’on rencontre aujourd’hui chez l’homme moderne ou chez les chimpanzés. Et il serait donc possible que la demi-douzaine d’espèces d’Homo découverte à ce jour ne soit en fait que des variations d’une seule et même espèce.

Cette hypothèse a le mérite de simplifier l’histoire de l’humanité. Elle permettra, si elle est confirmée, de s’affranchir de nombreuses espèces qui peuvent résulter d’une simple adaptation à des conditions climatiques ou à un biotope particulier.

Bernard Nomblot le 18/10/2013