Exoplanètes : l’Univers n’abrite pas que des planètes géantes

La liste des planètes extrasolaires connues à ce jour laisse penser que l'Univers est essentiellement constitué de planètes géantes. A moins qu'il ne s'agisse d'un biais introduit par les méthodes de détection comme le suggère une récente étude européenne...

Par Olivier Boulanger, le 10/07/2006

Trois Neptunes...

La chasse aux planètes extrasolaires, inaugurée il y a tout juste onze ans par l'astronome suisse Michel Mayor, n'a pas encore permis de détecter de planète aux caractéristiques proches de la Terre. La plupart des 199 exoplanètes découvertes à ce jour ne sont que des géantes gazeuses comparables à Jupiter ou Saturne.

La plupart, mais pas toutes. Une équipe internationale conduite par Christophe Lovis et Michel Mayor de l'Université de Genève, a annoncé à la fin du printemps* la découverte d'un système planétaire formé de trois petites planètes et doté d'une ceinture d'astéroïdes. Une première qui montrerait – à l'instar de notre système solaire – qu'il n'y a pas que des planètes géantes dans l'Univers.

* Nature, vol. 441, p. 305 (18 mai 2006)

Une méthode poussée dans ses derniers retranchements

La chasse aux exoplanètes est une tâche de longue haleine. Ainsi, pour découvrir ce nouveau système planétaire, les chercheurs ont dû étudier quelque 400 étoiles durant plus de deux ans.

La méthode de détection utilisée n'a rien d'inédite, bien au contraire : il s'agit de celle qui a permis de mettre au jour la quasi-totalité des planètes extrasolaires connues à ce jour.

Dénommée « méthode des vitesses radiales », elle consiste à mesurer par spectrométrie les variations de vitesse que subissent les étoiles lorsque des planètes tournent autour d'elles, sous l'effet des forces gravitationnelles.

HARPS

La méthode est classique, certes, mais pour mesurer les plus infimes variations, les astronomes ont utilisé cette fois-ci l'un des spectromètres les plus performants au monde : l'instrument HARPS installé au foyer du télescope européen de 3,6 m de La Silla, au Chili. « Seul cet instrument était capable de détecter un signal aussi discret », note Christophe Lovis, de l'Observatoire de Genève.

Les variations mesurées sont en effet comprises entre 2 et 3 m/s, soit environ 9 km/h. Une prouesse technique lorsqu'on sait que l'étoile HD 69830 autour de laquelle gravitent ces trois nouvelles planètes se situe à plus de 41 années-lumière de la Terre (soit 387 889 949 375 812 km) !

Les modèles en action

Les données recueillies

La méthode des vitesses radiales apporte cependant très peu d'informations. On peut en déduire que ces trois planètes orbitent autour de l'étoile HD 69830 en respectivement 8,67 jours, 31,6 jours et 197 jours, à des distances de 0,07, 0,18 et 0,63 UA*.

On sait également que leurs masses correspondent à peu près à celle de Neptune (avec des valeurs comprises entre 10 et 18 masses terrestres). Mais on ne dispose d'aucune information sur leur taille ou leur nature. Les modèles de formation planétaire – un domaine actuellement en pleine expansion – permettent cependant d'en savoir un peu plus.

Trois planètes... et une ceinture d'astéroïdes !

« En tenant compte de différents paramètres (les données fournies par la méthode des vitesses radiales, mais aussi la taille et le type de l'étoile…), nos collègues de l'université de Bern, ont estimé que les deux planètes les plus proches de l'étoile ont vraisemblablement une surface solide, explique Christophe Lovis. La troisième, en revanche, serait constituée d'un corps solide (de roche ou de glace) entouré d'une épaisse atmosphère d'hydrogène. Elle pourrait donc ressembler davantage à Uranus ou Neptune. »

Les observations du télescope américain Spitzer permettent d'en savoir encore un peu plus. En avril 2005, en étudiant HD 69830, le télescope spatial a pu déceler un excès d'infrarouge : vraisemblablement la trace d'une ceinture d'astéroïdes qui, selon les modèles, devrait se trouver soit entre la deuxième et la troisième planète, soit au-delà de cette dernière. Spitzer doit réaliser prochainement de nouvelles mesures plus précises afin de confirmer l'une ou l'autre de ces hypothèses.

* 1 Unité Astronomique (UA) équivaut à la distance moyenne Terre-Soleil.

Un système inédit

Un système à l'équilibre ?

En soit, la découverte de planètes de petite masse n'a rien d'exceptionnelle. Ce nouveau système n'en demeure pas moins remarquable. « Durant les deux dernières années, une dizaine de planètes de la masse de Neptune ont été découvertes, note Christophe Lovis. Mais toutes gravitaient à une très faible distance de leur étoile avec une période orbitale de seulement quelques jours. Ces étoiles étaient d'ailleurs souvent des naines rouges : des étoiles beaucoup plus petites et plus froides que notre Soleil. »

Ce nouveau système vous parait-il surprenant ? Réponse de Christophe Lovis (Observatoire de Genève)

Le système HD 69830 est différent : une étoile comparable à notre Soleil (bien qu'un peu plus petite), deux planètes telluriques et une planète gazeuse séparées par une ceinture d'astéroïdes… les ressemblances avec notre système solaire sont frappantes. D'ailleurs, la troisième planète se situe à une distance permettant théoriquement la présence d'eau à l'état liquide. « Celle-ci est toutefois trop massive et l'atmosphère y est trop dense pour espérer en trouver », précise François Bouchy, de l'Institut d'Astrophysique de Paris, l'un des signataires de l'article.

« Ce qui est remarquable, c'est que pour la première fois, nous avons découvert un système sans planète géante, insiste Christophe Lovis. On se rend compte en fait qu'en améliorant la précision de nos mesures, nous détectons des petites planètes très facilement. Ceci laisse supposer qu'elles sont très nombreuses, sans doute plus nombreuses que celles de masses supérieures ou égales à Jupiter. Une hypothèse qui se vérifiera sans doute lors de nos prochaines observations. »

Olivier Boulanger le 10/07/2006