Entre les exoplanètes et leur étoile-mère : un air de famille ?

À ce jour, les informations qui nous parviennent des planètes extrasolaires sont extrêmement limitées. Mais grâce à la modélisation, une équipe internationale vient de montrer que la nature de certaines de ces planètes est étroitement liée à celle de leur étoile-mère.

Par Olivier Boulanger, le 03/07/2006

Des méthodes de détections limitées

La méthode des vitesses radiales...

En seulement onze ans, près de 200 planètes ont pu être découvertes en dehors de notre système solaire. Pourtant, la quasi-totalité l'ont été par des méthodes indirectes qui non seulement ne fournissent pas d'images, mais sont également avares d'informations.

La méthode des vitesses radiales, à qui l'on doit la première découverte d'une exoplanète (et aussi la presque totalité des autres) ne permet de déterminer que la masse et la période orbitale de la planète.

La méthode des transits...

La méthode des transits, qui a permis de découvrir (ou de confirmer) dix d'entre-elles, est un peu plus prolixe : elle permet également de déterminer le diamètre de la planète. Sur la base de cette information, une équipe internationale d'astronomes conduite par Tristan Guillot, du laboratoire français Cassiopée, vient de mettre en évidence que certaines de ces exoplanètes ont une composition interne étroitement liée à celle de leur étoile mère : ces planètes possèdent un noyau d'éléments lourds d'autant plus important que leur étoile est riche en métaux*.

* Astronomy & Astrophysics, DOI: 10.1051/0004-6361:20065476

Des informations extrapolées par modélisation

Comment arriver à des conclusions aussi avancées à partir de méthodes de détections aussi « pauvres » ? Grâce à la modélisation !

Quel est le principe de ces modèles ?

Si les données recueillies sont réduites, elles se doivent d'être cohérentes. Dès leur découverte, les dix exoplanètes détectées par la méthode des transits (celles dont on connait le diamètre) ont ainsi été confrontées à des modèles de formation planétaire. L'idée étant de vérifier par le calcul que ces planètes, supposées être constituées d'hydrogène et d'hélium, ont une taille compatible avec leur masse (en tenant compte de différents paramètres tels que la distance qui les sépare de leur étoile, les caractéristiques de cette étoile...).

Moyennant de grandes marges d'erreur, les modèles classiques ne montrent pas d'incompatibilités flagrantes : ces planètes sont donc vraisemblablement des géantes gazeuses comparables à Jupiter ou Saturne.

Malgré tout, quelques planètes sèment le trouble. « Au regard de sa masse, la planète HD149026B est trop petite pour n'être constituée que d'hydrogène et d'hélium, fait remarquer Tristan Guillot. À l'inverse, deux des dix planètes étudiées sont légèrement plus grosses que les prédictions : les modèles classiques sont donc incomplets... »

Un air de famille…

Selon Tristan Guillot et son équipe, il existe une corrélation entre la masse d'éléments lourds des exoplanètes et la métallicité de leur étoile-mère.

L'idée de Tristan Guillot et de son équipe est alors d'étudier les dix planètes dans leur ensemble – plutôt que une par une – afin de déterminer le paramètre oublié qui permettrait d'expliquer ces « anomalies de rayon ».

« Nous sommes partis de l'idée qu'il devait y avoir une corrélation entre la métallicité de l'étoile et la teneur des planètes en éléments lourds. », explique Tristan Guillot. Rien d'étonnant lorsqu'on sait que les planètes et leur étoile-mère sont issues du même nuage de gaz et de poussière.

Les chercheurs du laboratoire Cassiopée ont donc considéré que les planètes étudiées étaient non seulement constituées d'hydrogène et d'hélium, mais qu'elles possédaient aussi un noyau solide d'autant plus important que leur étoile était riche en métaux (la métallicité d'une étoile peut se déterminer par spectrométrie). Puis ils ont fait tourner leur nouveau modèle...

Comment expliquer que certaines planètes soient plus grandes que prévues ?

Le résultat ? Une bien meilleure corrélation entre la masse et la taille de ces planètes : « l'ajout » d'un noyau permet d'expliquer les anomalies de rayon constatées jusqu'à présent.

Dès lors, HD149026B, la planète considérée longtemps comme trop petite au regard de sa masse, ne fait plus figure d'exception : avec une étoile-mère particulièrement riche en métaux, cette exoplanète de 120 masses terrestres possède vraisemblablement un noyau dense de 70 masses terrestres.

Un échantillon encore trop réduit

Ce modèle fonctionne-t-il pour les planètes du Système Solaire ?

Cette démonstration se heurte pourtant à certaines limites : seules dix planètes, c'est-à-dire uniquement celles dont on connait le diamètre, ont pu être éprouvées par ce nouveau modèle.

Qui plus est, ces planètes se ressemblent. La méthode des transits requiert en effet des conditions particulières pour être efficace : les planètes recherchées se doivent d'avoir un diamètre important par rapport à leur étoile afin qu'une baisse de luminosité suffisante puisse être mesurée ; de même, leur période orbitale doit être réduite pour que plusieurs transits puissent être observés. De fait, les dix planètes ainsi détectées, regroupées sous le nom de Pégasides*, sont des géantes gazeuses (dont les masses sont comprises entre 110 et 430 fois), très proches de leur étoile.

Reste donc à éprouver le modèle sur d'autres types de planètes extrasolaires, ce qui, en l'absence de nouvelles découvertes, demeure pour l'instant impossible. Mais Tristan Guillot est confiant : « La mise en service du satellite français COROT en octobre prochain devrait permettre d'élargir notre échantillon de référence ».

* référence à la première exoplanète découverte par la méthode des transits en 1999 dans la constellation de Pégase.

Olivier Boulanger le 03/07/2006