Navette spatiale : nouveau départ ou dernier vol ?

Deux ans et demi après l'accident de Columbia, la navette Discovery a pu effectuer une mission de quatorze jours dans l'espace, malgré de réelles inquiétudes concernant sa capacité à rentrer sur Terre...

Par Olivier Boulanger, le 03/08/2005

Décollage réussi !

Il est 16h39 à Paris lorsque, le 26 juillet 2005, la navette américaine Discovery s'envole de Cap Canaveral avec à son bord sept astronautes – six Américains et un Japonais – pour une mission de 12 jours à destination de la Station Spatiale Internationale.

Pour les responsables de la Nasa, c'est le soulagement : le décollage s'est déroulé comme prévu et, contrairement à une première tentative avortée dix jours plus tôt, aucune anomalie n'est venue retardée le compte à rebours.

Interdite de vol depuis l'accident de Columbia du 1er février 2003, la navette spatiale américaine reprend donc du service, non sans avoir subi quelques modifications : tester ces améliorations constitue d'ailleurs la principale mission des sept astronautes.

Sécurité renforcée

Le 1er février 2003...

On connaît aujourd'hui parfaitement les raisons du crash de Columbia. Lors du décollage, un pain de mousse protégeant le réservoir externe avait violemment heurté l'aile gauche de la navette, arrachant plusieurs tuiles de protection thermique. Lors du retour, le plasma brûlant qui entoure la navette durant l'entrée dans l'atmosphère avait pu pénétrer à l'intérieur de l'aile, détruisant l'engin tout entier. Autant dire que toutes les mesures ont été prises pour qu'un tel incident ne puisse se reproduire.

Les principales améliorations concernent la navette elle-même. Les protections des ailes ont ainsi été renforcées. De même, le réservoir externe a été modifié afin que des morceaux de mousse ne puissent s'en détacher. Les systèmes de fixation et de séparation des moteurs auxiliaires ont également été revus.

Mais les améliorations concernent également les systèmes de mesures et de surveillance. 88 récepteurs ont ainsi été intégrés dans les ailes afin d'en mesurer la température. Des mini-caméras ont été placées sur le réservoir principal afin d'observer le décollage dans les moindres détails. Dans le même but, 107 caméras ont été déployées sur Terre et dans les airs. Un système d'observation par radar a également été mis en place.

Inquiétudes autour de deux débris

Mais après la joie suscitée par ce décollage réussi, l'inquiétude gagne les responsables de la Nasa qui constatent que deux débris ont pu être identifiés peu après le départ de la navette.

Le second débris

Le premier élément est un petit morceau de tuile de 3,8 centimètres environ provenant vraisemblablement du train d’atterrissage droit situé sous le nez de l’appareil. John Shannon, le directeur des opérations en vol, se veut rassurant et rappelle que des bouts de tuile tombent lors de chaque mission. « Nous n’avons d’ailleurs pas perdu une tuile, précise-t-il, mais seulement un morceau. »

Le second débris, observé sur une vidéo, n’est autre qu’un morceau de mousse isolante provenant du réservoir externe : une pièce imposante mais qui ne semble pas avoir touché la navette.

Inspection infrarouge de l'aile de la navette

À la recherche d’éventuels dégâts, une équipe d’experts est aussitôt constituée afin d’étudier l’ensemble des images disponibles.

De leur côté, les astronautes consacrent leur première journée dans l’espace à examiner l'appareil grâce à un laser et une caméra, tous deux fixés au bout du bras robotisé de la navette.

Le lendemain, à son arrivée sur l’ISS, la navette effectue également une manœuvre de retournement afin que son bouclier thermique puisse être observé dans les moindres détails depuis la station spatiale.

Mission inédite

Après ces multiples examens, ni le morceau de tuile manquante, ni le morceau de mousse isolante ne semblent compromettre le retour de la navette.

Mais l'inspection du revêtement de la navette permet de relever un autre élément inquiétant : le joint qui sépare les tuiles isolantes du bouclier thermique dépasse de 2,5 cm, à deux endroits, sous le nez de la navette. La Nasa craint que ces imperfections n'entraînent une dangereuse surchauffe de l'engin au moment de son retour dans l'atmosphère terrestre.

Armés de forceps et d'une scie métallique improvisée, l'astronaute Stephen Robinson et son collègue japonais Soichi Noguchi sont donc sortis le mardi 3 août pour une réparation de l’appareil : une mission sans précédent dans l’histoire de la navette.

Alors que Robinson s'apprêtait à passer une heure environ sous le ventre de la navette, il ne lui a fallu finalement que quelques secondes pour retirer de ses seules mains gantées le premier joint défectueux. « Le deuxième joint est parti encore plus facilement, a-t-il expliqué. Je ne vois plus de joint saillant. J’ai fait ma propre inspection. C'est un très beau ventre orbital. »

Retour différé, mais atterrissage réussi !

Après avoir différé la date de son retour en raison des mauvaises conditions météorologiques sur la Floride, la Nasa a finalement obté pour un atterrissage sur la base d'Edwards, en Californie. La rentrée dans l'atmosphère s'est bien déroulée et c'est avec beaucoup de soulagement que l'équipage a été accueilli sur terre.

Les vols de navettes à nouveau remis en cause

Reste que ces incidents a priori sans gravité rappellent ceux qui avaient causé la désintégration de la navette Columbia. Par mesure de sécurité, Bill Parsons, le directeur du programme de la navette, a jugé que la fragilité persistante des isolants hypothéquait la poursuite des vols : « Tant que nous ne serons pas prêts, nous ne revolerons pas. Je ne peux pas fixer d'échéance. »

Une décision lourde de conséquences qui pourrait porter un coup fatal non seulement à la navette elle-même, mais aussi à la Station spatiale internationale qui, depuis deux ans et demi, n'est plus ravitaillée que par les seuls vaisseaux russes Soyouz.

Olivier Boulanger le 03/08/2005