Biodiversité : et si les oiseaux venaient à disparaître?

La diminution du nombre d’oiseaux constatée depuis plusieurs années pourrait bien avoir des conséquences sur tout le reste du monde vivant.

Par Lise Barnéoud, le 14/02/2005

Une espèce d’oiseau sur 10 pourrait disparaître d’ici 100 ans

Les espèces d'albatros sont particulièrement menacées.

La situation des oiseaux dans le monde se détériore. Selon une récente étude  entre 6 et 14% des espèces d’oiseaux présentes sur la planète pourraient avoir disparu dans cent ans, soit entre 700 et 2500 espèces. L’étude confirme ainsi les prédictions de l'IUCN qui comptabilisait dans son dernier recensement 12% d’espèces d’oiseaux déjà menacées d’extinction. Les oiseaux spécifiques d’un habitat ou d’une ressource alimentaire sont les plus à risque car ils sont plus tributaires des modifications de leur environnement.

D'autre part, les oiseaux insulaires qui vivent depuis plusieurs siècles dans des territoires sans prédateurs sont particulièrement menacés car ils ont perdu l'abilité à s'adapter. L'arrivée de nouvelles espèces, comme les chats apportés par l'homme ou les rats débarqués avec les échanges marins, entraîne inévitablement une compétition au désavantage des oiseaux.

Répartition des oiseaux menacés dans le monde

Si l’on retrouve des espèces d'oiseaux menacées dans toutes les régions du monde, c’est dans les tropiques qu’elles sont les plus nombreuses, notamment en Indonésie et au Brésil.

Mais rapporté au nombre d’espèces présentes dans la région, c’est la Polynésie française qui compte le plus fort pourcentage d’espèces menacées : sur les 79 présentes de façon régulière, 32 sont en danger d’extinction, soit 40,5%.

La France dans le peloton de tête

Kagou (Rhinochetos jubatus) de Nouvelle Calédonie

La France compte 71 espèces sur la liste rouge de l’IUCN, soit 6% des espèces menacées dans le monde et 4,7 % des quelques 1500 espèces nicheuses et migratrices régulièrement présentes en France et dans les DOM-TOM.

Elle se classe ainsi en neuvième position* des pays qui comptent le plus d’oiseaux en danger. 95,8% des « espèces françaises » menacées se trouvent dans les DOM-TOM, qui abritent plus de 76 % des espèces du pays. Cette fragilité de la population d'oiseaux d’outre-mer s’explique par la nature même de ces territoires, essentiellement composés d’îles et d’archipels.

La diminution des oiseaux communs en France

Mais les bilans dans l’Hexagone ne sont pas plus encourageants. Depuis 1989, date des premiers suivis, le nombre d’oiseaux communs a diminué de 10% en métropole. Les espèces spécialistes des milieux agricoles (alouette, linotte, perdrix…) sont les plus touchées : un quart de leur effectif aurait ainsi disparu depuis quinze ans. Les oiseaux vivant en milieu forestier (mésange boréale, bouvreuil) représentent la deuxième catégorie la plus menacée.

* voir la liste des pays qui comptent le plus grands nombres d'espèces menacées sur le site de la LPO

Romain Julliard, Chercheur au Muséum national d'histoire naturelle

 

 

« Le déclin observé en France est
plus sévère qu'ailleurs en Europe.
»

Les raisons sont multiples et encore assez floues

Si les raisons de ce déclin sont nombreuses, elles ont toutes un point commun : l'homme. La destruction des habitats représente de loin le plus grave problème. Selon l' ONG Birdlife international,86% des oiseaux menacés le seraient à cause de la dégradation ou de la perte de leur habitat.

L'intensification de l'agriculture, la déforestation ou encore l'urbanisation sont autant d'éléments entraînant une diminution de l'espace de vie des oiseaux et une réduction des lieux de nidification. La chasse représente la deuxième cause de mortalité des oiseaux. En troisième position viennent les espèces invasives qui participent grandement à la disparition des espèces.

« Les aires de distribution des oiseaux se modifient sous l'effet du rechauffement »
Romain Julliard (MNHN)

La pollution apparaît aussi comme un problème grandissant. Qu'elle provienne de l'eau, de l'air ou des sols, elle entraîne nombre de pathologies : dysfonctionnement de l'appareil reproducteur, déformations, coquilles trop fines…

Autre pollution : celle des herbicides et insecticides. En diminuant le nombre de graines et d'insectes, certains pesticides vident le réservoir de nourriture des oiseaux spécifiques des espaces agricoles. Enfin, quelques études suggèrent également un lien entre le déclin des oiseaux et le réchauffement climatique, particulièrement pour les espèces nordiques.

Le cas du moineau

Les moineaux font beaucoup parler d’eux ces derniers temps, et pour cause : ils tombent comme des mouches. En Angleterre où les données sont les plus précises, les spécialistes ont noté une chute de 62% de leur effectif entre 1970 et 1999. Dans pratiquement toutes les grandes villes d’Europe, la diminution du nombre de moineaux est supérieure à 50%. Une véritable hécatombe. En revanche, les moineaux français semblent plus épargnés. D’après le programme STOC (Suivi temporel des oiseaux communs) du muséum d’histoire naturelle, 16% des moineaux aurait disparu depuis 1989, soit trois fois moins qu’ailleurs en Europe. A Paris intra-muros, ils n’auraient quasiment pas diminué. Comment expliquer un tel contraste, sachant qu'en plus, les superficies d’espaces verts sont plus importantes dans la capitale anglaise qu'à Paris? Les spécialistes français et anglais ont quelques hypothèses, mais aucune certitude. Ainsi, il y aurait plus de terrasses de café ou de restaurants dans la capitale française, ce qui permettrait de laisser plus de miettes sur les trottoirs. Une autre hypothèse pour le moins saugrenue est évoquée : le nombre de crottes de chien serait plus élevé à Paris ce qui attirerait plus d’insectes, donc plus de nourriture pour les petits moineaux…

De lourdes conséquences sur le reste des écosystèmes

Le rôle pollinisateur de certains oiseaux est primordial

La diminution du nombre d’espèces d’oiseaux n’est que la partie visible de l’iceberg. Selon un recensement sur plus de 9000 espèces d’avifaune, les conséquences de la diminution du nombre d’oiseaux sur le reste des écosystèmes apparaissent particulièrement préoccupantes.

Ainsi, les processus de pollinisation et la dispersion des graines de fruits sont parfois le fait de quelques espèces d’oiseaux seulement. Leur disparition entraînerait donc de lourdes conséquences quant à la survie de ces plantes.

D’autre part, de nombreux oiseaux servent de lutte anti-parasitaire naturelle. C’est le cas des oiseaux insectivores, qui débarrassent les plantes des insectes nuisibles ou des chenilles ravageuses. Mais c’est également le cas de certains rapaces (faucons, chouettes) qui prélèvent des proies plus grosses mais non moins dévastatrices : les petits rongeurs.

Les populations de vautours en Inde sont en train de s'effondrer pour des raisons encore floues.

Un autre problème concerne spécifiquement les oiseaux charognards. En s’attaquant aux carcasses relativement tôt, ils permettent de limiter le temps de décomposition, d’éviter la prolifération d’autres espèces charognards et par-là, la dispersion de certaines maladies. Ils jouent donc un rôle d’équarrisseur important pour la santé humaine.

Pour preuve, en Asie du sud, la quasi-disparition des vautours a entraîné une explosion du nombre de rats et chiens sauvages, ce qui a favorisé les transmissions de maladies comme la rage ou la peste parmi la population humaine.

La modélisation au service des oiseaux

« On peut savoir quels paysages permettent d'héberger un maximum d'espèces » Romain Julliard (MNHN)

Parmi les axes de recherches pour tenter de limiter le déclin de la population d'oiseaux, la modélisation paraît le plus porteur. L'objectif est de mieux connaître les inter-relations entre les populations d'animaux sauvages comme les oiseaux et les modifications de l'espace dans lequel elles vivent. Cet outil informatique permet de proposer une meilleure gestion de l'espace, notamment agricole.

Lise Barnéoud le 14/02/2005