Le destin vénusien de la Terre

Une équipe française a élaboré un nouveau modèle climatique en trois dimensions. Un outil destiné à identifier les planètes situées en zone d'habitabilité et qui, appliqué à la Terre, montre que d'ici 1 milliard d'années, elle ressemblera beaucoup à la brûlante Vénus.

Par Barbara Vignaux, le 31/12/2013

Un modèle « le plus réaliste possible »

Quelles sont les planètes extrasolaires « habitables » ? C’est pour répondre à cette question qu’une équipe de quatre chercheurs du Laboratoire de météorologie dynamique (LMD), à l’institut Pierre Simon Laplace, a élaboré un modèle climatique universel en trois dimensions, capable de simuler l’évolution, minute par minute et sur des millions d’années, de très nombreux paramètres. Ces travaux ont fait l’objet d’une parution dans Nature en décembre dernier.

Composition et température de l’atmosphère, nuages, circulations d’air et d’eau, pluie, condensation, vapeur d’eau dégagée par les océans, luminosité des étoiles… « Ce modèle prend en compte tout ce qui se passe sur Terre ! » résume François Forget, directeur de recherche au CNRS et auteur de l’étude. Et de souligner : « Nous avons adapté un modèle utilisé pour les prévisions météorologiques, mais il est plus sophistiqué, plus ambitieux, aussi ses résultats en sont-ils beaucoup plus certains ».

En quête d’habitabilité

Le système planétaire de l'étoile Gliese 581

Définir la zone d’habitabilité des exoplanètes n'est pas tâche aisée. Pour être « habitable », en effet, une planète doit se trouver à bonne distance de son étoile, ni trop proche – la chaleur la rendrait stérile en asséchant ses océans – ni trop lointaine – le froid gèlerait l’eau constamment, lui interdisant de conserver un état liquide propre à l’apparition de la vie telle que nous la connaissons. Mais le nombre et la complexité des paramètres en jeu font parfois surgir des résultats étonnants.

Ainsi, ce nouveau modèle a été appliqué au système Gliese 581, ordonné autour d’une naine rouge (une étoile petite et de faible luminosité) située à 20,5 années-lumière de la Terre. L’équipe de recherche a notamment calculé que la glace pouvait se liquéfier à la lisière entre le jour et la nuit sur certaines de ses planètes présentant toujours la même face à leur étoile. Autrement dit, des caractéristiques différentes de celles de la Terre sont compatibles avec la présence d’océans en surface.

Sur l’une des planètes de Gliese 581, une couverture suffisante de dioxyde de carbone semble même entretenir un effet de serre tel qu’il évite sa glaciation complète : « C’est un résultat inattendu, souligne François Forget, car avec une si petite quantité d’énergie reçue de son étoile, cette planète devrait en toute logique être complètement glacée. Or, grâce au spectre de l’étoile et au faible rythme de rotation de la planète, le climat y reste propice à la vie ».

« L’emballement climatique »

Ce modèle permettra aussi de résoudre, au moins partiellement, des énigmes telles que la définition du rôle des nuages. « L’effet parasol », qui désigne la propension des nuages à réfléchir le rayonnement solaire, limite le réchauffement planétaire. L’effet de serre joue en sens inverse, en accentuant le réchauffement. Lequel de ces deux effets l’emporte-t-il ?

Pour une planète comme la Terre, le modèle montre que l’effet de serre l’emporte peu à peu sur « le parasol » au terme d'un processus d’emballement climatique désormais mieux mesuré. Il montre aussi que l'équilibre de l’habitabilité est ténu. « Si la Terre était plus proche de 5 % du Soleil, elle se transformerait immédiatement en fournaise », souligne ainsi François Forget. Un destin qu'avec le temps, elle est de toute façon appelée à connaître. Un temps très long, malgré tout...

La Terre, future Vénus ?

L'évolution géologique de la Terre

En effet, appliqué à la planète bleue, ce modèle permet de calculer que l’évaporation des océans ne surviendra pas d’ici quelque 150 millions d’années seulement, comme on l’imaginait jusqu’à présent, mais plutôt d’ici 1 milliard d’années.

Sous l’effet de la luminosité croissante du Soleil – un phénomène naturel très graduel, sans rapport avec l’activité humaine – l’évaporation croissante des eaux océaniques augmentera la vapeur présente dans l’atmosphère terrestre, aggravant l’effet de serre. « Il suffit que la luminosité reçue par la Terre augmente de 5 % pour que les océans se mettent à bouillir », souligne François Forget.

De la Terre à Vénus

C’est ce qui permet de prédire que la Terre se transformera en une planète comparable à Vénus d’ici un milliard à un milliard et demi d’années. À l’inverse, Vénus, sur laquelle règne aujourd’hui une température de quelque 700°C, a sans doute connu un destin semblable à celui de la Terre...

Barbara Vignaux le 31/12/2013