Les journalistes scientifiques sous le microscope

Les informations les plus contradictoires circulent sur les débouchés du journalisme scientifique. Nous avons tenté d'y voir plus clair en nous intéressant au devenir des étudiants en journalisme scientifique.

Par Cécile Michaut, le 12/07/2007

Journaliste scientifique, un métier d’avenir ?

On pourrait le penser au vu du rôle croissant des sciences et des technologies dans nos sociétés. Cependant, la place de la science dans les médias reste faible, et le petit nombre de journalistes spécialisés en sciences reflète probablement ce manque d'intérêt. Il y a certes pléthore de formations si l'on prend en compte les écoles généralistes, celles spécialisées en sciences et tous les masters en communication et journalisme, mais les emplois ne suivent pas toujours.

En observant les enquêtes de débouchés professionnels de plusieurs formations spécialisées, nous nous sommes aperçus que le journalisme est loin d'être l'issue principale de ces études, devancé par la communication et la médiation scientifique. La précarité semble s'accentuer, et peu d'information est disponible sur le salaire moyen des journalistes scientifiques. L'Ecole supérieure de journalisme (ESJ) de Lille, qui forme chaque année une dizaine d'étudiants provenant de cursus scientifiques, est la plus tournée vers le journalisme. Mais ses promotions sont peu nombreuses : seulement 146 diplômés depuis sa création il y a 13 ans. Un peu moins d'un tiers intègre la presse professionnelle, telle que l'Usine Nouvelle ou des revues très pointues destinés aux spécialistes d'un secteur (environnement, chimie, etc.).

Le second débouché est la communication, notamment dans les institutions scientifiques comme le Cern ou l'Inserm. « C'est seulement ensuite que vient le débouché que l'on aurait pu imaginer le plus important pour cette filière : la presse scientifique », observe Agathe Remoué, responsable pédagogique de la filière à l'ESJ. D'autres évoluent vers des thèmes non scientifiques dans des journaux généralistes.

Journalisme ou communication ?

Les autres formations sont davantage tournées vers la communication. C'est le cas du master professionnel Production et diffusion des savoirs scientifiques proposé par l'université Paris 7 Diderot. Parmi les 188 étudiants ayant répondu à un questionnaire sur leur parcours professionnel, 26% travaillent dans la communication et la vulgarisation, 22% obtiennent un poste de journaliste dans une rédaction de presse écrite, 20% ont un statut de pigiste, et 16% travaillent dans l'audiovisuel. Les autres (16%) se sont, pour la plupart, tournés vers l'enseignement, ou ont repris des études scientifiques. Cependant, il s'agit là de réponses toutes promotions confondues, et aucune information n'est disponible sur le temps au bout duquel ces étudiants trouvent un travail qui permet de subvenir à leurs besoins.

Le master Communication scientifique et technique de l'université de Grenoble 3 a récemment effectué une étude d'insertion professionnelle auprès d'une cinquantaine de diplômés récents. Résultat : près de 29% de ses diplômés sont chargés de communication, 25% médiateurs et animateurs scientifiques, et seulement 10% rédacteurs ou journalistes. La précarité semble la règle, puisque seuls 32% sont en contrat à durée indéterminée, les autres étant en contrat à durée déterminée (50%), intérim (5%), pigistes (5%) ou même bénévoles (5%). Il faut dire que 32% travaillent au sein d'associations ou d'établissements publics, où les contrats précaires sont souvent de mise. Cette précarité est-elle liée aux métiers de la communication, qui seraient plus aléatoires que ceux du journalisme ? Ou bien provient-elle du fait que cette enquête porte sur des promotions récentes ? Nous n'avons pas la réponse.

Des portraits robots

Tous ces chiffres ne dressent pas un portrait fidèle du métier, car le journalisme est un métier où l'on peut se former « sur le tas ». Un certain nombre de diplômés scientifiques se reconvertissent ainsi. D'autres viennent d'écoles de journalisme généraliste et se spécialisent en sciences par hasard ou par goût, pour quelques mois ou toute la vie. Ceux-là ne figurent pas dans cette enquête. Inversement, les étudiants en journalisme et communication scientifique ne deviennent pas tous journalistes : on l'a vu, certains se dirigent vers la communication ou la médiation scientifique, ainsi que les relations presse. L'état réel de la profession de journaliste scientifique est donc difficile à évaluer.

Une enquête menée en 2005 auprès des membres de l'Association des journalistes scientifiques de la presse d'information (AJSPI) permet d'apporter quelques éléments d'information. Sur les 59 journalistes scientifiques ayant répondu au questionnaire, la moitié étaient pigistes (parmi lesquels plus des quatre cinquièmes avaient une activité professionnelle supplémentaire, probablement parce que la pige ne leur apportait pas un revenu suffisant). La majorité des pigistes percevaient en 2005 un revenu mensuel situé entre 1000 et 2000 euros brut, tandis que le revenu de tous les permanents était supérieur à 2000 euros. Plus de la moitié des permanents étaient employés dans un mensuel spécialisé, alors que les pigistes travaillaient pour des supports plus variés. Quelle conclusion peut-on dresser de tous ces chiffres ? Clairement, le journalisme scientifique se précarise, mais c'est le cas de l'ensemble des métiers du journalisme. Malgré la pléthore d'offres de formation, les débouchés restent limités. Néanmoins, nombreux sont ceux qui, aujourd'hui encore, parviennent à vivre de leur passion pour le journalisme scientifique.

Cécile Michaut le 12/07/2007